Frans Bonhomme : l’An II avec Point.P TP « digéré ». Et maintenant ?

Stéphane Vigliandi
Image

Sur un marché des Travaux Publics frappé de plein fouet par le confinement Covid #1, le groupe tourangeau a malgré tout réussi à atterrir en douceur en 2020. Bref flash-back sur l’An I de la crise sanitaire avec Pierre Fleck, le CEO. Mais aussi bilan(s) d’étape à propos d’une enseigne qui a pris un sérieux tour de taille fin 2019 en absorbant DMTP.

Partager sur

EN PHOTO • Sur l’exercice 2020, l’impact de la crise de la Covid-19 est – très ! – loin d’être neutre sur l’activité du groupe Frans Bonhomme. Selon son CEO Pierre Fleck, « nous avons enregistré une décroissance à deux chiffres ». Le volant d’affaires a largement été plombé par les TP. Durant la crise sanitaire de 2020, la trésorerie des collectivités locales a bondi de +10 % pour atteindre « un nouveau point haut » de l’ordre de… 67,5 Md€ selon la FNTP. Cette même fédération juge d’ailleurs que le premier semestre 2021, a minima, devrait se résumer par « une activité toujours dégradée ».

Tout comme Bruno Cavagné, le chef de file de la Fédération nationale des Travaux Publics (FNTP), Pierre Fleck, Président du groupe Frans Bonhomme, n’y va pas par quatre chemins : « L’activité de la filière a souffert en 2020 ». Selon la dernière note de conjoncture de la FNTP, les facturations ont ainsi chuté de -12,5 % pour les marchés conclus et de -14,6 % pour celles des travaux réalisés (chiffres en données brutes et sur 12 mois glissants à fin janvier 2021).

« Le choc lié à la crise sanitaire a été très violent ! Au niveau de notre entreprise, 70 % de l’activité provient maintenant des TP après l’intégration de DMTP fin 2019. Après un deuxième trimestre dramatique (à -70 % en valeur), la reprise technique entamée début juin nous a permis de réduire cet écart », détaille le dirigeant qui, sur des marchés cycliques, sait slalomer pour avoir été un des dirigeants, entre autres, chez Fiat Industrial & Fiat Group Automobiles entre 2005 et 2012.

Dans ce contexte erratique, l’une des planches de salut du distributeur est venue du Bâtiment dont le repli n’aura été “que” de -3 % l’an passé. « L’entreprise est positionnée sur des segments porteurs tels que l’adduction d’eau potable (AEP) et les aménagements extérieurs, rappelle-t-il. In fine, si la période des premiers confinement/déconfinement a neutralisé deux à trois mois de business, nos résultats ne sont finalement pas si mauvais que cela. » Certes, le réseau de 410 agences a mis « un peu plus de temps » à rouvrir à 100% à partir de juin 2020. Mais, le changement d’actionnariat et les 124 M€ injectés dans le groupe ont « permis de rassurer en interne et aussi nos quelques 300 fournisseurs référencés et plus de 100 000 clients BtoB en France ».

Mettre de l’eau dans son vin en 2021 ?

Quant à l’exercice 2021, jusqu’ici tout irait plutôt bien? Pierre Fleck, ses équipes au siège de Tours et les opérationnels terrain ne semblent « pas inquiets ». Selon le CEO, « notre activité globale reste en ligne avec les bonnes performances du marché au quatrième trimestre 2020 dans le Bâtiment. Une reprise plus franche devrait se faire sentir dans les TP dès le deuxième trimestre 2021 ».

Mais en cas d’éventuel report des élections départementales et régionales (le premier tour est prévu le 13/06/2021 ; le second tour le 20/06) ? Là encore, comme d’autres de ses alter ego du négoce Bâtiment, le dirigeant veut raison garder et « reste également confiant – voire très confiant ! – quant à l’activité du second semestre ».

Avec l’arrivée de DMTP (Point.P TP) dans son périmètre, le distributeur est maintenant « beaucoup plus présent dans les grandes métropoles ». Pourtant, la crise Covid-19 “bloque” depuis plusieurs mois les ordres de services dans certaines collectivités territoriales d’importance. Selon le Syndicat des Canalisateurs, c’est d’ailleurs « un problème de fond ».

En écho, le patron de Frans Bonhomme souligne pourtant à ce propos que « l’argent que les collectivités consacrent aux “grands travaux” est là : voirie, aménagements urbains ». De guerre lasse ? En tout cas, dans son dernier “Dossier économique” daté de février 2021, la FNTP enfonce la… pioche et rappelle que la filière reste encore confrontée à « une situation préoccupante avec une prise de commandes qui peine à repartir, notamment du côté de la commande publique ».

Pour Pierre Fleck, « proximité, réactivité et innovation sont les trois piliers de l’action de Frans Bonhomme. Notre région Sud-Ouest a par exemple, a inauguré début mars un pôle “Prescription, Innovation & Marchés publics” ». Selon son responsable régional, Frédéric Quillo, « cette nouvelle organisation, plus ancrée sur le terrain, nous permettra de couvrir efficacement une grande partie des besoins du marché ». Ce modèle organisationnel est désormais implémenté dans les six régions du groupe.

2022 : entre-deux ou hasardeux ?

Sans invoquer les Cassandres, Pierre Fleck veut croire que « des facteurs rationnels et structurels devraient soutenir la filière ». À commencer, entre autres, par le retard que la France a accumulé en matière de déploiement du Très Haut débit (FttH). « Le segment de la réseautique devrait logiquement être porteur : c’est l’un des huit segments de marché que nous adressons », précise-t-il. Même réflexion pour l’AEP notamment.

« C’est un secteur qui reste promis à une croissance structurelle et sur lequel le groupe est désormais bien positionné » grâce au rachat de DMTP à Saint-Gobain. En attendant, la crise Covid n’en finit plus d’imposer ses aléas – entre promesses vaccinales et future “sortie du tunnel”. Angoisse, stress, manque d’horizon, etc. : pour le CEO, « il n’y a pas 50 remèdes pour désamorcer ces effets exogènes ».

Réponse du groupe ? Une politique de communication selon deux axes. « Dès le début du premier confinement, le siège et les fonctions support ont toujours gardé le contact avec les collaborateurs sur le terrain ; toutes et tous en 2e ligne pour soutenir entre autres, dès le début, les OIV [opérateurs d’importance vitale] et les acteurs du BTP. Ensuite, il s’agit d’apporter de la visibilité en interne. En dépit du contexte actuel, il existe des opportunités sur des marchés qui continuent de se consolider », estime le dirigeant.

D’ailleurs, cette « visibilité », c’est le Londonien Hayfin, son nouvel actionnaire depuis mi-2020 et ex-principal créancier, qui a contribué à l’apporter. Avec un apport d’un peu plus de 60 M€ d’argent frais sur 124 M€ de liquidités injectées à la fin du printemps dernier.

Expertises métiers renforcées et “verdissement”

La somme vient notamment soutenir le plan stratégique 2019-2023 de Frans Bonhomme. « Notre transformation passe, entre autres, par une plus grande spécialisation de notre réseau. Sur 410 sites en France, 160 l’étaient déjà fin 2020 sur un, voire deux univers métier [environ 1 200 spécialisations revendiquées au total sur les huit marchés que cible l’enseigne]. Fin janvier 2021, un pool d’une centaine d’autres points de vente a basculé dans cette logique », détaille Pierre Fleck qui tient à rappeler que cette politique de spécialité au sein du réseau historique Frans Bonhomme (en zones plutôt rurales) s’est accélérée depuis l’intégration des 58 ex-Point.P TP (formats très urbains) tous rebrandés depuis l’été dernier avant de s’appuyer sur un site web marchand unique depuis décembre dernier.

Dès le deuxième trimestre 2021, tous les points de vente seront estampillés “Expert” dans un ou plusieurs des huits segments. Dans la distribution Bâtiment, le tocsin du négoce généraliste aurait-il finalement sonné… ? Quoi qu’il en soit, Frans Bonhomme n’a plus qu’une idée en tête : « Notre réseau va s’orienter encore plus vers la technicité en termes de plans de vente ; notamment en direction des aménagements extérieurs. Pour cela, nous nous sommes appuyés sur l’expertise apportée par Point.P TP sur le segment des solutions béton. À ce jour [fin février], Frans Bonhomme s’appuie sur 161 agences dotées d’une forte expertise sur l’offre Béton dédiée aux aménagements collectifs et urbains », confie le CEO.

Autre dossier sur le feu : l’économie circulaire, bien sûr. Et là, le concurrent direct, l’intégré PUM, bénéfice sans doute de son… ”quart d’heure d’avance”. « Dans l’ensemble, nos fournisseurs ont déjà engagé un virage important en matière de RSE et de recyclabilité matières de leurs solutions techniques », reconnaît-il.

« Nous avons encore un gros travail à fournir à ce sujet. Mais le dossier avance. D’autant que les grands comptes imposent aujourd’hui aux négoces des systèmes de bonus-malus dans leurs appels d’offres », souligne le “big boss” d’un groupe qui est maintenant positionné de l’eau à la fibre. Et comme chaque distributeur, la transformation du groupe tourangeau passe elle aussi par l’optimisation de sa supply chain.

Avec des cut-off de prises de commandes en ligne toujours plus resserrés : jusqu’à midi pour une livraison le lendemain matin. « Tout cela modifie et va encore modifier nos process de travail et d’organisation amont-aval à tous les “étages”, convient Pierre Fleck. C’est la nouvelle brique de notre plan de transformation. » 

Image

EN PHOTOL’amont industriel serait-il prié de ne pas (trop) favoriser la vente directe ? L’an passé, Frans Bonhomme a décidé de “faire le ménage” dans son plan de référencement. De 800 fournisseurs, l’assortiment n’en compte plus qu’environ 300. « Nous avons aussi fait jouer les synergies entre l’offre de Point.P TP et celle de Frans Bonhomme, note Pierre Fleck, le patron du groupe. Le premier catalogue unique présente 30 000 références communes aux deux réseaux. »

Image

EN PHOTO • En prenant ses fonctions à la tête de Frans Bonhomme en mars 2018, Pierre Fleck constatait que la digitalisation des points de contact clients ne drainait qu’environ 0,1 % du CA total (e-commerce, e-procurement, EDI, punch-out…). Fin 2020 ? « Un peu moins de 10 % avec l’e-commerce, mais nous souhaitons multiplier ce chiffre par deux dès 2021. Chacune des six régions du réseau va intégrer un animateur dédié au digital d’ici à la fin du premier trimestre », prévient le CEO du groupe. Des régionaux de l’étape dont les compétences vont venir compléter celle de la cellule nationale Digital & E-commerce (10 personnes).

Stéphane Vigliandi
Partager sur

Inscrivez-vous gratuitement à nos newsletters

S'inscrire