Des CEE dans le moteur de la relance
Les certificats d’économie d’énergie (CEE) sont un dispositif déjà ancien, créé en 2005, qui présente un paradoxe : s’il s’agit du moyen de financement des travaux d’efficacité énergétique le plus employé par les ménages (1,8 Mrd € en 2019) loin devant les autres aides, il reste relativement obscur en raison de sa complexité. Pourtant, au moment où les finances de l’Etat sont mises à rude épreuve par la crise du coronavirus, l’intérêt de recourir au financement privé pour inciter à la rénovation thermique des bâtiments prend d’autant plus de force. Car, rappelons-le, les CEE sont une obligation faite aux fournisseurs d’énergie de financer des mesures d’économie et de réduction des consommations. La reprise des chantiers de rénovation pourrait donc passer par une extension toujours plus large du périmètre des travaux et des opérations, comme nous l’explique Marina Offel de Villaucourt, responsable des Affaires publiques & juridiques chez GeoPLC-Hellio : « La France a été un pays pionnier dans le domaine. Le dispositif a inspiré l’UE en 2012 qui l’a repris dans sa directive Efficacité énergétique, et il a été adopté depuis par 15 pays membres ».
Répondre à de multiples enjeux
Mais quel est l’avantage de ce dispositif ? « Il est protéiforme et répond à de multiples enjeux. Stratégique, puisque des économies d’énergie c’est davantage d’indépendance énergétique. Sociale, en réduisant les factures des ménages les plus précaires. Économique, en favorisant l’emploi des artisans locaux pour la rénovation. Et écologique, même si ce dernier point est à améliorer puisque le dispositif ne fait de distinction entre fossiles et renouvelables ». Aujourd’hui, près de 200 types de travaux sont financés, dont les fameux « Coups de pouce » à l’isolation des combles ou au remplacement de chaudières au fioul, qui connaissent un fort succès. Mais les CEE peuvent également financer des formations de professionnels (voir encadré) ou l’innovation, « toujours dans l’esprit des économies d’énergie ». Pour l’experte juriste, « c’est un dispositif vraiment performant ».
Cependant, quelques points restent à améliorer pour que les CEE donnent leur plein potentiel, notamment une meilleure prise en compte des rénovations globales (ou « bouquets de travaux »), plus performantes que des interventions ponctuelles. Des opérations qui nécessitent une coordination entre professionnels et une vision d’ensemble de la part d’un maître d’œuvre. Autre point critique pour Marina Offel, celui du carbone : « Les solutions favorisées ne limitent pas forcément les émissions de gaz à effet de serre, seule compte la performance énergétique. Mais il faudrait privilégier les circuits courts et la sortie des énergies fossiles ». Les spécialistes s’interrogent également sur l’emploi de la manne des CEE. A la fin du mois d’avril, en pleine crise sanitaire, 13 organisations professionnelles (dont Capeb et FFB) ont demandé au gouvernement – en vain – la création d’un fonds de soutien d’urgence aux artisans de la rénovation énergétique pour limiter les cas de faillites. Pour l’heure, l’exécutif n’a que légèrement aménagé le dispositif en prolongeant d’un an les « Coups de pouce » isolation et chauffage (jusqu’à fin 2021 donc) et en élargissant au tertiaire les bâtiments concernés par la prime de changement de chaudière fioul, à compter du 1er juillet prochain. Quoi qu’il en soit, les professionnels demandent du temps pour embaucher, former et structurer des offres susceptibles de relancer l’activité de la filière de la rénovation thermique dont les perspectives étaient bonnes avant la pandémie.
G.N.
Les CEE financent également la montée en compétences pour la réno globale
Le programme CEE « Facilaréno », lancé en mai 2019 par Dorémi (filiale de NégaWatt), financé par le délégataire EnR’Cert (5,75 M€) et validé par la Direction générale de l’Energie et du Climat, « accélère la diffusion de la rénovation performante sur le territoire français en partenariat avec les collectivités locales ». Il s’adresse aux artisans, rassemblés en groupements, pour leur permettre de « réaliser de façon coordonnée des chantiers » et concrétiser de nouvelles opportunités d’affaires. Gaëtan Thoraval, directeur général d’EnR’Cert, souligne : « Ce programme permet aux artisans d’atteindre la bonne échelle pour proposer les rénovations les plus ambitieuses. Nous devons accompagner cette montée en puissance, en formant les artisans d’une part et en réduisant le reste à charge pour les ménages. Pour cela, les travaux de rénovation globale doivent générer davantage de CEE. Par ailleurs, les banques doivent également proposer des solutions de financement complémentaires : l’efficacité énergétique n’est pas seulement une dépense, c’est un investissement ». Déjà expérimenté en Auvergne-Rhône-Alpes, Nouvelle-Aquitaine, Centre-Val de Loire et dans les métropoles de Brest, Saint-Nazaire et Lille, ce programme doit être déployé sur une cinquantaine de territoires. Le coût de formation est pris en charge jusqu’à 75 % par les OPCO, le restant à charge correspondant au bénéfice de seulement deux chantiers, assurent les deux partenaires. « Pensée globalement, une rénovation apporte du confort, une meilleure qualité de l’air intérieur, une valorisation du bien et permet de diviser par 4 à 8 les consommations de chauffage ! ». Un argument pour convaincre les Français de lancer de gros travaux chez eux.