Renaître de ses cendres : la fin du récit de l’incendie qui a ravagé l’entrepôt de First Plast
Rafik, Cédric, Damien, Delphine, Steve, Giulio et tous les employés de First Plast France sont là. La plupart d’entre eux ont vécu l’événement le plus traumatisant de leur vie. Comme l’a affirmé plusieurs fois Steve, le plus important est qu’ils soient tous en vie. Le reste, ce n’est pas si important. Ils ont eu peur de perdre leur vie, ont-ils peur maintenant de perdre leur emploi ? Voici leurs témoignages.
« Cet incendie a été une épreuve difficile à surmonter, avoue Rafik. D’ailleurs, certains d’entre eux qui travaillaient avec moi dans le dépôt ont finalement quitté l’entreprise. Mais, on s’est accrochés, car on avait confiance. Cela nous a rendus plus forts. »
« Je n’étais là que depuis 4 mois, raconte Cédric. Mais, en voyant que Steve et tous les autres membres de la société se battre dès le premier jour pour que la société se relève, j’ai voulu moi aussi ne rien lâcher. »
« J’ai eu peur de perdre mon job, je ne m’en cache pas admet Damien. Mais ce n’était pas ma priorité, loin de là. Je voulais faire tout mon possible pour aider l’entreprise à se relever.
Nous avons mis un casque pendant des mois et des mois, sans voir le bout du tunnel. C’était dur à vivre. Les plus résistants sont restés sur le bateau et cela nous a clairement renforcés. Aujourd’hui, nous pouvons affronter n’importe quelle tempête, comme celle que l’on a vécu avec la COVID ou bien celle des hausses des tarifs et de la disponibilité des matières premières. »
« D’ailleurs, précise Steve, si les salariés ont pu réintégrer les locaux administratifs en mars 2018, les préparateurs de commande n’ont pu recommencer à travailler à Chelles qu’à la fin de la reconstruction de l’entrepôt en 2020. Et là, la COVID est arrivée ! »
« Franchement, je n’ai pas eu peur de perdre mon job, déclare Delphine J’étais dans l’action et j’étais certaine que grâce aux données récupérées, l’investissement de Steve et l’aide de l’Italie, nous allions pouvoir vite trouver une solution alternative.
Ce qui fut le cas : communication rapide aux clients, développement d’un outil pour organiser des départs directement de l’usine, nouvelles méthodes de travail en interne, coordination avec les usines, etc.
En revanche, je n’avais pas imaginé les répercussions organisationnelles et la pression que nous allions ensuite vivre pour changer notre mode de fonctionnement, gérer les conflits avec les clients mécontents de nos délais, gérer la grosse pression des équipes, participer à la construction des dossiers d’assurance ou pour les différentes instances. Les mois et même les années qui ont suivi ont été très compliqués mentalement. Il a fallu s’accrocher pour remonter la pente.
Cette gestion de crise a été très difficile, mais formatrice. Elle m’a permis de prendre de la hauteur pour ne pas craquer. »
On retrouve dans les mots de Delphine la philosophie que Steve a voulu inculquer à ses employés :
« Je leur dis toujours, quand vous avez un problème, gérez-le comme un dossier sans y mettre de l’affect, de l’humain. On reste pragmatique : ça brûle, les pompiers vont éteindre le feu. Même chose quand le colonel ou le capitaine des pompiers m’appelle à 4 heures du matin. Il est paniqué, voire même agressif avec moi, pour me dire qu’il n’arrive plus à gérer la situation. Je lui réponds qu’il doit d’abord se calmer. Ensuite, il pourra m’expliquer pourquoi il perd le contrôle de la situation. Je sors de l’Algeco et je prends la direction des opérations en rationalisant un à un les problèmes, en prenant la mesure des difficultés pour tenter de les résoudre comme dans un dossier. »
Une autre réunion se déroulera quelques jours plus tard avec les assureurs et le conseiller d’assurance de la société. Face à Giulio Mantelli et Steve Le Bris, il leur dit clairement :
« Ce que vous allez faire, c’est très simple messieurs, vous allez fermer la société ! »
« Bah non, lui a-t-on répondu spontanément et simultanément. »
Steve a vraiment un mental et une volonté en acier. Sa réaction ici, mais aussi son histoire le prouve. D’ailleurs, dans une interview réalisée au salon Interclima, Steve s’est défini comme un Breton inoxydable :
« Comme un rocher, le ciel peut nous tomber sur la tête, on n’en bougera pas, on reste toujours là. »
C’est vraiment la bonne personne qui était là au bon moment. C’est comme si Steve s’était construit tout au long de sa vie ou comme s’il s’était forgé un caractère pour pouvoir un jour affronter cet incendie. On n’échappe rarement à son destin. On comprend mieux pourquoi il a insisté pour que l’on raconte cet événement. Combien de dirigeants auraient fait ce choix ? On en remarque très peu en parcourant les posts et les articles des entreprises sur les réseaux sociaux.
Cet incendie nous permet aussi d’évoquer un thème central dans toutes les entreprises en général, pas seulement du bâtiment. J’ai travaillé 15 ans à Disney et la priorité absolue, avant même le spectacle et le divertissement, c’était la sécurité. Rien ne pouvait se passer, si on ne pouvait pas assurer la sécurité des visiteurs et des employés. On préférait fermer une attraction et gérer le mécontentement des visiteurs, plutôt que de prendre le moindre risque.
« Oui, la sécurité, c’est fondamental. La sécurité de l’employé qui travaille avec des chaussures adaptées, avec sa tenue, ses gants. La sécurité de l’environnement dans lequel il travaille. La sécurité quand il utilise le chariot. La sécurité pour s’assurer qu’il est en bonne forme quand il est sur son lieu de travail. Il faut aussi qu’il se sente en sécurité mentalement.
La sécurité, c’est de la bienveillance.
On ne doit pas lésiner à mettre des moyens pour garantir la sécurité, en mettant à sa disposition les outils nécessaires. La sécurité, c’est aussi des démarches comme le DUERP (le document unique d'évaluation des risques professionnels) que l’on fait tous les ans avec les employés, les formations incendie et sur les autres risques. Je demande à tous les responsables de l’entreprise de bien écouter leurs employés.
Écouter, ça fait partie de la sécurité.
Bien sûr, quand on a reconstruit l’entrepôt, on a tout fait pour améliorer la sécurité avec plus d’espace pour la circulation, une barrière pour protéger les piétons, des lumières LED moins aveuglantes et plus lumineuses, etc. »
First Plast France a réussi à renaître de ses cendres. Pour Steve et son équipe, c’était essentiel de le raconter et de faire savoir qu’ils sont de retour.
Si Rome ne s’est pas construite en un jour, elle s’est surtout reconstruite après l’incendie qui a tout ravagé du 18 au 27 juillet de l’an 64. Tout serait parti d’un banal incident domestique, la chute d’une lanterne qui aurait enflammé les rideaux d’une habitation.
Ensuite, le plan de la ville a été revu et modernisé avec des rues moins étroites, plus lumineuses et moins dangereuses. Pour donner un exemple marquant, les historiens estiment que sans cet incendie, le Colisée, tel qu’on le connaît aujourd’hui, n’aurait jamais été construit. La ville allait devenir plus belle et plus agréable à vivre.
C’est, à une échelle bien plus petite, ce qui s’est passé avec l’incendie de l’entrepôt First Plast à Chelles le 22 septembre 2017.
Steve et son équipe ont su se reconstruire et ils se sentent bien plus forts qu’avant.
Lire ou relire le premier épisode : "Ta boîte part en fumée"
Lire ou relire le deuxième épisode : "Le PVC brule-t-il ?"