« Seize mois de lutte pour les équipes sur le terrain » P.Richard et D.Berthelot, SGDB-France
Zepros : Comment analysez-vous cette période, depuis le début de la crise sanitaire jusqu’à aujourd’hui ?
Patrice Richard : Ces derniers seize mois ont été seize mois de lutte pour les équipes qui ont dû sur le terrain, faire face à cinq crises. Tout d’abord le premier choc du confinement qui a vu la capacité des équipes à s’adapter pour organiser de nouveaux protocoles et de nouveaux parcours clients en toute sécurité, et qui a permis la réouverture très rapide des points de vente. Le déconfinement n’a pas été simple non plus à préparer, car il faut se souvenir qu’à ce moment là nous manquions de masque, de plexiglass, et devions gérer des délais d’approvisionnement allongés car les lignes de productions de nos fournisseurs ne tournaient pas à 100%. Puis à partir de juin, juillet et août 2020, nos collaborateurs ont été présents pour répondre à la forte reprise d’activité, sans fermeture d’agence durant le mois d’août. Enfin, deux autres phénomènes conjoncturels sont intervenus, pour perturber le marché et mettre sous tension les équipes dans un contexte de très forte demande : les pénuries et l’inflation brutale de nombreux matériaux. Je salue ici à nouveau la capacité des collaborateurs à s’adapter et à se mobiliser, et en particulier les chefs d’agences qui ont à se battre encore aujourd’hui au quotidien.
Zepros : Quelques mots sur le contexte conjoncturel actuel ?
Damien Berthelot : Les dérèglements économiques internationaux entraînés par la crise sanitaire et une reprise rapide au niveau mondial restent profonds. Face aux perturbations sur les cours des matières premières et par effet domino sur les évolutions de prix, le retour à une plus grande stabilité est difficile à anticiper. Le marché du Bâtiment en France a connu jusqu’en mai une croissance des volumes à deux chiffres par rapport à 2019. Nous sentons aujourd’hui un léger tassement de cette croissance qui va permettre de reconstituer un peu les stocks, mais sur le bois, les hausses inhabituelles des commandes s’expliquent aussi par le besoin des clients de sécuriser leurs chantiers. Face à cette situation, nous devons maitriser nos prix d’achats au plus juste pour les répercuter le moins possible à nos clients. La relation commerciale sur le terrain et en local, c’est là où ça se joue, et c’est encore plus vrai actuellement.
Zepros : Ce que la crise sanitaire peut changer durablement ?
P. R. : Dans les impacts directs de ces périodes de confinement, nous constatons tout d’abord une évolution du rapport des Français à leur habitat. Sur le plan économique, le report des budgets s’est fait au bénéfice de l’amélioration des logements, que ce soit de la rénovation simple d’embellissement ou des travaux plus lourds d’extension et d’aménagement des extérieurs. On enregistre également, d’une part des travaux en lien avec la hausse des transactions immobilières dans l’ancien, et d’autre part la croissance des constructions de maisons individuelles. La vision et les nouvelles envies sur l’habitat ont évolué et devraient perdurer.
D.B. Une autre évolution sur cette période est liée au digital. Comme beaucoup, nous avons enregistré de très fortes croissances de nos ventes en e-commerce en 2020, et cette croissance continue en 2021. Plus que jamais, et ce n’est pas contradictoire, le point de vente constitue pour les artisans, un point de contact très important, un troisième lieu de vie pour nos clients qui y recherchent de l’informations, des conseils et même tout simplement des échanges humains. Notre approche omnicanale permet de créer une proposition de valeur sur chaque point de ces parcours.
Zepros : Justement, quelle est aujourd’hui la stratégie globale du groupe pour servir les clients à travers ses différentes enseignes ?
D.B : Nous continuons à remodeler nos points de vente avec la poursuite du déploiement du concept Point.P Express et du nouveau format libre-service chez CEDEO, ou encore une nouvelle organisation des cours matériaux et des showrooms. Le fil rouge de nos actions, en physique ou sur le digital est de remplir notre rôle pour aider les professionnels à être plus efficace sur le marché de la rénovation énergétique. Les artisans sont confrontés à une difficulté : répondre à des particuliers qui se pensent très informés. Nous devons apporter à nos clients les solutions techniques performantes et adaptées, les arguments de vente et lui simplifier les démarches dans un contexte de dispositifs financiers, de nouvelles réglementations et de qualifications toujours plus complexes. Pour contribuer à atteindre l’objectif de 500 000 rénovations lourdes par an, la clé c’est la formation et l’information.
P.R. : Dans un contexte de mutations très fortes mais aussi de croissance que vit le Bâtiment, nous pensons que notre rôle de leader c’est aussi de voir les menaces et d’apporter des solutions. Le Pack Jeune Artisan mis en place, pour l’instant au sein de Point.P, pour appuyer et sécuriser les jeunes entrepreneurs qui se lancent, en fait partie. Tout comme nos démarches pour changer l’image des métiers du Bâtiment et utiliser l’influence de notre groupe pour attirer les jeunes.
Cette stratégie vers les clients implique aussi à l’échelle du groupe une politique de management et d’accompagnements de nos collaborateurs. C’est un point d’attention et de vigilance. Dans une période comme celle que nous traversons, nous devons prendre soin des équipes et recréer des temps collaboratifs.
Zepros Comment l’activité distribution concrétise-t-elle la raison d’être affirmée par le groupe Saint-Gobain « Making the world a better home » ?
D.B : Le groupe Saint-Gobain vise la neutralité carbone à horizon 2050. Cela signifie que toutes les activités sont concernées. Au sein de SGDB France, notre feuille de route s’articule sur quatre axes : l’efficacité énergétique, la circularité, la logistique et les collaborateurs. Nous nous sommes déjà saisis du dossier RSE sur les volets ressources humaines et responsabilité sociétale et nous voulons maintenant accélérer sur nos engagements environnementaux. Cela nous conduit à lancer une analyse très large sur l’ensemble de la chaine de valeur, à la fois de notre propre activité et de celles de nos partenaires. En effet, le calcul de notre empreinte carbone montre que l’essentiel provient des produits que nous vendons et de notre logistique amont et aval. Sur la logistique, nos efforts reposent sur l’optimisation des tournées de livraisons, les formations de nos chauffeurs à l’éco-conduite, la flotte de camions roulant au GNV, l’électrification de notre parc de chariots, ou encore le recours au transport fluvial. Nous poursuivons ces investissements. Ce que nous entreprenons à présent, c’est l’analyse des produits que nous vendons, et la façon dont ils sont produits. Trop Très peu de données sont disponibles sur le l’impact carbone, les déchets, l’eau, les analyses de cycle de vie. Nous avons présenté notre ambition à nos fournisseurs en mars dernier. D’ici En 2022, nos 150 fournisseurs stratégiques seront évalués sur leur politique RSE par l’organisme Ecovadis. Nous élargirons cette étude aux autres fournisseurs jusqu’à 2025. A partir de ces analyses, le projet est surtout de leur proposer des axes d’amélioration et de nous permettre d’intégrer des données sur l’impact carbone dans notre base produits.
P.R. J’ajouterai que dans cette démarche, qui nous animera dans les années à venir, le travail collaboratif avec nos fournisseurs est plus que nécessaire, il est vital, pour bâtir ensemble ce monde meilleur. (Propos recueillis par Marie-Laure Barriera).