GIE Éqip : le déconfinement vu de France et de Belgique

Stéphane Vigliandi
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[Zepros Négoce] Entre ses vingt adhérents hexagonaux et son unique représentant en Belgique, le GIE Éqip aura parfois vécu différemment la crise sanitaire et le déconfinement de part et d’autre de la frontière franco-belge. En particulier sur le terrain de l’assurance-crédit, le match France-Belgique tourne, pour l’instant, à l’avantage du second. Regards croisés entre les deux coprésidents, la française Agnés Guéry-Chandelier et le flamand Rik Lecot.

SALON Initialement programmés à Bordeaux du 8 au 10 septembre, le salon inversé et la convention Formatech sont reportés en 2021.

PREMIER BILAN : L’ÉCHAPPÉE BELGE !

Agnés Guéry-Chandelier : En dépit du déconfinement, nous restons tous dans une conjoncture plus ou moins dégradée en fonction des régions – notamment sur le Grand Paris et le Grand Est où le redémarrage reste plus lent pour l’instant malgré un rebond d’activité un peu plus dynamique depuis fin avril. Sur tout l’Arc Atlantique et le nord de la France, nous commençons à repasser de l’orangé au vert… pâle. Chez la plupart des adhérents, le phone & collect et surtout le web & collect ont permis d’entretenir un certain volume d’affaires alimenté, au début de la crise du Covid-19, par les achats d’urgence et de dépannage bien sûr qui, très vite, ont été relayés par l’activité des TPE et PME entre autres ayant poursuivi pour l’essentiel leurs petits chantiers. À fin avril, notre GIE restait encore sur une tendance de chiffre d’affaires adhérents à –40 %, après un recul d’environ –25 % en mars.

Rik Lecot : Au niveau européen, je compare l’impact du Covid-19 un peu comme… une course cycliste ! En fonction des politiques adoptées par chacun des États membres (en matière de confinement, de chômage technique, de mesures d’aide gouvernementales…), il existe une coupure plus ou moins franche entre les pays du Nord et l’Europe du Sud. Au-delà des conséquences sanitaires, les situations sont aussi assez contrastées en termes d’effets sur l’économie des pays. Dans le peloton de tête, les états nordiques, les Pays-Bas*, mais aussi l’Allemagne notamment ont réussi à amortir plus ou moins les effets négatifs de la crise sanitaire sur l’activité générale et sur le BTP en particulier. De leur côté, l’Espagne, l’Italie et la France entre autres forment – pour l’instant – le peloton de queue avec une activité encore très affaiblie dans le Bâtiment. La Belgique, elle, fait office en quelque sorte d’échappée du second peloton. Sur mars et avril, mon retard de chiffre d’affaires n’est “que” de –23 %. Sur la première quinzaine de mai, l’activité reste à peu près étale comparée à l’an dernier. C’est près de vingt points d’écart en moyenne par rapport à mes confrères français.

* Pour déclencher le régime de chômage partiel, les entreprises néerlandaises doivent démontrer qu’elles ont subi une baisse d’activité d’au moins 20 % en lien direct avec la pandémie de Covid-19.

A. G.-C. : En France, les adhérents ont pourtant enregistré dans l’ensemble une hausse des paniers moyens dans leurs drives sous l’effet entre autres des commandes et achats de “fournitures Covid” (masques et gants de protection, gels et solutions hydroalcooliques, savons…). Exceptionnellement, notre groupement a d’ailleurs géré en grande partie les achats groupés de ses membres, les négociations tarifaires et les approvisionnements. Ce soutien “logistique” en back-office concerne pour l’essentiel l’assortiment en Hygiène-Sécurité-Prévention. Dans un contexte particulièrement tendu, c’est un filet de sécurité supplémentaire en parallèle des achats réalisés par les adhérents eux-mêmes. En revanche, depuis la première semaine du déconfinement, nous constatons une certaine érosion du ticket moyen du fait de la baisse d'activité des gros chantiers et d’une hausse de la demande des TPE.

L’UNIVERS QUINCAILLERIE À LA PEINE ?

R. L. : Globalement, dans mes 64 agences belges et aux Pays-Bas où ma société [191 M€ de CA consolidé] est présente via un bureau technique, l’activité demeure encore en retrait d’environ –11 % auprès des professionnels en compte (entreprises générales, majors, collectivités, industrie) que mes commerciaux ont pourtant pu visiter en respectant les protocoles de sécurité sanitaire. Comme en France, tous les gros chantiers n’ont pas encore retrouvé leur rythme d’avant la mi-mars. À l’inverse, avec les clients particuliers et les TPE artisanales, le chiffre d’affaires est en hausse de +22 % en moyenne. J’ai pu croire un moment que mon enseigne avait peut-être gagné des parts de marché localement. En fait, beaucoup d’autres grossistes belges dressent un constat plus ou moins identique : l’activité reste soutenue grâce aux ventes en EPI et outillage au détriment de la quincaillerie de bâtiment.

A. G.-C. : C’est une situation que je constate aussi en France. Actuellement, ce n’est pas forcément notre univers historique – la quincaillerie – qui génère la plus grosse contribution de chiffre d’affaires. Au sein du GIE, des adhérents devraient même afficher des performances meilleures que l’an dernier à la même époque grâce aux plans de vente en hygiène et sécurité. Durant la première période du confinement, la fermeture des GSB a très certainement apporter un ballon d’oxygène pour les drives et comptoirs sans contact de nos négoces qui ont enregistré des flux plus élevés de clients BtoC, mais aussi auprès d’une catégorie d’artisans fidèles à ce format.

R. L. : À nous de savoir rendre captives ces nouvelles clientèles ! Nous avons de solides arguments à faire valoir en termes de politique de services comme, par exemple, nos web shops, nos délais de réponse rapides en termes de disponibilité produits et de livraison (J+1 et souvent J-0).

APPROVISIONNEMENTS : DES ANICROCHES ?

A. G.-C. : Jusqu’à fin avril ou tout début mai, nos fournisseurs ont dans l’ensemble répondu présents. Dorénavant la situation commence un peu à se dégrader sur certaines familles de produits complémentaires à notre métier de base.

R. L. : Sur des références en quincaillerie de bâtiment et fixations par exemple, des tensions se font sentir – notamment auprès de fournisseurs italiens qui n’ont commencé à relancer leurs lignes de production qu’il y a trois semaines. Côté EPI, en raison de la réquisition des masques FFP2/FFP3 par les pouvoirs publics, il a fallu créer sur le vif de nouvelles listes de fabricants et de contacts. Aujourd’hui, je traite avec des fournisseurs que je ne connaissais pas forcément avant la crise du coronavirus.

DE NOUVEAUX PROCESS EN PLACE ?

A. G.-C. : Au niveau de nos organisations, l’épisode du confinement a évidemment été compliqué pour tous. Aujourd’hui, la quasi-totalité des 520 points de vente des adhérents Éqip sont rouverts mais, parfois encore, avec des plages horaires plus ou moins restreintes. Dans le cadre des protocoles barrières, la gestion des drives ou encore des flux de clients dans nos libre-services et showrooms impactent d’une certaine manière la productivité et les rendements de nos entreprises. Par exemple, dans ma société [DFC² implantée dans le quart Nord-Ouest], sur la cinquantaine de collaborateurs, sept sont dédiés à la logistique. En raison de la surface de mon entrepôt, il n’était pas possible de faire revenir tout le monde en même temps pour pouvoir respecter les distances de socialisation. En accord avec les salariés, il a fallu instaurer deux équipes en 2-8 pour continuer à assurer les réceptions et les expéditions, et ne pas trop détériorer notre productivité. En fait, chaque adhérent a dû réfléchir à un train de mesures pour s’adapter à cette situation inédite.

R. L. : Si 95 % de mes salariés sont à nouveau sur le terrain, j’ai aujourd’hui encore des collaborateurs en chômage temporaire ou en télétravail. Pour ceux qui travaillent dans nos bureaux, ils ne viennent en moyenne qu’un jour par semaine. Au siège de l’entreprise à Courtrai, nous ne sommes qu’une dizaine de personnes par jour contre une centaine en temps ordinaire. C’est un principe de précaution.

A. G.-C. : Si le confinement a sans doute “révélé” le télétravail à une majorité de Français, c’est sans doute une vraie question de société et de management des équipes qui émerge… enfin. Dans ma société, j’envisage d’ailleurs de faciliter plus amplement le télétravail quand le poste le permet – principalement pour les fonctions d’administration des ventes, la comptabilité ou encore le pôle webmasters.

R. L. : Nous avions, en effet, peut-être sous-évalué le succès d’estime du télétravail ! Actuellement, dans nos zones de chalandise, environ 50 % de mes clients en compte n’acceptent toujours pas d’être visités par les commerciaux. C’est toute l’organisation des tournées des itinérants qu’il faut repenser. Bien que ça ne remplacera jamais un contact de visu, les rendez-vous via Zoom ou Skype permettent de régler très vite certaines questions techniques. Dans cette optique, j’ai d’ailleurs renouvelé près de 20 % de mon parc informatique [soit environ 40 ordinateurs up-gradés] pour que les salariés puissent faire plus facilement du home office.

CRÉDIT-CLIENTS : UNE FRONTIÈRE… FRANCO-BELGE

A. G.-C. : Nul ne sait aujourd’hui quelle sera l’intensité et la durée de la crise économique. Si nous avons passé sans trop d’encombres la gestion de crise sanitaire, les incertitudes sont immenses pour la suite. Le crédit-client sera “le” sujet de cette fin d’année. Parmi nos clients fidèles, certains se retrouvent désormais avec des lignes d’encours réduites à la portion congrue : des situations difficiles à gérer en tant que cheffe d’entreprise, mais aussi sur le plan humain… Si les risques d’impayés sont bien réels, les remontées d’informations de nos adhérents soulignent que, pour le moment, les TPE-PME restent la tête hors de l’eau. En revanche, la situation sur les défauts de paiement risque de devenir plus tendue auprès des ETI. Ce dossier et celui de l’assurance-crédit seront abordés cette semaine lors de notre prochain conseil d’administration.

R. L. : En Belgique, la gestion de l’assurance-crédit est une autre grande différence par rapport à la France. Désormais, l’État belge garantit à 100 % le crédit inter-entreprises comme en Allemagne. (Propos recueillis par Stéphane Vigliandi)

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