Les 2es Assises de l’Apprentissage posent les bases d’une réforme des financements

, mis à jour le 17/11/2025 à 13h57
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Les 2es Assises de l'apprentissage, Paris - 09/10/2025.

Alors que le “bateau France” tangue au gré des gouvernements successifs, la Chambre des métiers et de l’artisanat (CMA) a récemment les 2es Assises de l’Apprentissage. L’idée ? Générer des idées pour garantir « la soutenabilité des financements en fonction des besoins du marché du travail tout en appelant au pilotage de la qualité des formations ». Serge Papin – le nouveau ministre des PME, du Commerce et de l’Artisanat – aura toutes les pistes pour agir et garantir l’apprentissage des jeunes dans la durée.

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L’apprentissage est au cœur du fameux plan de régulation de la qualité de la formation et de la lutte contre les fraudes. En ces temps incertains, aide-toi le ciel t’aidera : c’est un peu l’esprit qui présidait aux 2es assises de l’apprentissage.

Dans l’ensemble, tous les acteurs voient la réforme Pénicaud de 2018 comme une massification de l’apprentissage. Et une réussite qui a fait exploser le nombre d’apprentis mais avec « une série d’effets de bords » assez contreproductifs.

Néanmoins, il n’est pas question de jeter la réforme à l’eau, mais bien de réunir les acteurs de la filière pour proposer au ministre les bons ajustements, discutés entre l’ensemble des parties. Et il est vrai qu’Avenue Marceau, siège du CMA, en ce jeudi 9 octobre, il ne restait plus une place dans l’auditorium.

Entre les représentants des chambres consulaires, les CMA départementales, les CFA et autres professionnels de la formation, il y avait des idées au mètre carré, et sur scène des tables rondes pour tout remettre en perspective. Avec force débat et quelques piques de-ci, de-là !

« 18 des 20 CAP des centres CMA sont en déséquilibre financier. Ce qui est intenable et menace l’offre de formation sur tout le territoire. »
Joël Fourny, président des Chambres des métiers et de l’artisanat (CMA)

Équilibre financier (très) précaire

Tout a commencé avec Joël Fourny, président des CMA, la « puissance invitante » comme l’a si joliment accueilli Nicolas Lagrange d’AEF Info qui a animé les débats. Un Joël Fourny content de l’affluence et qui a rappelé que la première édition avait dans le passé permis de faire des propositions, « notamment pour revoir certains éléments de financement, en particulier pour les niveaux 3 et 4 et la prise en compte de la vie chère en Outre-mer, ainsi qu’une bonification pour le présentiel ».

Avant même que les débats ne soient lancés, il a proposé des pistes sur « la nécessité de mettre davantage les branches à contribution pour les métiers en tension ». Il a aussi souligné la situation financière extrêmement tendue au sein du secteur : « 18 des 20 CAP des centres CMA sont en déséquilibre financier. Ce qui est intenable et menace l’offre de formation sur tout le territoire ».

Et d’appeler à engager « un investissement pour l'avenir et à des critères de financement basés sur la qualité » au risque, sinon, d’assister à un déclin de l’apprentissage en France malgré son dynamisme post-2018. En effet, la menace démographique pèse sur l’ensemble du système puisque 210 000 jeunes manquent à l’appel de la natalité en 2010 avec des effets mécaniques qui se font déjà ressentir.

Directrice générale d’AEF qui co-organisait l’événement, Danielle Deruy a fait part, elle aussi, de son inquiétude aux lendemains d’un événement que l’AEF organisait en septembre dernier en région parisienne. Ce salon appelé “Jeunes d’Avenir” proposait à des jeunes de quartiers prioritaires de trouver un emploi ou a minima une alternance. 

« En une journée, nous avons accueilli 13 000 jeunes avec une queue jusqu’au métro et malheureusement dix fois moins d’offres…, témoigne-t-elle. Nombre d’entre eux sont dans des CFA qui leur promettent des contrats en jouant sur les effets d’aubaines de la nouvelle loi, alors que c’est faux et qu’ils seront à la porte soit fin octobre soit fin novembre 2025 ! Ils veulent s’intégrer par le travail et si on les laisse en dehors du dispositif, on sait comment on les retrouvera.. » Voire.

Effets de bords et d’aubaine de la réforme de 2018

Une fois les alarmes sonnées en ce début d’assises, le programme a débuté en replantant le décor de l’apprentissage. Avec notamment Stéphane Lembré, professeur d’histoire contemporaine à l’Université de Lille, qui a rappelé que la taxe d’apprentissage, tout comme les CMA, fêtaient leur centenaire cette année.

Et que cette idée de faire payer les entreprises pour financer la formation de leurs futures recrues était une spécificité française. Puis il a fait rire l’assemblée en rappelant que, tout de même, la très libérale Angleterre avait pris les devants, mais avec un système curieux puisqu’elle tenta de financer ses apprentis par une taxe… sur l’alcool.

Lors de cette introduction, Jean-Pierre Willems, grand spécialiste des questions liées à l’apprentissage, a déploré la confusion entre contrôle réglementaire, contrôle financier et véritable qualité dans le nouveau système.

Le débat suivant qui a fait intervenir Christophe Dore (président de l’Union nationale des entreprises de coiffure), Bertrand Mazeau (délégué fédéral FO Métallurgie), David Derre (directeur emploi et formation de l’UIMM) et Baptiste Martin (président de l’Association des apprentis de France), a permis de rappeler les dérives de la réforme Pénicaud de 2018.

Parmi les effets de bords de la massification de 2018, les intervenants ont relevé les parcours rompus et la démotivation de nombreux jeunes qui restent sans solution, les maîtres d’apprentissage non formés face à l’afflux d’apprentis, les apprentis vus comme une “poule aux œufs d’or” par certains CFA peu regardants et qui jouent sur les effets d’aubaine de la loi.

« L’apprentissage doit être considéré comme un investissement sur l’avenir qu’il faut piloter par la qualité, et non par les comptabilités.
Si rien ne bouge dans les prochaines semaines, nous ne serons plus en mesure de former la prochaine génération d’artisans. »
Joël Fourny, président des CMA

Sans oublier les contrôles de qualité aberrants puisque, comme l’explique Christophe Dore, un vieux centre de formation qui a fait ses preuves a moins de chance de bénéficier d’une certification qu’un nouvel établissement ne donnant aucune garantie de qualité. Effet de bords ! On a bien compris que la loi actuelle pour lutter contre les fraudes visait à réguler tout cela… La question de ces 2es Assistes étant de savoir comment.

Les experts ne sont pas tous d’accord sur les solutions à déployer sur le terrain. Faut-il concentrer les CFA ? Engager plus avant les branches professionnelles ? Les débats se sont poursuivis l’après-midi autour du renforcement de la qualité des enseignements et la manière de distinguer, de récompenser les CFA les plus vertueux.

Joël Fourny a conclu ces Assises en tirant toutefois « un bilan très positif » : « Je retiens notamment que l’apprentissage doit être considéré comme un investissement sur l’avenir qu’il faut piloter par la qualité et non par les comptabilités. Et que la réforme à venir du financement de l’apprentissage doit permettre d’encourager et de valoriser cette qualité ».

Une idée de charte a été évoquée, un engagement des CFA et une récompense des plus vertueux. Et le président d’appeler le nouveau ministre à « nous donner des perspectives tout en garantissant la pérennité de ce modèle ». Car, selon Joël Fourny, « si rien ne bouge dans les prochaines semaines, nous ne serons plus en mesure de former la prochaine génération d’artisans ».

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