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[TPE-PME] « S’appuyer sur un “référent Covid” en temps partagé » (Patrick Vrignon, BTP Consultants)

Stéphane Vigliandi
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[Zepros Bâti] Depuis le 4 avril, BTP Consultants cartographie chaque semaine les niveaux de reprise d’activité sur tous les types de chantier en métropole. Tout en livrant une analyse sur la relance en cours, Patrick Vrignon, son président, revient aussi sur le rôle clé du référent Covid-19 : le nouveau “risk manager” du Bâtiment pour éviter tout éventuel arrêt de chantier... même après le 10 mai.

Depuis bientôt six semaines, la publication de ses infographies est attendue, chaque samedi, comme la promesse d’un prochain “retour à la normale”. Région par région, le bureau de contrôle technique sonde le terrain – avec les ressources de ses deux filiales Citae et MBA City – pour fournir des statistiques « à jour » : proportion des chantiers fermés et ouverts, volonté de reprise immédiate ou pas, maîtrise d’ouvrage privée et publique, présence ou non d’un référent Covid-19. « Dès le début du confinement, cette météo de la reprise était fondamentale pour permettre à nos contrôleurs techniques et CSPS [coordonnateurs sécurité et protection de la santé] de suivre les mouvements d'un redémarrage de nos chantiers dans les territoires », rappelle Patrick Vrigon, à la tête de BTP Consultants. Au fil des semaines, cette cartographie permet aussi aux entreprises d’anticiper un retour de leurs salariés sur les chantiers quels que soient leur profil et leur taille. « Notre base de sondage s’est élargie. De 4 000 chantiers début avril, nous disposons aujourd’hui de plus de 5 000 sites suivis par nos sept directions régionales. Le panel intègre tous les publics : majors, entreprises générales, TPE-PME artisanales, promoteurs… C’est l’ensemble de la chaîne de production qui veut retourner sur les chantiers en toute sécurité », souligne-t-il.

EN PHOTO • Président de BTP Consultants, Patrick Vrignon confie que le contenu des enquêtes hebdomadaires pourrait encore s’enrichir. Notamment avec des données relatives aux différentes typologies d’entreprises et de chantiers intégrant le panel. Prochaine publication du baromètre : ce samedi 9 mai.

Éviter les défaillances en série

Cette météo du secteur cible également tout le spectre du marché : grands chantiers et opérations de moindre envergure, corps d'état séparés, construction neuve, travaux de réhabilitation et d'entretien, logements individuels et collectifs, équipements publics, etc. Quasiment en état de léthargie mi-mars, la filière a retrouvé un certain souffle, même si la reprise demeure encore timide. En fin de semaine dernière, BTP Consultants pointait une hausse de +23 % de chantiers ouverts (marchés privés et publics confondus). D'après Patrick Vrignon « ce ratio devrait avoisiner les 40%, voire les 50 % d’ici à la mi-mai sur le plan national ». Lors de ses cinq premières vagues hebdomadaires, le contrôleur technique a d'ailleurs mis en évidence « un réel corollaire » entre les entreprises déclarant en semaine N leur souhait d’une reprise immédiate et la situation constatée en semaine N+1.

« En région parisienne, par exemple, où la majorité des travaux (Grand Paris, réhabilitations importantes chez les bailleurs sociaux…) a été plus longtemps en stand-by, la part des entreprises envisageant une réouverture immédiate évolue dans un étiage de l’ordre d’un tiers chaque semaine. En fin de semaine dernière, la reprise des opérations en Ile-de-France a enregistré un bond de +37 % », souligne Patrick Vrignon. Si la région-capitale part, sans doute, de plus loin comparée à d’autres territoires, « l’impératif économique guide forcément un redémarrage, à un moment ou à un autre, dans un environnement où la sécurité des compagnons doit rester le prérequis absolu, convient l’expert. Toute la chaîne de valeur, y compris les promoteurs, ont des coûts fixes et des échéances à couvrir. Bien qu’il y ait un recours important aux reports de charges et d’échéances, au PGE [prêt garanti par l’État], la filière doit se prémunir contre un éventuel tourniquet de défaillances. Au risque d’aboutir à une impasse économique qui pourrait alors s’avérer pire que la crise de 2008-2009. » Avec coactivité ou non, les chantiers accusent depuis deux mois des rendements et une productivité en berne (nouveaux process de travail, prise en charge des consignes de sécurité sanitaire, difficultés d’approvisionnement en EPI et matériaux…). Sur le terrain, le bureau de contrôle évalue cette érosion « entre -10 % et -20 % en moyenne ». Avec des surcoûts engendrés tant dans le neuf et qu'en entretien-rénovation qui oscillent de 10 % à 22 % selon la Capeb.

Match marchés privés vs publics

Au gré des enquêtes qu'il mène en s’appuyant sur le feed-back de ses 25 agences régionales, BTP Consultants relève aussi une tendance persistante : un réamorçage d'activité plus dynamique dans les chantiers sous maîtrise d’ouvrage privé. Le rythme y est en moyenne deux fois plus rapide que pour les opérations des donneurs d’ordre publics. Explications avancées par Patrick Vrignon ? Par exemple, certaines communes ont pris des arrêtés municipaux pour stopper net les gros travaux afin d’éviter, entre autres, toute nuisance sonore auprès des riverains confinés. Des mairies ont pu aussi vouloir s’entourer d’un maximum de précautions pour ne pas voir leur responsabilité civile, voire pénale engagée. « Dans ce contexte d'une relative inertie de la commande publique, le temps du redémarrage des chantiers s’effectue avec une, voire parfois deux semaines de décalage par rapport aux opérations privées qui, elles, ont repris plus vite une fois le guide de l’OPPBTP publié », relate-t-il.

Cheville ouvrière des contrôles in situ

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Si le recours au référent Covid-19 pour chaque chantier et aux abords des bases-vie reste facultatif selon la guide de l’OPPBTP, la mission peut être assurée par le chef d’entreprise, le conjoint-collaborateur, le chef de chantier ou encore un salarié chargé de la prévention. C’est toute une logistique que doit piloter le maître d’ouvrage en coordination avec ce nouveau “risk manager”. Et veiller à la mise en œuvre et au respect des mesures de sécurité sanitaire. Alors que le débat persiste sur l’éventuel cumul de missions par un CSPS, le guide de préconisation de l’OPPBTP stipule que « dans les plus petites entreprises, la nomination d’un référent Covid-19 unique est le plus souvent adapté et suffisant » – plutôt que de nommer un “référent Covid” entreprise et un second pour le chantier. Dans les TPE-PME, comment optimiser l'organisation ? Patrick Vrignon rappelle que « les patrons artisans ou leurs chefs de chantier sont déjà fortement sollicités pour réduire au plus vite les retards accumulés depuis bientôt deux mois dans leurs productions ». C’est sans doute d’autant plus vrai que les marges ont dû encore se dégrader. Son conseil : la mutualisation de moyens.

« L’intelligence collective doit être à l’œuvre ! De même qu’il existe les GIE temporaires, l’intervention d’un référent Covid sur site peut s’envisager dans le cadre d’un contrat en temps partagé pour construire un système de management de sécurité et d’hygiène sanitaire qui s’inspire notamment de l’ISO 45001 [norme santé et sécurité au travail]. Il doit pouvoir s’assurer, en toute indépendance, du respect des protocoles », préconise-t-il. Actuellement, moins de 5 % des TPE-PME disposeraient d'un référent-Covid, selon lui. Pourtant, fin avril, la Capeb a invité ses adhérents à désigner un référent unique ou des référents entreprise et chantier « selon l’organisation de l’entreprise » : elle a mis en ligne sur son site les trois fiches de poste de l'OPPBTP. « Au-delà des impératifs liés au coronavirus, il faut aussi continuer à veiller aux bonnes pratiques en matière de sécurité sur chantier (port d’EPI indispensables pour les travaux en hauteur, etc.). Cette crise sanitaire servira peut-être de révélateur sur certains dysfonctionnements dans la chaîne de production. Maîtres d’ouvrage et maîtres d’œuvre devront sans doute anticiper encore plus, avec leurs sous-traitants, l’ensemble des modes opératoires… dès la signature des marchés », estime Patrick Vrignon. Quoi qu’il en soit, « le secteur du BTP va sortir de cette crise profondément transformé dans sa manière de travailler ». Selon lui, la capacité d’innovation de la filière sera « notre plus grand atout ». Stéphane Vigliandi

EN PHOTO • Dans la continuité du guide de l’OPPBTP, le collectif “Profession CSPS” a diffusé le 5 mai un document de 9 pages qui précise le périmètre et le contenu des missions du référent Covid-19 du maître d’ouvrage.

Stéphane Vigliandi
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