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Rénovation énergétique : Leroy Merlin vise le milliard d’euros en 2025

Pierre Dieuzeide
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Marie Simunic (la directrice de l’offre chez Leroy Merlin) et Fatah Rezzaï (directeur de l’offre et des achats Rénovation énergétique/Menuiserie/Chauffage).

D’ici à deux ans, l’enseigne phare du groupe Adeo ambitionne d’atteindre d’un volume d’affaires de 1 Md€ avec le marché de la rénovation énergétique. Pour y parvenir, elle crée un nouveau métier en magasin : le Référent Rénovation Énergétique (RRE) dont la mission est de recruter des artisans partenaires. Deux mots d’ordre : simplicité et sérénité. Un nouveau coup dans la fourmilière envers les négoces ?

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Qui veut gagner 30 Md€ ? À tout le moins 15 Md€ ? Ce qui représenterait bon an, mal an le chiffre d’affaires du marché de la rénovation énergétique sur le seul périmètre des clients particuliers. Une estimation qui fait tourner les têtes des grandes surfaces de bricolage (GSB) à l’heure des vaches maigres en termes d’activité.

Leroy Merlin, lui, se verrait bien mordre l’équivalent de 1 Md€ de ce gâteau dès 2025 avec 130 000 chantiers en fourni-posé. Mais voilà, pour y parvenir, la distribution Bricolage ne peut pas se contenter de vendre des produits.

Vu que l’État subventionne les travaux de rénovation énergétique et ambitionne, a priori, les 700 000 logements, une GSB doit s’inscrire dans la démarche “audit-primes-artisan RGE” pour pouvoir en profiter. Aujourd’hui, le marché est très fragmenté entre brokers, négociants et artisans.

Déjà 7 000 dossiers MaPrimeRénov’

Reste que Leroy Merlin s’est déjà construit une solide expérience sur ce marché subventionné en devenant mandataire habilité par l’Anah au moment où apparaissait le dispositif d’aide de l’État MaPrimeRénov’.

« Nous sommes les seuls sur le marché des particuliers à avoir obtenu cette habilitation », revendique Marie Simunic, directrice de l’offre chez Leroy Merlin. Depuis 2020, le numéro un du secteur revendique avoir traité pas moins de 7 000 dossiers en avançant les frais.

Une expérience précieuse qui conduit aujourd’hui l’enseigne à industrialiser le processus. Comment ? Par la création d’un nouveau métier dans ses magasins : celui de Référent Rénovation Energétique, un RRE.

« À date [au 07/06/2023], nous avons soixante-cinq déjà formés RRE avec l’objectif de plus que doubler ce chiffre en fin d’année pour que chaque magasin dispose d’au moins un RRE », précise Fatah Rezzaï, directeur de l’offre et des achats Rénovation énergétique/Menuiserie/Chauffage, en charge du dossier.

Marie Simunic précise également que « dans certains magasins, il y deux RRE , mais aussi quelque fois un seul référent pour deux magasins. Tout dépend de la taille des sites ».

Simplifier, apporter de la sérénité au client final

La mission globale est de simplifier et donner de la sérénité aux clients face à des projets de travaux lourds et au financement complexe. Leroy Merlin se voit comme un guichet unique, un tiers de confiance. En clair, le “phare au milieu des Quarantièmes Hurlants” ! Mais aussi au milieu de la jungle des appels à la rénovation à 1 € et des publicités contradictoires. Le distributeur veut être un point d’entrée avec un interlocuteur… « réel ». Voire.

Ces référents sont des collaborateurs ayant participé à des formations certifiantes auprès de La Solive. Leur rôle ? Prendre en charge les projets « multi-lots » qui imbriquent plusieurs projets (isolation chauffage, etc.) ou « mono-lot » (changement de fenêtres par exemple).

Là encore, le rôle du RRE est de simplifier et, par exemple, d’expliquer à un particulier dans quel ordre organiser son projet. À l’image, in fine, des missions qui incombent aux Référents Aide à la Rénovation (RARE) chez les négociants ! « Pourquoi changer les fenêtres si l’isolation n’est pas faite ? », questionne à dessein Marie Simunic.

« Nous avons la capacité d’avancer les frais et cela devient de plus en plus une clé d’entrée sur le marché : ce qui arrange bien clients particuliers et artisans. »
Fatah Rezzaï, directeur Offre et Achats (rénovation énergétique, menuiserie/chauffage)

La clé d’entrée ? C’est... « l’IVCP »

L’organisation du projet est la première mission pédagogique du RRE. Il est en capacité de proposer un audit qui, bien sûr, n’est pas signé Leroy Merlin. C’est formellement interdit. Reste que l’enseigne a noué un accord national avec ThermiConseil, un cabinet d’études et d’audits thermiques.

Ensuite, le RRE propose un ordre dans le projet de rénovation qui se résume par « l’IVCP ». Comme dans un dialogue d’Audiard, Marie Simunic égrène : « J’isole, je ventile, je chauffe, je produits et je pilote ! » Une fois que le projet remis “dans le bon sens”, « le travail du référent est alors de construire une solution avec l’écosystème local », ajoute la directrice de l’offre.

« La question est de choisir la meilleure solution pour le client. Soit nous organisons une sous-traitance auprès d’artisans. C’est le cas, par exemple, des projets multi-lots − ce qui évite au particulier de multiplier les démarches. Soit le projet est simple, mono-lot et nous confions le dossier en apport d’affaires très souvent à Kbane [l’enseigne sœur devenue une agence de pose au sein d’Adeo], détaille Fatha Rezzaï. Mais dans tous les cas c’est la simplicité, la fluidité pour le client qui guide le choix du RRE. »

Kbane en support

Qui supporte le coût du RRE ? « Pour l’instant c’est nous, explique Marie Simunic. Chez nous l’accompagnement à la vente n’est pas payant. Mais on pourrait imaginer, un jour, que l’accompagnement technique le soit. Aujourd’hui, ce n’est pas à l’ordre du jour », rétorquent de concert les deux managers.

Jusqu’à présent, les projets les plus plébiscités et vendus concernent les poêles à bois en mode mono-projet. La plupart du temps, « nous le confions à Kbane après avoir bien qualifié la demande », note Fatha Rezzaï. Puis ce sont souvent des combos de deux projets : pompes à chaleur et isolation ou poêles à bois et isolation.

« Dans les bassins où nous avons déjà des RRE en place, ceux-ci traitent quatre types de travaux : l’isolation systématiquement, une pompe à chaleur dans 90 % des cas, la ventilation et les fenêtres », précise le manager.

« Leroy Merlin dispose de la connaissance et du contact des clients finaux. »
Marie Simunic, directrice de l’offre

Leroy “bichonne” ces chers artisans

En face, la concurrence, c’est celle bien sûr de LaMaisonSaintGobain entre autres qui adresse − via ses enseignes sœurs (Point.P, Cédéo, Clim+, etc.) − avant tout un réseau de clients-artisans. Or l’artisan est un élément clé dans cette bataille de la rénovation énergétique.

Leroy Merlin y oppose deux arguments. Primo, « nous avons la connaissance et le contact du client final », observent les deux managers. L’enseigne annonce d’ailleurs une opération commerciale centrée sur la rénovation énergétique dès 2024 !

Secundo, Marie Simunic confie qu’un travail important est aussi réalisé à destination des artisans : « Ils sont désormais 1 200 partenaires... sans compter les 650 poseurs de Kbane ». Des partenaires pros soignés. « Nous travaillons sur l’expérience partenaire artisan comme nous l’avons fait avec les partenaires sellers. Pour cela, nous avons créé chez Leroy Merlin le service “Écosystème Développement” chargé justement de structurer les outils et les propositions de valeur pour nos partenaires », confie-t-elle.

« Nous avons la capacité d’avancer les frais et cela devient de plus en plus une clé de marché qui arrange bien clients et artisans. »
Fatah Rezzaï

La valeur, c’est apporter un client qualifié, de gérer les démarches administratives, de garantir les paiements, etc. Fatah Rezzaï dégaine l’argument fatal : « Leroy Merlin dispose de la capacité à avancer les frais. Ce qui devient de plus en plus une clé de marché qui arrange bien clients et artisans ».

Le distributeur entend bien continuer à séduire et “recruter” des artisans. Il participera d’ailleurs à la première édition des Renodays ! En outre, des opérations au sein de son réseau sont programmées auprès des clients artisans, via son concept “Comptoir des Artisans” ou auprès des porteurs de la carte pro. Entre les GSB et le négoce Bâtiment, a bataille ne ferait-elle que commencer ?

Stop à la précarité énergétique

Néanmoins, au-delà des prises de parts de marché, Leroy Merlin ne veut pas s’investir sur ce marché colossal sans être investi moralement s’entend. Et Marie Simunic de rappeler que les plus mal logés, ceux qui sont en situation de précarité, ne franchissent pas seuil du magasin.

La directrice de l’offre souligne par ailleurs qu’en France, un logement sur cinq est une passoire thermique. Ce qui représenterai grosso modo 5,2 millions de logements classés F ou G. Leroy Merlin a noué en ce sens un partenariat avec l’association Stop à l’Exclusion Énergétique. L’enseigne d’Adeo a ainsi versé 1 M€ en 2022 pour aider deux cents familles avec son dispositif “Produits engagés”. Et maintenant ? Le négoce attend, à n’en pas douter, la suite de la stratégie de Leroy Merlin…

Un panier moyen de… 40 000 €

Les premiers retours d’expériences des RRE montrent qu’ils gèrent en réalité des multi-projets de « trois lots avec un panier moyen de 40 000 € ». Un panier qui est un volume d’affaires encaissé par l’enseigne mais qui comprend produits et pose sans qu’on connaisse trop la part de l’un et de l’autre.

Est-ce que la ventilation financière des projets avoisine les 30% pour la fourniture et 70% pour la pose, comme c’est souvent dans l’artisanat ? Fatah Rezzaï tempère : « C’est très variable selon le type de pose. Dans le cas d’une pompe à chaleur la valeur du produit est forte, celle de la pose est faible ce qui est l’inverse de l’isolation ».

Pierre Dieuzeide
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