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Le grand pari de la terre crue

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] Le Grand Paris Express entraîne d’énormes excavations avec 43 Mt de terre extraite du sous-sol francilien. Une ressource que le projet Cycle Terre vise à valoriser en produisant des blocs de terre comprimée (BTC), des mortiers et des panneaux extrudés. Une première usine de production est en construction à Sevran et devrait entrer en service à l’été 2021. Silvia Devescovi, cheffe de projet, nous en dit plus.

La terre crue se réinvente. À la faveur des chantiers du super-métro francilien, d’importantes quantité de matériau naturel vont être excavées. Au lieu de les utiliser comme simples remblais, la Société du Grand Paris a lancé, en mars 2018, le projet Cycle Terre impliquant treize partenaires dont l’Ecole nationale supérieure d’architecture de Grenoble (laboratoire CRAterre de l’unité de recherche Architecture Environnement & Cultures Constructives), le promoteur immobilier Quartus ou le groupe ECT (gestionnaire de terres), largement financé par l’UE (5 M€). Le concept est simple : fabriquer différents produits de la construction à partir de terre crue, dont des blocs comprimés. Silvia Devescovi, cheffe de projet, nous précise : « C’est un matériau déjà connu, dont la mise en œuvre est équivalente à des parpaings ou des petits éléments de maçonnerie avec des mortiers adaptés. Il existe les blocs de terre comprimés standards et les BTC stabilisés. Ces derniers sont additionnés de ciment pour améliorer leur résistance à l’eau et à l’abrasion. Ils seront utilisés notamment pour les angles des constructions, afin de préserver leur esthétique ».

Les blocs de terre compressée seront en effet utilisables comme parement extérieur à condition que la conception architecturale soit adaptée, notamment en protégeant la façade contre les ruissellements d’eau. S’ils peuvent être employés comme remplissage des façades – comme support d’ITE par exemple – les BTC n’auront, en revanche, pas d’usage structurel comme murs porteurs. En intérieur, ils pourront également être employés comme cloison séparative ou distributive, grâce à leurs bonnes performances acoustiques. Mais toutes les terres excavées pourront-elles être ainsi valorisées ? « Nous n’utiliserons que les terres naturelles, non polluées et non remblayées. Des tests seront effectués sur la géologie, afin d’obtenir à la fois du liant, sous la forme d’argile, et de la granulométrie, grâce à du sable ou des cailloux. Des fibres végétales pourraient être ajoutées. Mais nous ne nous servirons pas des terres excavées par les tunneliers, car ils injectent de la bentonite. Nous nous concentrerons donc sur les terres des chantiers de gares et d’autres chantiers de surface », relate la spécialiste.

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Une 1re unité à Sevran mais potentiellement de multiples autres, ailleurs en IdF et plus loin

La première unité de valorisation sera construite à Sevran (Seine-Saint-Denis) et les terres proviendront de 10 km alentours. « Nous sommes en pourparlers pour des chantiers tests de bâtiments publics. Les maîtres d’œuvre se renseignent, de même qu’il y a des échanges avec des maîtres d’ouvrage privés. Mais nous n’avons pas encore de commandes fermes », nous confie Silvia Devescovi. L’usine, qui devrait entrer en phase de test au mois de juillet 2021, commercialisera ses premiers BTC en septembre. « Trois ATEx délivrés par le CSTB doivent permettre d’élargir leurs usages en parement et cloison/contre-cloison », annonce-t-elle. « Pour les panneaux extrudés, il faudra attendre 2022, ils nécessitent encore du travail ».

L’objectif sera de valoriser entre 8 000 et 10 000 tonnes de terres par an, d’ici à 2023, grâce à une montée en charge des trois lignes différentes (BTC, mortiers de pose et de finition, panneaux extrudés). « Il sera même possible d’augmenter cette production si nécessaire, nous ne sommes pas limités par la productivité des machines mais simplement par les capacités de stockage des terres », assure la cheffe de projet. Quant à la mise en œuvre de ces produits « géosourcés », elle sera simple pour des maçons qui auront suivi une remise à niveau au CFA du Bâtiment de Noisy-le-Grand. Le manque de professionnels qualifiés en Île-de-France pourrait mener rapidement à la mise sur pied d’une formation diplômante dans la région. Tandis que le concept d’usine Cycle Terre pourrait, lui, se répliquer ailleurs sur le territoire, afin de limiter les distances entre gisement et site de valorisation, ce qui permettra de réellement limiter l’impact carbone de la construction en terre crue, dont le principal avantage est justement d’avoir une très faible empreinte environnementale.

G.N.

Grégoire Noble
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