[NégoceTOP100] Denis Matériaux prudent pour les prochains mois

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Porté par une activité particulièrement soutenue sur le marché de la construction, notamment en Bretagne, Denis Matériaux à travers sa co-dirigeante Rachel Denis-Lucas, reste pourtant prudent pour les prochains mois. La raison ? La pénurie de matières premières à laquelle est confronté le secteur du BTP.

Rachel Denis-Lucas : Pour notre activité distribution, nous avons connu une baisse de notre chiffre d’affaires d’environ 6 % mais nous avons connu une augmentation de notre marge et de notre résultat d’exploitation. Si nous prenons en compte l’ensemble de nos activités (fabrication comprise), nous affichons une hausse de notre chiffre d’affaires en 2020. La première période de confinement a eu un impact très important sur notre activité et explique ces résultats.

R. D.-L. : Nous avons eu recours au télétravail et au chômage partiel lors du premier confinement pour nous adapter à la baisse d’activité. Nous avons aussi établi un comité de crise afin de nous réunir quotidiennement pour prendre des décisions au jour le jour. Face à cette crise, nous nous sommes montrés très agiles et très proches du terrain. Nous avons mis en place des modes de paiement à distance qui n’existaient pas chez nous jusqu’à présent. Le volet sécurité a également été très important avec des formations au sein de nos agences par exemple.

R. D.-L. : Face à toutes difficultés, nous devons nous adapter et il en ressort toujours des opportunités. Ces différentes périodes de confinement ont été difficiles et ont eu un impact sur la fatigue de nos salariés. Néanmoins, cela a renforcé la solidarité entre nos équipes. Au niveau de notre organisation, cette crise a accéléré des dossiers déjà initiés par le passé comme le drive, les cours connectées, les paiements à distance et la dématérialisation des factures. Tous les chantiers liés au digital ont connu un véritable boost ces derniers mois. Nous avons optimisé notre supply organisation et notre supply chain, et gagné en productivité. Nous sommes désormais mieux organisés et notre call & collect est sructuré.

R. D.-L. : L’activité est très soutenue depuis le début de l’année avec une croissance de nos ventes à deux chiffres par rapport à 2019. Cela s’explique par un phénomène de hausse importante des mises en chantiers conjuguée avec la peur des artisans de manquer de matériaux pour les réaliser. La construction de logements neufs est encore plus importante en Bretagne que dans le reste de la France. L’évolution du nombre de logements mis en chantier entre février et avril 2021 par rapport à la même période en 2020 est de +80% en Bretagne contre +51% dans le reste du pays. Cet écart se retrouve dans d’autres domaines liés à la construction comme le carnet de commande. En Bretagne, les artisans du BTP ont en moyenne 20,2 semaines de commandes contre 14,4 semaines en France. Dans le même temps, la rénovation connaît une véritable explosion.

R. D.-L. : Depuis février, nous avons anticipé cette pénurie et essayé de la gérer au mieux. Une partie de nos commandes d’approvisionnement est réalisée via un logiciel de préconisations de commande qui prennent en compte les délais de livraison fournisseur et l’historique des ventes. Nous avons dû remettre en cause les formules de calcul car elles n’étaient plus adaptées. Nous devons aussi mettre à jour quotidiennement les tarifs – les hausses sont très nombreuses et très fréquentes- pour maintenir nos marges. Certains produits ont d’ailleurs été surstockés pour éviter une pénurie. Pour l’instant nous échappons à une situation de rupture totale sur certains produits, mais les délais continuent de s’allonger.

R. D.-L. : Un gros risque se profile pour les mois à venir : j’échange régulièrement avec la FFB Bretagne et je crains comme eux que nous soyons confrontés à un trou d’air dans les prochains mois avec une désorganisation des chantiers. Plusieurs raisons à cela : malgré les carnets de commandes remplis et la demande croissance de travaux de rénovation, les entreprises du BTP risquent d’être bloquées pour intervenir sur des chantiers car d’autres corps de métier auront pris du retard en raison d’un retard de livraison de matériel ou d’accessoires. Le déroulement des chantiers risque donc d’être moins fluide qu’actuellement. Les professionnels ne vont pas pouvoir intervenir au moment où ils le voudraient. Ensuite, les maîtres d’ouvrage privés ou publics vont certainement devoir repousser le démarrage des chantiers en raison de cette pénurie de matériaux et de la hausse des prix. Le troisième risque est que certaines entreprises ne répondent pas aux devis sauf si le client final accepte de prendre à sa charge une hausse future du prix des matériaux. De nombreuses maitres d’œuvre ne veulent pas prendre le risque d’inclure cette clause d’actualisation ou d’indexation. Cette désorganisation va naturellement avoir un impact sur l’activité des distributeurs. Si ce scénario venait à se concrétiser, les professionnels vont voir leurs entreprises fragilisées financièrement.

R. D.-L. : Nous avons inauguré un point de vente Esprit Casa à Lorient en mars dernier, notre sixième agence dédiée au carrelage. Malgré les restrictions sanitaires présentes lors de l’ouverture de cette agence, nous sommes agréablement surpris de l’engouement suscité. Le point de vente reprend les mêmes concepts que celui ouvert à Vannes en 2019 avec quelques améliorations. Il s’agit de notre Esprit Casa le plus abouti avec un parcours client optimisé et une offre améliorée. En complément, nous avons lancé un site internet dédié à Esprit Casa avec prise de rendez-vous en ligne et de nombreuses photos. Nous ne voulons pas que les clients finaux achètent en ligne mais aient envie de se rendre en magasin. Concernant notre activité industrielle, nous avons inauguré notre nouveau site de production situé à Saint-Maudez (22) en octobre dernier. Notre ambition est de produite ici, annuellement, 100 000 tonnes de blocs béton avec notamment Air’Bloc, notre produit phare, un bloc de granulats courants, rectifié, dans lequel est injectée une mousse cimentaire isolante. Ce nouveau site de production représente un investissement de 7 millions d’euros.

R. D.-L. : Nous continuons d’avancer autour de notre stratégie RSE avec un état des lieux des actions déjà engagées, la mise en place d’indicateurs. Nous intensifions la mise en avant des matériaux biosourcés au sein de nos points de vente. Nous avons aussi remplacé une grande partie de nos chariots par des modèles électriques. Nous travaillons également sur la gestion des déchets. Le marché est en train de s’organiser et de nouveaux acteurs intermédiaires sont en train de se mettre en place. Nous discutons avec eux pour mettre en place une meilleure reprise des déchets en 2022. En raison de notre investissement industriel, nous ne prévoyons pas de nouvelles ouvertures d’agence l’année prochaine. Nous allons simplement effectuer la réfection de notre agence de Dinard (35). Au niveau de notre organisation, nous voulons poursuivre notre projet de cour connectée avec des tablettes connectées chacun de nos magasiniers. Ils pourront ainsi mieux gérer leurs inventaires et leurs bons de commande. Nous souhaitons davantage embarquer le digital dans notre quotidien.

Recueilli par J. Becam en juin 2021.