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Rénovation énergétique : tout savoir sur la transformation du CITE en prime

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Budget global des aides, montants par catégorie de travaux, barème des ressources pour les ménages, calendrier d’entrée en vigueur... Zepros fait le point sur la refondation des aides à la rénovation énergétique des logements, avec les réactions des principales fédérations.
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Le gouvernement souhaite rendre les aides à la rénovation énergétique « plus simples, plus justes et plus efficaces », afin qu’elles soient mieux comprises, davantage utilisées par les ménages les plus modestes et que chaque euro investi serve à réduire les émissions de CO2. Car l’enjeu de la transition écologique et solidaire n’est pas tant la construction neuve, qui ne représente que 1 % du parc chaque année, que le stock qu’il va falloir rendre beaucoup plus performant dans les 30 ans qui viennent. Des responsables ministériels rappellent : « 70 % du parc de 2050 existe déjà aujourd’hui. Il faut donc au moins 500 000 rénovations par an ». Or, pour l’heure, le taux de recours aux aides comme celles de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) reste très faible, de l’ordre de 20 %. La massification du marché de la rénovation énergétique passera par la clarification de ces mécanismes de soutien. En 2020, l’aide « Anah Agilité » sera de ce fait fusionnée avec le Crédit d’impôt Transition énergétique (CITE) pour constituer une « prime unique », permettant de toucher l’argent instantanément, sur présentation de facture à la fin des travaux, et non plus avec un an de décalage.

Quels ménages seront priorisés en 2020 ?

Une source gouvernementale explique : « La prime sera versée par l’Anah, directement aux ménages ‘très modestes’ et ‘modestes’ en 2020. Puis à toutes les tranches en 2021. Elle procédera à un contrôle des dossiers ». L’année prochaine sera donc une année de transition, avec une montée en charge progressive de l’Agence qui gère aujourd’hui environ 100 000 dossiers par an et qui devra atteindre un rythme de croisière cinq ou six fois plus élevé en 2021... Les ménages « intermédiaires » et « aisés » continueront donc de bénéficier du système de CITE, avec le versement des fonds décalé dans le temps. En revanche, le mode de calcul sera revu : au lieu d’un montant forfaitaire de 30 % du montant des travaux, l’aide sera alignée sur les revenus du ménage. « C’est une mesure de justice sociale dont le but est d’éradiquer les passoires thermiques », précise la même source. Les aides seront concentrées sur les foyers les plus démunis, au détriment des plus aisés (notamment les 9e et 10e déciles de revenus) qui seront privés d’aides publiques mais continueront à pouvoir bénéficier des Certificats d’économies d’énergie (CEE), financés par le privé. Leur réintroduction dans le système de prime pourrait être envisagée, dans un second temps, dans le cas de travaux globaux de rénovation et non plus de seules interventions ponctuelles. Pour les copropriétés et propriétaires-bailleurs, il faudra attendre 2021, puisque des règles de simplification doivent être établies au cours de l’an prochain. Il se dit dans les ministères que les propriétaires-bailleurs « seront traités comme des occupants, selon leurs revenus, mais également suivant le niveau de loyer appliqué au logement ».
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Quels travaux seront plus soutenus que d’autres ?

Pour rendre le système plus efficace en termes de lutte contre les émissions de gaz à effet de serre, le gouvernement a également souhaité flécher certains « gestes techniques » jugés plus performants que d’autres. L’aide pour chaque intervention sera plafonnée « pour éviter les effets d’aubaine et le renchérissement mécanique des travaux, déjà constaté sur les PAC air/eau ». L’installation d’une PAC géothermique ou d’une chaudière à granulés, par exemple, donnera droit à une prime unifiée de 10 000 € pour les ménages très modestes et de 8 000 € pour les ménages modestes (4 000 € pour les ménages intermédiaires). Celle d’une chaudière à bûches ou d’un chauffage solaire sera légèrement moins soutenue, avec respectivement 8 000 € et 6 500 € de prime (3 000 € pour les intermédiaires). La pose d’une pompe à chaleur air/eau, d’une ventilation double-flux ou d’un chauffe-eau solaire donneront droit au versement d’une prime de 4 000 € au maximum (3 000 € pour les ménages modestes et 2 000 € pour les intermédiaires). Les poêles à granulés ou à bûches ainsi que les inserts bénéficieront également d’aides, légèrement moins importantes en raison d’un coût d’achat moins élevé. Cas particulier, le remplacement d’une chaudière gaz d’ancienne génération par une nouvelle machine « très hautes performances » ne sera que peu encouragée : 1 200 € pour les plus modestes mais 0 € pour les ménages intermédiaires. Pour la dépose d’une cuve à fioul ou l’installation d’un chauffe-eau thermodynamique, ces derniers devront se contenter de 400 €, tandis que les moins favorisés pourront prétendre à 1 200 €. Du côté de l’isolation, celle des murs par l’extérieur est plus soutenue que par l’intérieur (100 €/m2 contre 25 €/m2 pour les ménages très modestes), tandis que le remplacement des menuiseries est plafonné à 100 € par fenêtre, montant qui tombe à 80 € pour les ménages modestes et même 40 € pour les intermédiaires. L’isolation des planchers bas n’est, elle, tout bonnement pas prise en charge par les aides publiques, étant considérée comme peu onéreuse. Enfin, l’audit énergétique sera pris en charge à hauteur de 500 € au maximum tandis que la mise en place d’une borne de recharge pour un véhicule électrique sera forfaitaire à 300 € pour toutes les tranches de revenus, y compris les plus importants. Il s’agira de la seule aide à laquelle ils pourront prétendre. La source gouvernementale commente : « Cette structure d’aide unifiée, basée sur l’efficacité des gestes restera stable dans le temps. En revanche, le barème pourra bouger si une baisse des coûts de certaines technologies est constaté. Alors l’aide s’adaptera l’année suivante ».
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Quatre exemples de chantiers différents, selon les travaux souhaités et les revenus des ménages ("très modestes", "modestes" ou "intermédiaires" puisque les "aisés" sont exclus du dispositif des aides publiques :
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Quelle enveloppe sera globalement allouée à la rénovation énergétique en 2020 ?

Les aides publiques et privées cumulées, c’est-à-dire « prime unifiée », CITE, Anah et CEE, totaliseront environ 3,5 milliards d’euros l’an prochain. Un montant dont la moitié proviendra de fonds privés mobilisés dans le cadre des certificats d’économies d’énergie (1,8 Mrd €). La « prime unifiée », atteindra les 800 M€ de crédits budgétaires, auxquels il faudra ajouter les 650 M€ du programme Sérénité de l’Anah. L’éco-prêt à taux zéro, accessible à tous les ménages sans aucune condition de ressource dès l’engagement de travaux, fera l’objet d’un accord avec les banques. Pour l’Etat, le coût ne sera que de 50 M€ mais le montant mobilisé pour les rénovations frisera les 600 M€. Quant au dispositif « Denormandie dans l’ancien », il nécessitera 90 M€. Enfin, l’application de la TVA à taux réduit (5,5 %) représentera 1,1 Mrd €, une somme qui sera considérée comme une dépense fiscale et non pas un crédit budgétaire.

Qu’en est-il des initiatives dernièrement lancées, le « Service d’accompagnement pour la rénovation énergétique » et « l’Observatoire national de la rénovation énergétique » ?

Le service d’accompagnement, lancé au mois de septembre par Élisabeth Borne, Emmanuelle Wargon et Julien Denormandie, mobilisera 200 M€ sur la période 2020-2024 provenant du programme des CEE. Il ne s’agira donc pas de fonds publics. Ce service aura pour mission d’accompagner les territoires (régions, départements...) dans le déploiement des espaces FAIRE (qui pour l’heure ne couvrent que 60 % de l’Hexagone) et dans le lancement d’initiatives liées à la performance énergétique. Il pourra être question d’opérations de communication ou de campagnes de thermographie par drone. Pour chaque euro investi par un territoire, l’État en apportera autant. Quant à l’Observatoire de la rénovation, piloté par Thomas Lesueur (commissaire général au développement durable), il compilera tous les chiffres des opérations menées en France, afin de les consolider et de constituer un outil de suivi le plus précis possible. Jusqu’ici, il était difficile de connaître le nombre exact de rénovation énergétiques effectivement réalisées. Les premiers indicateurs seront connus en 2020 et seront affinés en 2021.

Quel sera le contrôle de qualité des travaux effectués et qu’en sera-t-il de la lutte contre les entreprises malhonnêtes ?

Si le contrôle systématique des 500 000 rénovations par an ne semble pas possible pour l’exécutif, les membres des cabinets ministériels soulignent que la DGCCRF va intensifier les contrôles aléatoires sur les chantiers. Un plan d’action concerté contre la fraude doit prochainement être annoncé par Emmanuelle Wargon qui déclarait récemment sur le plateau du Grand Rendez-vous d’Europe 1 : « On a un système dans lequel on a des aides de l’État, des aides des collectivités, on a de l’argent, on a des systèmes qui permettent de faire des travaux mais il y a plein d’abus, de démarchages abusifs. Comme il y a des abus et des arnaques, les gens n’ont plus confiance et, du coup, les vraies aides qui permettent vraiment de faire des progrès sont cachées par ces abus ». La secrétaire d’État souhaite « aller chercher ces plateformes qui passent des coups de fil, (...) ces artisans qui travaillent mal » en faisant davantage de contrôles. Des mots qui ont blessé Patrick Liébus, le président de la Capeb : « Les propos récents de la ministre accusent aujourd’hui les artisans de procéder à de véritables harcèlements téléphoniques et puis ensuite de mal faire le travail auprès de clients crédules. Or appeler 10 fois par jour un prospect n’est pas dans les capacités des artisans. C’est bien mal connaître la vie des entreprises artisanales où tous les salariés et le chef d’entreprise sont à la production ». Le représentant des artisans du bâtiment pointe du doigt l’opportunisme des « géants du 1 euro » qui auraient bénéficié de la neutralité bienveillante des pouvoirs publics pour faire appel à une main d’œuvre sous-traitante peu ou pas qualifiée. Le président conclut : « Tenir de tels discours à l’encontre du secteur, c’est vraiment faire subir aux entreprises artisanales du bâtiment une quasi-double peine. Elles ont été obligées de s’inscrire dans le dispositif RGE, exigeant et contraignant administrativement. De plus, parmi ces entreprises, sont exclues celles toutes celles qui ont une faible activité. Le gouvernement, qui entend faire de la politique de rénovation énergétique des bâtiments une priorité de l’acte II du quinquennat ne devrait pas pratiquer un tel amalgame préjudiciable accusant publiquement les entreprises d’être éco-délinquantes. C’est un comble ! ».

De son côté, la Fédération française du bâtiment (FFB) s'est exprimée sur l'ensemble du dispositif de prime, qu'elle estime "complexe et dont l'efficacité reste à assurer". Dans un communiqué, elle relate : "On passe d'une mécanique facile à expliquer aux ménages (30 % de crédit d'impôt avec quelques exceptions) à 104 cas de figures sur deux ans et une entrée en vigueur progressive". Concernant la suppression des aides publiques pour les foyers les plus aisés, la FFB déplore : "Ecarter les ménages qui consomment environ 50 % du dispositif actuel revient à les détourner de ce marché. La transformation du CITE s'assimilerait alors à une mesure sociale incompatible avec les objectifs énergétiques recherchés". Jacques Chanut, le président de la fédération conclut : "La transformation du CITE en prime manque pour l'heure ses objectifs". Il souhaite participer au débat parlementaire des prochains jours pour améliorer ce projet d'ici au vote du budget 2020.
G.N.
Grégoire Noble
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