
« Les sénateurs demandent le maintien du soutien de l’État au granulé de bois »

Alors que le rapport sénatorial "Une filière qui sort du bois" dresse un constat sévère sur les faiblesses structurelles de la filière bois française, il souligne aussi le rôle stratégique du bois énergie dans la transition écologique, en particulier celui du granulé. Interrogé par Zepros Négoce sur les conclusions de ce rapport, Éric Vial (délégué général de Propellet France) salue une prise de conscience politique bienvenue, mais alerte sur les contradictions des choix gouvernementaux récents, qui fragilisent une filière déjà sous tension. Soutien public en berne, concurrence mal régulée, pressions sur les usages… Il appelle à maintenir un équilibre entre électrification et valorisation raisonnée de la ressource bois.
La filière bois dans son ensemble reste mal connue et continue à faire l’objet d’idées reçues ou de fantasmes. Dans ce contexte, il était indispensable que Propellet, comme nos collègues des autres parties de la filière, s’implique dans ce travail pour éclairer l’État. Il était important de rappeler l’interdépendance de tous les maillons de la filière. Nous avons ainsi pu mettre à nouveau en évidence que la matière première du granulé et plus largement du bois énergie était un sous-produit de l’exploitation forestière et de la transformation du bois.
Il n’y a pas des arbres pour faire du bois de construction et d’autres pour faire de l’énergie, ce sont les mêmes dont les différentes parties ont des usages différents. Comme l’avait illustré Hervé Le Bouler lors de la Journée Bois Energie organisée à Paris le 4 juin 2025, le bois énergie est au bois ce que l’épluchure est à la pomme de terre. À la différence près que le bois énergie représente une valeur ajoutée importante indispensable à l’équilibre économique de l’ensemble de la filière forêt-bois.
Le rapport indique, dans une partie consacrée à notre énergie que « le granulé de bois est une solution en développement, réaliste car peu onéreuse, de transition énergétique pour les ménages en zone rurale, en substitution aux fossiles et aux appareils anciens peu performants » . En développement : car notre industrie, par vents et marées (c’est le moins qu’on puisse dire), continue de s’installer dans le paysage énergétique français : nouvelles usines de productions et nouveaux marchés (collectif et industriel tout en continuant son développement dans le domestique). Peu onéreuse : car le granulé est l’énergie la moins chère du marché après deux autres formes de bois énergie que sont les bûches ou le bois déchiqueté et bien devant d’autres énergies comme le gaz ou l’électricité. Il faut le reconnaître et être pragmatique, que ce soit pour les ménages, les collectivités ou les industriels. Le granulé de bois participe activement à la transition énergétique et l’amélioration de la qualité de l’air : tous les spécialistes de la qualité de l’air reconnaissent que le remplacement des cheminées ouvertes et autres anciens appareils au bois par de nouveaux appareils performants contribue très largement à améliorer la qualité de l’air. Par ailleurs, les sénateurs demandent le maintien du soutien de l’État au granulé de bois via le retour au niveau d’aides (MaPrimeRénov’) d’avant 2024, ce qui est en phase avec nos demandes, depuis des mois. Rappelons qu’en 2024, le gouvernement a décidé de diviser par deux l’incitation aux ménages à installer des appareils de chauffage au bois, après avoir largement incité notre filière à produire davantage.
Les conclusions de ce rapport nous conviennent car elles ne font pas que rappeler les contraintes parfois inutiles à laquelle l’amont et l’aval de la filière sont parfois soumis, mais elles donnent des pistes de solutions : pénurie de main d’œuvre réduit via un recentrage des exonérations de cotisations sociales, problème de morcellement de la propriété forestière qui limite les possibilités de contractualisation des achats et favorise les exportations plus ou moins lointaine de nos bois (la transformation ne se faisant pas en France, c’est un manque potentiel de ressource pour du granulé en France).
La filière forêt-bois est aussi présentée comme un bel atout pour l’indépendance de la France en termes de matériaux et d’énergie. Ce deuxième point est souvent négligé alors que la filière granulé française apporte près de 2 Md€ de valeur ajoutée à la France chaque année [ce chiffre est donné à titre d’information, et ne figure pas dans le rapport : Ndlr]. Depuis quelques mois (rapport du SGPE en juillet 2024), la filière bois énergie et en particulier le granulé sont mis en concurrence avec de nouveaux usages non pertinents (production d’électricité, décarbonation de l’industrie lourde et des transports qui pourtant utiliseraient une matière première différente…).
Ce rapport le dénonce aussi. Pour compléter ce point, il faut bien prendre conscience que le bois domestique a totalement intégré une logique de sobriété et d’efficacité énergétique alors que pour la plupart de ces nouveaux usages, ce n’est pas le cas. Ainsi, entre 2000 et 2020 la consommation de bois à usage domestique a baissé de 38% quand dans le même temps le nombre de foyers chauffés au bois augmentait de 25% ; cela avec des rendements matière supérieurs à 80% (en augmentation régulière) alors que, dans le cas extrême de l’aviation, le rendement matière dans le cas de l’usage du bois est seulement d’environ 20% et que la filière aéronautique n’envisage pas un trafic en diminution mais en croissance dans les prochaines décennies. Enfin, les Sénateurs rappellent que tous les bois ne se valent pas et que le bois en général n’est pas une ressource fongible. Ce qui ne semble pas être intégré à tous les hauts niveaux de l’État, y compris dans les services adjoints au Premier ministre.
Totalement, comme l’indique l’affirmation mentionnée en introduction du point précédent. Or, cela tranche avec quelques signaux envoyés par le gouvernement, qui tendent plutôt à un tout-électrique pour le chauffage, en mettant de côté toutes les qualités du granulé de bois et en faisant abstraction du principe de mix-énergétique (et donc de résilience).
Les sénateurs ont montré qu’ils sont à l’écoute les acteurs de la filière et que maintenant, ils faisaient remonter l’information largement au niveau de l’État. En ce sens, je pense que les acteurs de la filière bois seront satisfaits. Mais il faut qu’un tel travail de qualité soit suivi d’actions effectives et là, l’appréciation ne sera sans doute pas la même suivant de quels acteurs il s’agit. En effet, côté amont et transformation du bois, il semble que l’État soit déjà conscient des points soulevés par ce rapport et surtout qu’il souhaite aller dans le bon sens.
Côté bois énergie et tout particulièrement pour le chauffage au granulé, nous ne nous faisons pas d’illusion, l’État nous a désigné comme une cible à abattre depuis deux ans dans un seul but, l’électrification sans limite de la chaleur : baisse de MaPrimeRénov’ pour le bois uniquement et peut-être suppression, système de l’audit énergétique défavorable, modifications des CEE aussi en notre défaveur, réduction du coefficient de performance énergétique de l’électricité, subventions aux projets de chaufferies de toutes tailles…
Alors les professionnels de la filière du chauffage au granulé considèrent que cette destruction en règle de la filière bois énergie ne devrait malheureusement pas s’arrêter de sitôt. Mais nous voyons quelques signes d’espoir : indépendamment, des conseillers et fonctionnaires au plus haut de l’État nous font confiance et nous encouragent dans notre action. Des députés et sénateurs, chez les MoDem, chez les LR, chez les Renaissance et même aux extrémités politiques, nous soutiennent, visitent nos usines et relaient nos inquiétudes. C’est sur eux que nous allons miser dans les prochains mois pour sauver notre filière.
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