[Enquête] La RSE à l’échelle du négoce Bâtiment

Stéphane Vigliandi
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EN PHOTO • Sur la base de principe fondamentaux définis par l’Onu, la Commission européenne a sa propre définition de la RSE. Toute entreprise qui rentre dans cette démarche de développement soutenable, s’appuie sur « l’intégration volontaire de préoccupations sociales et environnementales à ses activités commerciales et aux relations avec les parties prenantes ».

[Zepros Négoce] Gouvernance éthique et équitable, loyauté des pratiques commerciales, conditions de travail des salarié(e)s, diversité et parité, environnement, implications au plus proche des territoires… : chez les distributeurs BtoB aussi, la RSE et ses sept piliers capitaux sont en train de devenir le bréviaire quotidien des état majors et des équipes opérationnelles sur le terrain. Exemples… non exhaustifs.

Bientôt, les négociant(e)s de l’Hexagone seront-ils tous membres du Global Compact France* ? Et certifiés par EcoVadis, Socotec ou encore Bureau Veritas pour faire valider leur démarche RSE ? S’il a fallu attendre la loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation de l’entreprise) promulguée fin mai 2019 pour que les entreprises s’approprient véritablement les sujets liés au développement “soutenable”, l’année 2020 qu’a émaillée une crise sanitaire et socio-économique sans précédent aurait pu tout – ou presque – remettre en cause. Chez certains, des coupes budgétaires ont certes appelé à un retour prioritaire à la rentabilité économique. Mais, dans l’ensemble, un réel changement de braquet s’est opéré quel que soit le secteur d’activité et la taille des sociétés. Preuve que la RSE bascule de la raison d’être à la raison d’agir, la loi Pacte a créé un nouveau statut juridique : la société dite à “mission”. Déjà très engagé sur le volet RSE, l’industriel nantais Cetih (Bel’M, Swao, Zilten, Systovi…) a annoncé en février qu’il devenait « entreprise à mission ». Son président, François Guérin, expliquait alors que « face à l’urgence sociale et environnementale », il y a lieu de développer de « nouveaux modèles économiques » associant « les notions de rentabilité, de pérennité et de durabilité ».

Ni plus, ni moins que ce qu’a dévoilé de son côté Hérige mi-février. RSE, innovation et digital : ce sont les trois maîtres mots du nouveau projet porté par l’ETI vendéenne. « Nous allons et devons apprendre à faire autrement ! », juge Benoît Hennaut, le nouveau “big boss” depuis la rentrée 2020. En principe d’ici à « mai 2021 au plus tard », l’entreprise familiale va disposer d’une trajectoire et d’une analyse détaillées pour chacune de ses trois branches : Béton, Menuiseries et Négoce. Signe d’une évolution des mentalités ? Ces derniers mois, aux côtés de la direction de la transformation, un nouveau poste fait son apparition : le directeur ou la directrice de l’engagement qui reporte au plus près des directions générales. Au plus haut niveau de la gouvernance, cette fonction – intégrant RSE, communication, voire gestion d’une fondation d’entreprise – vise à imprégner tous les collaborateurs des engagements sociaux et environnementaux inscrits dans la feuille de route des entreprises. C’est l’émergence d’un nouveau business model où il s’agit de maximiser les impacts positifs de l’activité des sociétés (grandes ou de taille plus modeste) et d’en minimiser les effets négatifs.

* Instauré en 2000, le Pacte Mondial des Nations-Unies milite en faveur de l’émergence d’entreprises « socialement responsables ». Il fixe dix grands principes.

Transformation et engagement(s)

Engagé sur les plans sociétal et environnemental, promoteur de la diversité des talents, solidaire auprès d’Emmaüs et du Secours Populaire, le groupe Martin Belaysoud vient de formaliser sa démarche RSE 2021-2025 : un exercice de transparence vis-à-vis de ses parties prenantes et de ses 62 000 clients. Membre du Pacte mondial des Nations-Unies depuis 2003, l’ETI familiale a ainsi voulu – « pour la première fois »« identifier », « structurer » et « prioriser les enjeux sur lesquels elle se concentre » en reprenant à la lettre les Objectifs de développement durable (ODD) définis par l’Onu. Parmi les neuf engagements pris par le groupe Belaysoud : les certifications ISO 4001 et ISO 45001 de trois de ses hubs logistiques (Pusignan, Bourg-en-Bresse 2 et Brive 2) et la volonté de réduire d’ici à 2025 (vs 2020) de 10 % les déchets d’emballage par ligne produits expédiés. C’est l’un des axes RSE que nourrit aussi Würth France. À Erstein (67), son entrepôt historique s’est doté d’une nouvelle presse à balles pour « améliorer la gestion des déchets ». Les emballages en fin de vie seront acheminés directement chez un fournisseur de cartons dans le Haut-Rhin pour une meilleure valorisation matières « en supprimant l’étape de reconditionnement ». Avec ce circuit court, le distributeur veut réduire de 80 % ses flux annuels de transport : soit 170 enlèvements en moins (vs ses anciens compacteurs) et l’équivalent de « plus de 3 tonnes de CO2 par an ».

Chez Socoda, le concept de « business durable » initié dès 2012 par son ex-patron, Philippe de Béco, a finalement été mis entre parenthèses depuis quelques mois. « Nous ne tournons pas le dos à ce qui a été fait jusqu’ici dans le groupement. La notion fait partie à 100 % de notre ADN. Nous souhaitons y inclure une dimension pas uniquement “verte”, mais aussi sociale », confie Pauline Mispoulet qui préside le groupe depuis janvier 2020. Dès l’an prochain, une commission RSE sera opérationnelle pour « faire bouger les modèles de Socoda » et « s’auto-challenger » sur différents dossiers. De son côté, Claude Coutant qui préside BigMat International (BMI : Belgique, Ibéria, Italie, France + 2 filiales en Tchéquie et en Slovaquie), évoque « un projet en gestation » : le développement, d’abord en Belgique et en Italie, d’« un label enregistré par BMI “Green Mat” pour donner une réponse de sensibilité vers le développement durable visibilité. C’est un acte concret pour répondre aux attentes clients sur les éco-chantiers », note-t-elle ; « d’autres sujets RSE (liés à l’architecture et au soutien au sport amateurs des jeunes » étant en cours.

À l’instar de PUM et RG Safety, tous deux précurseurs sur leurs marchés en matière de traçabilité de gammes éco-conçues, Julien Monteiro, le PDG de SIG France, convient que « la mise en place d’une jauge écologique de l’offre est l’un des sujets-clés de la RSE ». S’il reconnaît qu’« il y a encore du chemin à faire en matière d’offre biosourcée, le groupe investit fortement. Les équipes de category manager travaillent désormais en lien avec les agences des deux enseignes (Larivière et LiTT) pour disposer d’une approche plus fine en termes de sourcing local (exemples du référencement des scieries) ». ISO, “vert”, circulaire, diversité… : la “bible” RSE du négoce continue de s’enrichir. Avec des actions très concrètes comme Sonepar qui a participé en mars à la 3e édition du Mois de la Forêt. Aux côtés de l’ONG Reforest’Action, le coleader du matériel électrique a participé à planter 2 000 arbres dans des forêts du Kenya ou d’Haïti pour « célébrer l’arrivée de nouveaux collaborateurs ». Stéphane Vigliandi

CÔTÉ MÉMO & CONCEPT • RSE : un concept de performance(s) globale(s)

• Pour qui ? La “Responsabilité sociétale et environnementale” des entreprises est mise en avant depuis exactement vingt ans. La loi “Nouvelles régulations économiques” dite NRE de mai 2001 oblige les sociétés à publier des informations sur les conséquences environnementales et sociales de leurs activités. Si elle s’adressait à l’origine aux entreprises cotées en Bourse, le concept même de RSE s’est aujourd’hui largement répandu. Elle concerne toutes les tailles d’entreprises, quel que soit le statut ou l’activité.

• Quoi ? La norme internationale ISO 26000 évoque sept piliers : la gouvernance, les droits de l’Homme, les relations et conditions de travail, l’environnement, la loyauté des pratiques, les communautés et le développement local, ainsi que les questions relatives aux consommateurs.

• Comment ? Par exemple, pour réduire ses impacts environnementaux, une société peut instaurer un procédé de recyclage de ses déchets ou recourir à des EnR. Elle peut choisir de favoriser l’insertion de personnes éloignées de l’emploi ou en situation de handicap ou mettre l’accent sur la diversité ou l’emploi local. Elle peut aussi instaurer une plus grande transparence sur ses paiements ou répartir le plus justement possible ses bénéfices entre actionnaires, collaborateurs et communauté.

• Pour quoi ? Attention toutefois ! Il ne faut pas se contenter de simples déclarations d’intention. En prenant des mesures concrètes, l’entreprise doit suivre leurs effets sur la durée, voire faire évaluer ses actions par un organisme tiers indépendant. C’est le prix à payer pour mieux coller aux attentes du marché et de ses salarié(e)s.

• Quels résultats ? Il s’agit de maîtriser les risques quels qu’ils soient, découvrir de nouvelles opportunités et améliorer l’image et/ou la marque-employeur. Mener en concertation, une politique RSE a des effets positifs sur les performances économiques de l’entreprise. C’est aussi un levier de différenciation qui permet, a priori, d’attirer et fidéliser de nouveaux clients et talents internes tout en nouant de meilleures relations avec les partenaires (fournisseurs, clients, collectivités…). Grégoire Noble

CAS PRATIQUE • Côté Femmes & Parité : Brunes et blondes ne comptent (plus) pour des “prunes”

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Anne Owens à la tête de FIC (Algorel) dans l’Hérault, sa consœur Anne Chavigny aux manettes du multispécialiste éponyme dans le Centre, Muriel Mouton à la barre de LaMaisonSaintGobain, Stéphanie Wacker-Gabriel qui devrait passer de n°2 à n°1 de Sylvalliance en 2023, la Dg parisienne Marie Arnoux (BigMat) en copilote à la FDMC, Mélina Rollin le nouvelle Dg de Clim+, Élisabeth Polombo qui dirige le francilien Ratheau… Sans doute moins d’une cinquantaine de mains suffirait à les dénombrer ! Dans l’univers historiquement masculin du négoce Bâtiment, rares sont encore les femmes à manager un réseau indépendant ou une enseigne intégrée. Dans les comex des entreprises du CAC 40, il n’y a pas si longtemps les sièges occupés par le “beau sexe” étaient encore très clairsemés. Il aura fallu la loi Copé-Zimmermann de 2011 pour mettre, en principe, tout le monde d’accord sur la nécessaire parité femmes-hommes dans les organes de décisions. Excusez du peu ! Dans son rapport publié fin janvier, le HCE (Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes) a tapé du poing sur la table. Évoquant « un bilan en demi-teinte », il constate que « l’égal accès aux responsabilités demeure un parcours d’obstacles ». En contrepoint, le n°1 du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, a jugé pourtant que « la loi a atteint son but. Ce n’est maintenant plus qu’une question de... bonnes pratiques ».

Plafond de verre

Pourtant, les stéréotypes semblent avoir la vie dure pour briser le plafond de verre. Directrice générale de PUM, Sibylle Daunis note certes « des progrès ». Au conseil d’administration de Saint-Gobain où elle siège, le quota légal des 40 % a été dépassé. Avec 7 femmes pour 7 hommes. « La loi de 2011 a fait bouger les lignes, mais ce n’est pas une fin en soi ! Il s’agit d’un levier transitoire pour vraiment se saisir du sujet de la diversité dans l’entreprise », estime celle qui est l’une des trois seules femmes à piloter une filiale au sein de SGDB France.

En prenant la direction de PUM à la rentrée 2016, Sibylle Daunis se souvient : « Bénéficiant déjà d’un parcours très opérationnel, j’ai été portée par les équipes internes. J’ai pris mes fonctions en tant que cheffe d’orchestre et non pas comme… soliste ». De guerre lasse ? « Avec, à ce jour, moins de 30 % de femmes dans les codir et comex du distributeur, le compte n’y est pas encore, convient-elle. Tous métiers confondus, nos effectifs comptent 21 % de femmes ; 20 % sur les postes d’encadrement. En 2020, un tiers de femmes ont été recrutées », détaille-t-elle. Pourtant, la « fabrique à diversité » est sur la bonne voie. Pour éviter tout mauvais procès d’intention en compétences, le HCE propose d’insérer une disposition paritaire dans le Code du commerce pour faciliter la place des femmes dans les organes de décisions. Quant au gouvernement, il veut aller encore plus loin en renforçant la parité au niveau des cadres dirigeants. De là à questionner dans quelques années ou quelques décennies les groupes de distribution entre autres pour savoir où sont les… hommes ? S. V.

EN PHOTODe la parité à l’égalité professionnelle ? Dix ans après la loi Copé- Zimmermann du 27 janvier 2011 imposant 40 % de femmes – ou plutôt d’un genre – dans les conseils d’administration d’ici à 2021, le CAC 40 a pointé un taux de 44 % dans les entreprises cotées en début d’année. Pour celles du SBF 120, ce seuil est de 46 %. Ici, deux des 78 salariées du négoce familial BigMat Girardon, en région lyonnaise, qui ont accédé à des postes encore trop souvent réservés aux hommes.

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