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Le béton de bois promet une construction à empreinte carbone négative

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Et si la lutte entre le béton et le bois pour la construction de demain était dépassée ? Lignoroc a mis au point un « béton de bois » structurel, aux performances thermiques intéressantes et à l’empreinte carbone négative : composé d’un volume de 90 % de bois, il stockerait en effet plus de CO2 que celui émis par le volume de ciment qui l’enrobe… Laurent Noca, directeur Technique & Innovation, nous en dit plus.

Si le bois enduit de béton est couramment employé pour la réalisation de panneaux acoustiques, cet alliage des deux matériaux n’avait – jusqu’à présent – pas de capacités structurelles. La société Lignoroc, fondée par François Cochet, issu du monde de l’exploitation forestière, entend changer les choses. « La scierie Bois du Dauphiné générait des volumes importants de chutes à valoriser », nous raconte Laurent Noca, directeur Technique & Innovation de Lignoroc. « D’où l’idée d’utiliser le coproduit du bois avec du béton pour obtenir un béton avec des granulats de bois, surtout des résineux, d’une granulométrie comprise entre 20 et 40 mm ». Depuis 2006, moment où la société a été créée, les techniciens ont travaillé à la mise au point de la formulation et des applications possibles de ce matériau, notamment pour de la préfabrication lourde de planchers et de murs pleins (homogènes). Une appréciation technique d’expérimentation est délivrée par le CSTB en 2007, suivie d’un avis technique en 2009. Une soixantaine de maisons individuelles sont ainsi construites avec ce procédé constructif à isolation répartie. « Les premiers retours étaient positifs sur la qualité », assure le spécialiste.

Lignoroc se lance alors dans la conception de nouveaux principes constructifs dont des panneaux porteurs à chaînage classiques. Là encore, le produit intégrera une grande quantité de matière ligneuse (90 % en volume) ce qui permet d’abaisser considérablement l’empreinte carbone de l’ensemble. « Le bilan est même fortement négatif. La fiche environnementale a été vérifiée par un organisme tiers et publiée en novembre dernier », nous confirme Laurent Noca. Pour un mur de 30 cm d’épaisseur, le poids est ainsi de -70 kgCO2/m². Avec une épaisseur moins importante, de 20 cm, il est encore de -40 kgCO2/m². D’où la possibilité d’économiser de grandes quantités d’émissions de gaz à effet de serre pour proposer des maisons et des immeubles à l’impact environnemental vraiment réduit. Et si le ciment est pour l’heure un CEM I ou II, chargé en clinker, il sera possible d’opter un jour pour un ciment moins carboné pour encore améliorer ce bilan.

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Des bois de trituration (pointes, éclaircies, chutes) très abondants

Côté performances, l’isolation thermique est répartie dans l’épaisseur du mur. Le lambda affiché est de 0,15. Lignoroc propose donc une solution de 24 cm de béton de bois, 10 cm d’isolant supplémentaire en fibre de bois (Pavatex) et des panneaux de fibre-gypse à l’intérieur (Fermacell). Une solution qui permettrait de conserver les propriétés de déphasage, d’affaiblissement thermique et de régulation de l’hygrométrie. « Dans le sud de la France, cela sera utile pour assurer le confort d’été », note Laurent Noca. Les panneaux en béton de bois présentent également une autre caractéristique intéressante : une excellente performance au feu, grâce à l’enrobage cimentaire des fibres naturelles. Ce qui pourrait lui ouvrir des marchés comme ceux des façades porteuses de petits immeubles et d’ERP, soumis à une réglementation anti-incendie stricte.

C’est d’ailleurs vers ce segment que s’oriente Lignoroc, qui espère les agréments techniques pour le petit collectif à la mi-2021. L’idée sera de proposer des solutions de murs porteurs jusqu’en R+3 et des panneaux de façades qui seront compatibles avec d’autres techniques de construction plus traditionnelles (planchers bois, béton classique…). Plusieurs finitions seront possibles en bardage ou en crépi. Les panneaux à la texture granuleuse, permettent un redécoupage sur site, à la tronçonneuse ou à la disqueuse. Le directeur Technique & Innovation poursuit : « Nous entrons dans une nouvelle phase. Le but est de vendre des licences technologiques à des industriels de la préfabrication. Lignoroc leur livrera le granulat additivé de minéraux et ils n’auront plus qu’à mélanger avec leur ciment et de l’eau ». Deux partenaires ont déjà signé et différents projets de bâtiments sortiront de terre prochainement, profitant de la rapidité de mise en œuvre des éléments préfabriqués. Et pas d’inquiétude sur l’abondance de la ressource en bois : même si le béton de bois parvenait un jour à revendiquer 30 % du marché des murs, cela ne mobiliserait que 1,6 % de la croissance biologique des forêts françaises ! Face à ces perspectives prometteuses, Lignoroc déménage et installe au mois de mars un nouvelle ligne industrielle. Et la société se fera construire un nouveau siège social, conçu par Patriarche Architecture, en béton de bois évidemment.

G.N.

Chiffres clefs :

Masse volumique : 720-800 kg/m3

Résistance en compression : 4 MPa

Résistance thermique : 2,8 à 5,4 m².K/W

Classement au feu : M1

Épaisseur des murs finis : entre 24 et 30 cm

Empreinte carbone : -40 kg CO2/m² (pour 20 cm d'épaisseur)

Grégoire Noble
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