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« Cette crise resserre encore plus les liens » (J-C Landuyt, DG d’Heulin Color)

Stéphane Vigliandi
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[Zepros Négoce] Entre résignation et espoirs, Jean-Christophe Landuyt, le DG de Heulin Color (adhérent de Socoda Décoration à Paris et en petite couronne) témoigne de son quotidien depuis le début des mesures de confinement.

Il y a des hasards du calendrier qui, parfois, tombent très mal. Quelques jours après avoir ouvert sa 8e agence début mars à la Porte de Clichy, dans le nord-ouest de la capitale, Jean-Christophe Landuyt a dû baisser rideau comme la majorité des négoces. Dans d’autres filières de la profession (matériaux, électricité, sanitaire-plomberie), une partie des points de vente ont rouvert progressivement depuis le 23 mars – un peu moins de 40 % des dépôts chez les multispécialistes selon la FNBM. Le grossiste parisien, lui, n’envisage pas encore de reprendre l'activité dans ses comptoirs, ni de mettre son personnel en astreinte. « Depuis les premières annonces gouvernementales liées au confinement, avec l’appui du groupement, nous avions mis en place tous les protocoles de sécurité sanitaire : masques et gants pour le personnel, accès interdit dans les agences, zone de courtoisie… Mais beaucoup trop de clients pros n’étaient pas assez disciplinés et ne respectaient pas assez les gestes “barrières”. Il y a même certains clients particuliers qui ne comprenaient pas pourquoi nous les servions plus ! », confie le dirigeant.

La santé des collaborateurs avant le CA !

Dans ce contexte, il estime qu’il lui était difficile de mener la continuité de ses missions en toute sécurité. Pourtant, selon la Fédération nationale de la décoration (FND), environ 40 % des dépôts dans le pays sont ouverts en “mode drive sans contact”. « C’est très loin d’être le cas à Paris ! Très souvent, la configuration de nos dépôts ne nous permet pas de proposer cette alternative », regrette-t-il ; même s’il envisage éventuellement cette solution sur sa nouvelle agence. En attendant, depuis bientôt deux semaines, la majorité de ses 22 salariés sont arrêtés (garde d’enfants…) ou en chômage partiel. Son argument choc ? « Je préfère perdre momentanément du chiffre d’affaires. Mes collaborateurs restent au cœur de mes préoccupations. Leur santé et celle de mes clients n’a pas de prix ! », lâche-t-il simplement.

Chantiers de finition au point mort, mais…

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D’autant qu’« environ 95 % des chantiers en peinture, ITE et décoration sont à l’arrêt en région parisienne depuis le 18 mars, évalue-t-il. À commencer par les chantiers de l’État et aussi à la demande des coordinateurs de travaux chez des majors et entreprises générales ». « Chez Socoda, mes collègues de la branche Électricité fournissent depuis le début de la crise sanitaire des équipements pour les secteurs prioritaires (hôpitaux, énergie…). Ce qui n’est pas le cas sur le marché de la finition », argumente-t-il. Pour servir quelques demandes de dépannage qu’il assure seul et dans « le strict respect des gestes “barrières” », toutes les lignes téléphoniques des agences sont transférées sur son smartphone. Au commerce et à l’administration des ventes, six de ses collaborateurs sont en télétravail. « L’activité ventes est bien sûr presqu’au point mort. En revanche, nous avons encore pas mal d’appels pour des demandes de prix, car les peintres et soliers se mettent à jour dans leurs demandes de devis clients », se réconforte le dirigeant. Malgré tout, il est entré dans une chaîne de solidarité locale. Heulin Color a fait don de 300 combinaisons de protection pour les personnels d’entretien du Centre de cardiologie de Saint-Denis (93). « Aujourd’hui, mes stocks sont à zéro, mais il est important d’apporter sa contribution », convient-il.

Confcalls quotidiens

Durant cette crise « sans doute la plus compliquée à gérer de [sa] carrière », il échange beaucoup sur les réseaux sociaux avec d’autres adhérents, des confrères. « Garder du lien reste primordial. Dès le 14 mars, le groupe Socoda a instauré un confcall quotidien en fin de journée pour faire un point sur la situation (réglementation, social, activité…). Avec Pauline Mispoulet [présidente du groupe], le directoire, tous les membres du conseil de surveillance et les présidents de branche, nous communiquons pour faire circuler auprès des adhérents les informations liées aux protocoles de sécurité sanitaire, à l’adaptation de nos organisations pour respecter à la lettre ces consignes, ou encore aux mesures de soutien de l’État, etc. », détaille cet ex-président de Socoda Décoration. Un groupe WhatsApp a aussi été créé au niveau de la direction de Socoda, mais aussi pour chacune de ses 7 branches. Et comme tous les adhérents du groupement, Jean-Christophe Landuyt a déjà anticipé une nouvelle organisation interne s'il venait qu'à être frappé par le Covid-19. Une recommandation de Socoda qu'il juge « légitime à 200 % ! ».

« Ne pas pénaliser nos artisans »

Prochainement, Socoda devrait aussi diffuser un guide pratique pour conseiller les adhérents à préserver leur trésorerie. Dans son entourage, Jean-Christophe Landuyt constate d'ailleurs que « de jeunes dirigeants qui se sont mis à leur compte récemment sont, bien sûr, inquiets de cette situation inédite ». L’une des solutions ? Faire une demande de ligne de crédit auprès des... banques aujourd’hui cautionnées par l’État. En outre, le groupement d’indépendants (environ 900 agences) dispose de sa propre structure financière : Socoda Investissement. « Le groupement fera tout pour que chaque adhérent sorte de cette crise », assure-t-il. À la tête d’une PME qui existe depuis 60 ans, Jean-Christophe Landuyt veut rester serein. « Si nos échéances à fin mars seront peut-être un peu compliquées à gérer, nous bénéficions d’une trésorerie solide avec 170 jours d’avance. Sauf choc économique majeur dans les mois à venir, je ne suis pas inquiet pour la pérennité de l’entreprise et des emplois », assure-t-il. Prévoyant, a priori, une baisse de chiffre en 2020, le grossiste garde un œil « encore plus vigilant sur le crédit-client et les dépassements d’encours ». Il anticipe d’ailleurs des différés de règlement. Bien qu’il ne soit « pas question de prendre des risques inconsidérés sur les impayés », Heulin Color ne veut « pas pénaliser les quelques entreprises qui travaillent encore » parmi ses clients en compte. Il s’agit aussi de les « accompagner à préparer la reprise » lorsque le confinement sera terminé. En principe d’ici quatre à cinq semaines. S. V.

Stéphane Vigliandi
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