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«  La massification tant attendue des travaux de rénovation ne peut se faire qu'avec les artisans. »

Marie Laure Barriera
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[Interview de Jean-Christophe Repon, Président de la Capeb]
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Alors que le plan de relance du Bâtiment met sur la table une enveloppe à près de 7 Md€, et que la filière est en attente des modalités précises sur la principale aide à la rénovation énergétique, le gouvernement a enjoint les organisations professionnelles de travailler sur des pistes d’actions concrètes pour en garantir la réussite. Jean-Christophe Repon, président de la Capeb réagit pour Zepros aux conditions de ce donnant-donnant.

Tout d’abord que pensez-vous globalement du plan de relance ?

Jean-Christophe Repon : "Dès l’annonce de ce plan, nous avons apporté notre plein soutien aux différentes mesures qu’il contient. L’élargissement de Ma PrimRenov’, le budget alloué à la rénovation énergétique des logements privés, des bâtiments publics, des locaux de TPE/PME et des logements sociaux, tout cela va dans le bon sens. Nous notons également une vraie volonté du gouvernement pour que cette fois, l’enjeu de la transition énergétique dans la Bâtiment atteignent ses objectifs. Il faut dire que dans le contexte actuel, l’emploi de ce levier apparaît comme une nécessité pour l’économie générale."

On sent tout de même de la réserve dans votre enthousiasme...

J-C.R : "Nous entendons les déclarations et les intentions, mais nous restons en attente des modalités d’application. Par exemple, dans quelle mesure Ma PrimRenov’ permettra-t-elle de soutenir à nouveau les ménages les plus aisés, qui ont malheureusement été exclus des dispositifs de soutien, alors qu'ils représentaient 40 % des travaux. Nous ne contestons pas la nécessité de lutter contre la précarité énergétique, bien au contraire, mais ce sont les plus hauts revenus qui portaient réellement le marché. Notre prudence tient aussi au contexte économique et à la difficulté actuelle de restaurer la confiance en l’avenir. Le facteur psychologique est primordial sur ces marchés. Et les effets d'annonce ne font pas systématiquement de l'activité. La réussite de ce plan dépendra également de la capacité des pouvoirs publiques à garantir plus de simplicité et de stabilité tant pour les clients que pour les entreprises. AInsi l'activité sera au rendez-vous. N'oublions pas en parallèle l'absolue nécessité de rendre les aides plus lisibles et plus compréhensibles par les particuliers."

Ce sont justement des garanties que le ministère a demandées à votre organisation et aux autres fédérations de la filière. RGE, l’Emploi et l’apprentissage et travail détaché : quelles réponses sur ces trois points ?

J-C.R : Cette volonté du gouvernement nous laisse perplexes car sur ces trois points, comment en tant que syndicat professionnel pouvons-nous imposer des engagements à nos adhérents ? Sur l’apprentissage, nous nous félicitons des bons chiffres de cette rentrée, équivalents à ceux de 2019. Ils ne sont pas que liés à l’annonce récente des primes, mais aussi au travail réalisé depuis deux ans pour relancer la formation professionnelle. Les entreprises, en particulier les petites, ont joué le jeu, cela fait partie de l’ADN de l’artisanat. Mais aujourd’hui, il est difficile pour elles de s’engager sur l’emploi. Il y a trop d’incertitudes. Malgré tout, la Capeb agit. Des Capeb régionales travaillent en partenariat avec des antennes de Pôle Emploi pour mettre en adéquation les besoins de recrutement et les compétences des demandeurs d’emplois. C’est une démarche qui peut devenir une réflexion à l’échelle nationale."

Cela va dans le sens du gouvernement qui veut que vous privilégiiez l’emploi local ?

J-C.R : "Que ce soit par l’apprentissage, qui est une tradition forte, je le répète, de notre profession, ou par le recrutement local, l’état d’esprit des chefs d’entreprises c’est avant tout le maintien des compétences. Sur le recours au travail détaché, nous l’avons toujours dit, nous sommes pour l’application d’un cadre très strict et pour davantage de contrôles sur les chantiers. Notre position n’a pas changé, elle est très claire, le recours est autorisé seulement si une compétence est manquante sur le territoire. Par contre, nous sommes incapables de donner au ministère ce qu’il attend, c’est-à-dire un engagement sur des chiffres précis de création d’emplois. Nous ne comprenons pas non plus la demande du ministère qui mobilise le Haut-commissariat aux compétences pour définir des « parcours de formation aux métiers et aux gestes de rénovation énergétique ». Il n’y a pas, selon nous, de « métiers de la rénovation énergétique ». Il y a des savoirs faire. Et les parcours de formation actuels répondent déjà à ces besoins. Nous craignons que cela ajoute encore de la complexité et allonge les calendriers. "

Sur le sujet des compétences, justement, vous êtes appelé à « développer et protéger le label « Reconnu garant de l’environnement » (RGE). Concrètement, quel pourrait être votre rôle ?

J-C.R : "Quelques chiffres en préambule pour dresser la situation actuelle. Nous sommes passés de 67 571 entreprises RGE à fin mars 2017, à 48 221 au 30 avril 2020. Plus de 19 000 entreprises RGE perdues, cela révèle qu’il y a un problème. Nous avons sur ce sujet entrepris un travail important de pédagogie pour emmener nos adhérents sur l’obtention de ce label, mais nous constatons un désintérêt. Si les entreprises n’ont pas renouvelé leur demande de label, c’est que l’équilibre entre complexité de la démarche et bénéfices obtenus n’est pas atteint. L’idée n’est pas de dégrader ce label mais de revenir à l’esprit originel du RGE. Les attentes sont simples : le renforcement des contrôles doit être ciblé pour ne pas pénaliser les entreprises vertueuses ; les procédures et dossiers à remplir doivent être simplifiés. Pour les TPE, nous prônons un audit au coup par coup, avec un contrôle systématique en fin de chantier. Le modèle à suivre est celui de Consuel ou PG. Emmanuelle Wargon semble nous avoir entendus. Nous allons poursuivre nos missions d’informations et d’accompagnement de nos adhérents. "

Etes-vous plutôt optimistes ou pessimistes sur l’évolution de l’activité ? Comment se portent les artisans ?

J-C.R : "L’activité depuis le déconfinement se maintient sur un haut niveau, proche de celui du début d’année. Les mesures, notamment sur le chômage partiel et l’octroi de PGE ont permis de parer la brutalité de la crise et d’amortir le choc. Les carnets de commandes des artisans sont plutôt garnis, mais ils ont clairement du mal à voir l’étape d’après. Il est essentiel que le gouvernement maintienne cet accompagnement et que les banques remplissent leur rôle pour sécuriser les trésoreries, d’autant que la question de la prise en charge des surcoûts résultant de la mise en œuvre des règles sanitaires sur les chantiers, n’est pas résolue. Les artisans sont prêts à contribuer à la réussite de ce plan de relance. La massification tant attendue des travaux de rénovation ne se fera que grâce aux petites entreprises. Encore faut-il qu’elles puissent compter sur une relance de la demande du marché par plus de simplification, de stabilité et d’accompagnement. "

Marie Laure Barriera
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