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Future RE 2020 : le gaz fait grise mine

Grégoire Noble
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[Zepros Energie] La prochaine Réglementation Environnementale des bâtiments est en cours d’élaboration. Et, contrairement à la RT 2012 actuellement en vigueur, qui favorisait plutôt le gaz, elle semble s’orienter vers l’électricité comme vecteur principal d’énergie dans les constructions neuves. Olivier David, chef de service à la DGEC, a déclaré : « L’électricité est la solution pour pouvoir réussir l’atteinte de la neutralité carbone en 2050 », écartant de facto le gaz. Ce qui ne manque pas de faire réagir les professionnels de cette filière, dont l’association Coénove, par la voix de son président, Bernard Aulagne : « Nous trouvons inconvenant, si ce n’est choquant, que l’administration choisisse un colloque de l’Union française de l’électricité pour déclarer sa flamme à l’électricité et surtout présente les choses comme une revanche de l’électricité après une RT 2012 qui aurait favorisé le gaz ».
Techniquement, l’association pointe la modification du mode d’équivalence entre les énergies (pour tenir compte des rendements et pertes sur les réseaux) : « la baisse brutale et infondée du coefficient d’énergie primaire de 2,58 à 2,30 au nom d’une spécificité française », serait un « artifice » et non « un argument sérieux ». Coénove avance même que, selon une méthode de calcul européenne cette fois, il faudrait même l’établir à… 2,7 ! Un argument que n’entend évidemment pas la filière électrique, dont une autre association, Equilibre des énergies (Eden), se faisait l’écho en avril dernier : « Le facteur de conversion de l’énergie électrique en énergie primaire est un paramètre important de la politique énergétique. L’UE vient de ramener de 2,5 à 2,1 la valeur par défaut que les Etats doivent utiliser ». Selon EdEn, un coefficient élevé pénaliserait l’électricité et favoriserait les fossiles, dont il est admis qu’il faut sortir.

Autre point de désaccord, le contenu carbone de l’électricité française. Vertueuse selon EDF, elle ne serait pas si décarbonée que cela selon Coénove. La filière gaz réfute la moyenne de 80 grammes de CO2/kWh, en particulier lors des pointes de consommation hivernales qui obligeraient à mobiliser tous les moyens de production « sales », dont le charbon et le fioul, beaucoup plus émetteurs de gaz carbonique que le gaz. Bernard Aulagne n’hésite pas à déclarer : « L’électricité n’a pas le monopole de la décarbonation, nous pensions que l’État aurait une vision plus équilibrée, sans favoriser une énergie par rapport à une autre ». Son association avance toujours un scénario alternatif à la Stratégie Nationale Bas Carbone prévue par le gouvernement, qui ferait une place plus grande aux chaudières hautes performances, en mettant l’accent sur le gaz renouvelable (via la méthanisation).

G.N.

Qu’en pensent les ingénieurs ?

La fédération Cinov (ingénierie) plaide de son côté pour une RE 2020 « applicable et pragmatique ». Elle souhaite qu’il n’y ait pas de rupture avec la RT 2012 actuelle et l’expérimentation E+C- en cours, « en matière de méthodologie et d’exigences ». Il s’agira donc de conserver les indicateurs Bbio, Bepos et Emissions de gaz à effet de serre, tout en limitant les modulations liées à la géographie ou l’altitude au minimum possible. Les ingénieurs recommandent de se baser sur la surface habitable en résidentiel et sur la surface utile en tertiaire. Le mode de calcul devra corriger certains bugs de la RT 2012 : éviter la survalorisation des chaufferies collectives sans condensation, insertion des centrales de traitement d’air à débit variable équipées d’un récupérateur de calories… Cinov propose également de renforcer les exigences d’isolation du bâti (pour le grand collectif) et de promouvoir les EnR. Sur ce point, la fédération écrit : « Inciter prioritairement les installations de chaleur renouvelable plutôt que des panneaux photovoltaïques dont la disponibilité en données environnementales et les conditions d’efficacité de mise en œuvre mettent en doute la performance en cycle de vie pour le critère carbone ». La valorisation du solaire dépendra alors de la localisation géographique du bâtiment.

Quant à la question du coefficient d’énergie primaire, les ingénieurs ne l’évoquent que pour la biomasse : « Ne surtout pas maintenir un coefficient à 0 pour le bois, plutôt 0,6. Même si la biomasse est incontestablement une énergie renouvelable et qu’elle contribue à l’indépendance énergétique française, il faut rappeler que, suite aux nombreuses incitations financières et fiscales, la France est aujourd’hui obligée d’importer du bois pour couvrir l’ensemble des besoins. Un coefficient trop favorable n’incite pas à la mise en place d’une envelopper performante ou au couplage avec d’autres EnR type solaire thermique et donc n’incite pas à utiliser la ressource avec parcimonie ». La bataille entre les énergies qui se veulent renouvelables (biogaz, bois, solaire ou nucléaire) est donc loin d’être terminée dans l’Hexagone qui se transforme aujourd’hui en véritable ring.
Grégoire Noble
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