Les cinq recommandations de la filière électrique pour un choc de sobriété
Dans un contexte énergétique particulièrement tendu, Coédis (la Fédération des distributeurs d’équipements et solutions électriques, génie climatique et sanitaires) et six autres organisations professionnelles du secteur (UFE, Gimelec, FFIE, Capeb…) appellent entre autres à massifier les écogestes techniques grâce aux solutions de pilotage intelligent des bâtiments. Un défi « immense » au regard du faible taux d’équipement du parc résidentiel et tertiaire.
« La tendance de fond est là. Les ménages, les bailleurs, les entreprises et les collectivités ont consommé moins, mais mieux cet hiver. Mais il faut aller encore plus loin ! ». En substance, c’est le message qu’ont voulu adresser les acteurs de la filière électrique* réunis ce mardi 18 avril à l’occasion d’une conférence sur la « sobriété planifiée des bâtiments ».
Il y a tout d’abord un constat « encourageant » durant un hiver 2022-2023 marqué par la flambée des prix de l’énergie et aux risques de tensions sur les réseaux. Dans le sillage du plan gouvernemental de sobriété présenté début octobre, de la campagne de sensibilisation “Je baisse, j’éteins, je décale”, puis de la mobilisation autour d’ÉcoWatt, RTE a constaté une repli de la consommation globale de 9 %. Ce qui représente un gain d’environ 20 TWh selon le gestionnaire du réseau de transport d’électricité.
En résidentiel et dans les bâtiments tertiaires, la baisse hebdomadaire a été de 7 % à 8 % entre octobre 2022 et février par rapport à la période 2014-2019. Selon les sept organisations professionnelles, « le Sud-Ouest et le pourtour méditerranéen affichent les baisses les plus importantes de -11 % à -9 % [chiffres Énédis du 15/10/2022 au 26/03/2023], du fait que l’on y trouve le plus fort taux de chauffage électrique et donc un gisement d’économie plus élevé ».
* La Capeb UNA 3E (Équipement électrique et électrodomotique), Coédis, la FFIE (Fédération française des intégrateurs électriciens), le Gimelec (Groupement des entreprises de la filière électronumérique française), Ignes (Alliance des industriels des solutions électriques et numériques), le Serce et l’UFE (Union française de l’électricité).
Au niveau national, le plan gouvernemental de sobriété énergétique fixe un objectif de baisse de la consommation électrique de -10 % d’ici à fin 2024.
D’une baisse conjoncturelle…
En outre, associés aux contacteurs heures creuses/heures pleines, les compteurs Linky ont pu contribuer à l’effort de sobriété en décalant la chauffe des ballons d’eau chaude durant la nuit. Selon les données d’Énédis, ils ont permis d’économiser 2,5 GW ; c’est-à-dire l’équivalent de la consommation électrique de Paris.
Si la forte hausse des prix de gros de l’électricité et la mise en place fin 2021 du bouclier tarifaire (électricité et gaz) n’ont « pas eu d’effet sensible sur la consommation nationale », les acteurs de la filière se félicitent des changements d’habitude des consommateurs grâce aux écogestes manuels.
Selon eux, « l’expérience grandeur nature de l’hiver dernier a révélé une prise de conscience collective du levier que représente la sobriété pour consommer moins et différemment via, entre autres, une demande croissante de l’autoconsommation en lien avec le développement du photovoltaïque et des IRVE, ainsi que le retour de la gestion de la puissance dans les bâtiments pour répondre aux signaux tarifaires et de flexibilité ».
Les bâtiments représentent 45 % des consommations énergétiques totales de la France. La GTB peut induire un gisement d’économies d’énergie évalué entre 15 % et 30 %.
…à une baisse structurelle
Reste que si cette “chasse au gaspi” a été « motivée par un impératif de sobriété sur un temps court », les acteurs de la filière appellent maintenant les consommateurs à « passer de l’écogeste manuel à l’écogeste technique » pour modifier leurs comportements tant durant l’hiver que l’été. C’est le sens des cinq recommandations (voir encadré ci-dessous) qu’ils formulent en vue de « massifier et ancrer la sobriété comme levier à l’atteinte des objectifs de décarbonation ».
Avec, en fil rouge, « un plan d’action et d’investissement ambitieux » pour doter tous les bâtiments de systèmes de pilotage « d’ici à 2030 ». D’autant que « le défi reste immense » en raison d’un taux d’équipement en GTB encore faible : de l’ordre de 12 % dans le résidentiel sur un parc de 37 millions de logements, mais de seulement 6 % en tertiaire (plus de 1 000 m²).
GTB : accélération « naissante » des ventes
Mais le marché a connu une « effervescence évidente » en 2022. En tertiaire, selon les données du Gimelec, les ventes de systèmes de mesure des consommation d’énergie a rebondi de +15 % l’an dernier ; à +22 % pour les solutions de pilotage sous l’effet conjugué des décrets Tertiaire et BACS (Building automation and control systems).
Même constat pour le résidentiel et le petit tertiaire. L’alliance Ignes pointe à +15 % les ventes de solutions de pilotage du chauffage en 2022 vs 2021, tandis qu’environ 50 % des thermostats achetés au 4e trimestre 2022 étaient connectés (vs moins de 30 % au T1 2022). À lui seul, le marché des solutions de pilotage hybride représente environ 2 Md€ par an pour un volume de l’ordre d’un million d’unités vendues.
Ce frémissement d’une demande accrue est plus marqué chez les bailleurs sociaux et les collectivités. Il y a toutefois un point de vigilance. La bonne tenue du marché de la rénovation énergétique est « loin de compenser les pertes liées à un marché du neuf en crise, avec une possible déstabilisation du marché pour les fabricants dans quelques mois ».
Tandis que les objectifs du plan Sobriété de l’État (-10 % à fin 2024) semblent largement en bonne voie, les sept organisations professionnelles mettent en garde : « La sobriété d’urgence ne favorise pas le bon rythme de déploiement des investissements ».
Désormais, l’un des leviers importants se trouvent dans la collecte et le traitement des données des bâtiments qui, selon elles, ne sont « pas encore suffisamment exploitées actuellement en raison, parfois, de l’absence d’un plan de mesurage ». Quoi qu’il en soit, pour optimiser la performance des bâtiments, les solutions ne seront pas figées.
Les 5 recommandations en bref
• Améliorer le taux d’équipement des bâtiments en solution de pilotage et systématiser le recours à des professionnels pour une optimisation des performances (généraliser la mise en place de plans de sobriété, intégrer systématiquement un "lot pilotage/smart du bâtiment", favoriser le recours au commissionnement...).
• Intégrer la sobriété dans les aides financières (CEE, programme Oscar, MaPrimeRénov’...), rendre accessible les fiches CEE des solutions de sobriété d’été existantes dans les DOM aux territoires métropolitains.
• Sensibiliser aux écogestes techniques pour ancrer la sobriété d’hiver et d’été dans les pratiques (campagne biannuelle de communication, guides de bonnes pratiques...).
• Introduire la sobriété d’été et d’hiver dans le DPE pour matérialiser l’existence de solutions capables d’agir pour consommer moins et mieux.
• Encourager à ce que les bâtiments deviennent une réserve de flexibilité pour le système énergétique (incitation économique, culture de la puissance, stockage...).
Les actions des grossistes
• Relais de la campagne ÉcoWatt “Chaque geste compte” auprès des clients et des salariés des enseignes.
• Mise en œuvre du programme Oscar issu de la Capeb, de Coédis, de la FDMC et la FFB. Environ 6 000 référents d’aide à la rénovation (RAR) à ce jour dans les agences des négoces.
• Afin d’anticiper l’évolution des métiers (rénovation énergétique, transformation digitale…), Coédis a lancé trois études sur le développement des emplois et des compétences (Edec). Le dispositif est financé par le ministère de l’Éducation nationale et l’OPCO Akto. D’ici à la fin du premier semestre 2023, Coédis doit publier une étude prospective sur les métiers en tension, notamment au niveau des fonctions commerciales et logistiques.