Quand la Nature se fait muse de l'innovation

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Biomimétisme, bio-inspiration, éco-imitation... Tous ces termes désignent le transfert de processus biologiques vers les technologies. Et le monde du Bâtiment et des énergies en est friand, qu’il s’agisse de formes, de matériaux ou de procédés...

« Va prendre tes leçons dans la Nature, là est le futur  », avait le premier théorisé Léonard de Vinci, génie visionnaire du XVe siècle. Pour s’arracher à la pesanteur et conquérir les cieux, il s’était naturellement inspiré des oiseaux et des chauves-souris et avait ainsi imaginé son ornithoptère, un ancêtre de l’aile volante. Pour développer des sous-marins hydrodynamiques, plus efficients et discrets sous les flots, c’est vers le thon albacore que se sont tournés les ingénieurs américains du XXe siècle. Les sources d’innovation sont nombreuses dans le règne vivant, qu’il s’agisse de plantes ou d’animaux. Car la Nature est ingénieuse  : elle trouve des solutions à des problèmes complexes, comme l’exploitation de la lumière solaire, la ventilation de milieux clos ou la construction de structures solides résistantes aux marées. Jamie Dwyer, de la société de conseil Biomimicry 3.8, estime que tirer profit de ces connaissances, c’est bénéficier de «  3,8  milliards d’années de R&D  ». Les solutions biologiques sont en effet le résultat de millions d’itérations différentes, sélectionnées par leur adaptation aux contraintes du milieu.

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La démarche industrielle qui consiste à mimer le vivant s’est structurée lentement. La création du Velcro dans les années 1950, provient de l’observation des graines de bardane accrochées au pelage d’un chien. Mais le phénomène s’est accéléré depuis le milieu des années 2000, avec une explosion du nombre de publications. Les considérations environnementales n’y sont pas étrangères, car les procédés humains reposent généralement sur une utilisation de quantités croissantes d’énergie et de matière, alors que la Nature fait preuve de parcimonie en exploitant au mieux la géométrie ou les propriétés intrinsèques. Plusieurs principes, énoncés par la biologiste Janine Benyus, sous-tendent le biomimétisme  : l’utilisation d’une source d’énergie principale comme le Soleil ou les sources hydrothermales, le recours à la quantité d’énergie ou de matière strictement nécessaire, l’adaptation de la forme à la fonction, la limitation des pertes et le recyclage intégral, la spécialisation valorisant des ressources locales, ou encore la coopération inter-espèces y compris la symbiose et la favorisation de la biodiversité.

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Dans le monde de la construction le vivant peut être un exemple de gestion hyper-efficace des ressources. Saint-Gobain travaille notamment sur les surfaces hyper-hydrophobes (qui repoussent l’eau) afin de conférer à ses matériaux des capacités autonettoyantes inspirées des feuilles de lotus. Chez Suez, la biométhanisation de déchets verts pourra être améliorée grâce à l’étude du métabolisme de digestion des insectes xylophages. Pour RTE, il s’agira d’imiter les réseaux de mycélium – qui partagent des sucres entre zones éclairées ou ombragées – afin de concevoir des algorithmes d’équilibrage du réseau électrique entre différentes régions. La startup Eel Energy, quant à elle, a étudié l’ondulation des anguilles dans le courant pour mettre au point une hydrolienne membranaire légère et efficace. Les exemples sont innombrables  : bio-ciment imitant le corail, surface solaire capable de réguler sa température par effet de structure comme sur l’aile du papillon Morpho, catalyseur naturel pour produire de l’hydrogène...

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Rien d’étonnant à ce que les recherches qui touchent de près ou de loin à la biomimétique mobilisent aujourd’hui 200  équipes de scientifiques en France, aussi bien dans le domaine de la chimie, des sciences des matériaux que de la transmission d’information. L’Hexagone dispose d’un établissement pionnier, le CEEBios de Senlis où la pluridisciplinarité est de mise. Kalina Raskin, sa directrice générale, explique  : «  Le secret est de mieux connaître la biodiversité. Il existe 20  millions d’espèces dont 2  millions seulement sont nommées... Nous avons besoin d’étudier le vivant. La France a les compétences académiques et dispose de 10  % de la biodiversité mondiale grâce à ses territoires d’Outre-mer  ». Une formidable opportunité pour la recherche fondamentale, appliquée et industrielle, ainsi qu’une réponse potentielle aux problèmes de transition écologique en cours.

G.N.

De la cellule à l’écosystème, les trois échelles de la biomimétique :

• Microscopique, l’échelle des réactions (bio)chimiques et de la science des matériaux (protéines, polymères, enzymes catalytiques)

• Macroscopique, celle des formes et des structures du vivant (nid d’abeille, Velcro, plumes, nageoires...)

• Écosystémique, celle des colonies d’organismes qui communiquent et partagent des ressources en optimisant les flux.

(source : Alcimed)

Grégoire Noble
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