« La question n’est pas confinement ou pas, mais épidémie ou pas » : Paul Duphil, directeur de l’OPPBTP

Marie Laure Barriera
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Le guide de préconisation sanitaire de l’OPPBTP a permis aux entreprises d’adapter, lorsque c’était possible, une organisation de chantier en sécurité. Une nouvelle modification vient d’être apportée sur les conditions de sécurité dans les véhicules professionnels. La période post-confinement qui s’avance, changera-t-elle d’autres règles ? « Non, pas fondamentalement » répond Paul Duphil, qui évoque plutôt, dans l'entretien accordé à Zepros, des adaptations... mais la vigilance restera de mise.

Zepros : Plus de 15 jours après la publication du guide de préconisation sanitaire réalisé par l’OPPBTP, quel bilan tirez-vous de son emploi ?
Paul Duphil
: « A ce jour, nous n’avons pas d’éléments précis chiffrés mais dès la mise à disposition, notre site internet a enregistré 160 000 consultations en 24 heures. Cela démontre la très forte attente qu’il suscitait dans la filière construction. Au-delà du guide, nous constatons que l’ensemble de nos documents, que ce soient les fiches pratiques, les vidéos, les documents d’informations, ou encore nos mises à jour régulières, bénéficient d’une forte demande également. Nos équipes en télétravail sont également sollicitées par les organisations professionnelles pour assurer des réunions d’informations à distance qui connaissent un fort succès, ou des consultations sur des points précis. Nous recevons plus de 500 appels par jour. Si à l’annonce du confinement, la position des chefs d’entreprises a très majoritairement été d’arrêter les chantiers dans l’attente d’une plus grande visibilité sur la sécurité de leurs salariés, l’accompagnement mis en place avec ce guide et ses déclinaisons semblent leur avoir permis de mener des réflexions méthodologiques et d’organisation pour pouvoir reprendre l’activité quand cela était possible. Par ailleurs, les fédérations se sont aussi appropriées le sujet et ont travaillé à fournir des guides ou fiches spécifiques par métier, ce qui n’entrait pas dans nos fonctions. »

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Zepros Quelles sont aujourd’hui vos relations tant avec les ministères que les organisations professionnelles ?
P.D.
« Depuis la publication du guide, la situation a pu évoluer tant sur les équipements disponibles que l’état des connaissances scientifiques. Nous poursuivons donc nos groupes de travail pour assurer une mise à jour quand cela s’avère nécessaire. La question des masques est à ce titre majeure. Nous avons eu à effectuer une première correction sur un modèle de masque précis adapté à une situation précise. Aujourd’hui, nous procédons à une autre mise à jour qui concerne la problématique des transports. Nous préconisions jusque-là l’application de la distanciation dans les véhicules lorsque cela était possible. Mais de nombreuses entreprises n’avaient pas cette opportunité et ne disposait pas de plusieurs véhicules. Ce que nous écrivons aujourd’hui c’est que des collaborateurs équipés de masques pourront voyager sans la distanciation sociale d’1m minimum. Bien sûr, je le répète, la condition impérative est le port du masque. »

Zepros De nombreuses entreprises parlent de la problématique du surcoût liée à l’application de ces mesures et gestes barrières. Avez-vous évalué cet impact ?
P.D.
: « Nous n’avons pas d’évaluation chiffrée, mais naturellement cette problématique a été également au cœur de la réalisation du guide. Nous avions d’un côté des intervenants qui souhaitaient la préconisation de mesures de prévention absolue, de l’autre des acteurs préoccupés par les conséquences économiques. Des pressions contradictoires, qu’il nous a fallu départagées en dessinat la bonne ligne de frontière. Notre mission n’est pas de dire si les chantiers doivent reprendre ou non mais de présenter les bases nécessaires, préalables à une reprise en sécurité. La maîtrise d’ouvrage, la maîtrise d’œuvre ont jugé que nous sortions de notre rôle :il me semble, au contraire, que nous avons apporté des réponses qui contribuent à l’organisation d’un chantier. Aux différents acteurs de travailler sur ces éléments en coordination, afin que la prise en charge des surcoûts puisse être redistribuée dans la chaîne.
Par ailleurs, nous travaillons parallèlement à la remontée des bonnes pratiques sur le terrain. Nous ouvrons en ligne sur notre site un espace où les entreprises peuvent partager les meilleures expériences sur leurs organisations et la conduite de leurs chantiers. Il me semble que ce partage d’expériences peut aussi amener à adopter les bonnes méthodes. Elles participeront à la réduction des coûts.
»

Zepros : Après le 11 mai, le guide reste-t-il toujours d’actualité ? Que conseillez-vous aux entreprises qui répondent à un appel d’offre aujourd’hui ?
P.D. : « La question n’est pas confinement ou déconfinement, mais de savoir si l’épidémie aura disparu. Et nous savons déjà que ce ne sera pas le cas et qu’il faudra continuer à vivre avec. Nous travaillons d’ores et déjà en concertation avec plusieurs acteurs sur l’élaboration d’une nouvelle version de notre guide. Elle se nourrit de l’expérience d’adhérents de tailles importantes qui ont travaillé en Asie en période de risque épidémique, et de conseils de membres de la communauté scientifique, épidémiologiste et infectiologue. Nous devons alerter les entreprises sur le maintien du risque et donc la nécessité de demeurer vigilants en période de post-confinement. Au centre de nos réflexions, il s’agit de déterminer quelles mesures doivent impérativement être maintenues en état et quelles autres peuvent être aménagées, sans craindre un relâchement de la prévention. De fait, la soumission des appels d’offre doit autant que possible inclure le chiffrage de ces préconisations pour encore plusieurs mois à venir. »

Zepros : Selon vous quels enseignements les entreprises tireront-elles ? Croyez-vous à un « autre monde » après ?
P.D.
: « J’ai, comme vous, effectivement entendu beaucoup de belles paroles. Seront-elles concrétisées ou non ? En tous cas, il ne faudrait pas que l’envie de rattraper l’activité perdue conduise à une accentuation des risques sur les chantiers. De cette expérience, les entreprises garderont peut-être, il me semble deux changements. Le premier, concerne l’hygiène sur les chantiers. Les installations dans la filière Bâtiment n’étaient pas toujours optimum, loin de là. Les équipements qui auront été installés face à ce virus devraient perdurer, de même que les gestes barrières réflexes. L’autre évolution, je l’évoquais au début de l’entretien, c’est l’usage accru des outils à distance. Nombre d’entreprises se les sont appropriés de façon accélérée et ces usages devraient perdurer. Enfin, pour finir sur une note positive, j’ose croire que la prise de conscience des règles sanitaires, la naissance de mécanisme de vigilance partagée et de nouveaux modes d’échanges demeureront. En tous cas, l’OPPBTP sera bien là comme la petite conscience sur l’épaule du BTP. »

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Marie Laure Barriera
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