Les artisans du bâtiment naissent pendant les grandes vacances !
Lors de mes interviews des artisanes et artisans du bâtiment, je me suis rendu compte d’une chose : plusieurs d'entre eux ont commencé leur carrière très jeune pendant les vacances d’été.
Il faut d’abord casser un mythe : les vacances, c’est le règne du farniente (expression qui vient de l’italien « fare niente » qui signifie ne rien faire). On critique souvent le système français qui accorde des vacances trop longues aux écoliers, collégiens et lycéens. C’est le président de la République lui-même qui a relancé ce débat.
Les vacances auraient donc des effets négatifs sur l’apprentissage. Est-ce que c’est vraiment comme ça ? Je ne le pense pas. J’ai même la preuve du contraire. J’ai posé cette question aux artisanes et artisans du bâtiment :
Que faisiez-vous pendant les vacances ?
Louise Guillet
La première à répondre, c’est Louise Guillet, la plus grande championne de l'histoire du water-polo en France. Elle a disputé son dernier match lors des JO de Paris. Aujourd’hui, c’est une nouvelle artisane et cheffe d’entreprise du bâtiment. Voici sa réponse.
« Pendant les vacances, quand j’étais petite, tous les matins avec ma sœur, on faisait le tour des chantiers avec mon père.
À midi, on parlait de l’entreprise avec mon grand-père.
Puis l’après-midi, on allait au siège de l’entreprise, il préparait ses devis et nous, on en profitait pour faire du calcul mental ! On allait aussi au magasin de peinture, il empilait des pots dans le chariot et on s’asseyait dessus. On allait aussi distribuer les pinceaux aux ouvriers.
C’est grâce à mon père que j’ai pu mener de front ma carrière sportive et ma reconversion.
Il m’a transmis sa passion pour le bâtiment.Je ne voulais pas que tout s’arrête, l’entreprise familiale existe depuis 1850, alors j’ai décidé de reprendre le flambeau. »
Lucie Amand
Lucie Amand passait beaucoup de temps avec son grand-père, notamment pendant les vacances.
« Mon grand-père m’a tout transmis : la passion du bricolage, son savoir-faire et la conviction que rien n’est impossible ! Le bâtiment n’était pas son métier, mais il prenait du temps pour moi et me faisait confiance.
Du coup, il me laissait changer les ampoules à 10 ans, à poser du lino à 12 ans, et j’ai même des photos en train de faire de la maçonnerie où je suis en couche-culotte (rires). J’ai plein d’autres photos comme ça où je suis sur un escabeau à 2 ans, les mains dans la terre, etc.
C’était des trucs qui me semblaient impossibles, mais que j’arrivais à faire grâce à lui. »
Rémi Maurice
Son immense passion pour la plomberie est née pendant les vacances. Voici le témoignage de Rémi Maurice.
« Tout a commencé chez mes grands-parents pendant les grandes vacances.
J’avais 12 ans. Un plombier-chauffagiste faisait des travaux dans leur maison et chaque matin, comme n’importe quel gamin l’aurait fait, j’allais sur le chantier. J’étais curieux, ça a été une grande découverte pour moi et ça m’a donné envie de faire ça.
Du coup, les étés suivants, j’ai suivi cet artisan sur ses chantiers pour l’observer et ça me plaisait de plus en plus. Finalement, j’ai décidé de partir en apprentissage. J’étais bon à l’école, mais j’avais autre chose en tête, j’étais attiré par ce métier.
Ensuite, ce plombier-chauffagiste est devenu mon premier patron. Après l’avoir observé pendant des années, j’ai commencé à travailler pour lui.
J’ai eu la chance de rencontrer une personne avec 40 ans de métier, qui était passionné comme au premier jour et qui travaillait déjà très, très bien. Il m’a transmis sa passion, son expérience, son savoir-faire. Il m’a formé de la meilleure des façons. »
Cindy Plumbs
Le père de Cindy Plumbs était plombier. Mais il ne voulait pas qu’elle en fasse son métier. Il lui a malgré tout transmis sa passion.
« Quand j’étais au collège, j’avais besoin d’un peu d’argent de poche, alors mon père me faisait bosser avec lui pendant les vacances.
Je voulais que mes parents m’achètent des baskets “Nike TN Requin”. C’est un modèle qui à l’époque valait mille francs. En travaillant avec lui et en profitant aussi des pourboires des clients, j’ai pu économiser pour me les payer.
La plomberie, j’ai toujours fait ça et je ne sais faire que ça. C’est ce qui me plaît. »
Dylan Touzé et les autres
Est-ce que tous les artisans du bâtiment sont nés en été ? Eh bien non ! Dylan Touzé n’attendait même pas les vacances.
« Mon père était patron d’une grosse entreprise de peinture. De mes 5 ans à mes 10 ans, j’aimais l’accompagner à l’atelier le matin avant d’aller à l’école. Je posais des questions techniques aux gars de son équipe, par exemple par où ils commençaient quand ils peignaient un plafond, je les aidais même à charger le camion, etc. »
Il y a un moment pour tout, un moment pour étudier, un moment pour s'amuser, un moment pour bâtir, un moment pour s’ennuyer, un moment pour s’étonner, un moment pour observer, etc. Et les vacances, c’est un formidable moment pour faire naître des passions, comme celle pour le bâtiment de Louise, Lucie, Cindy, Rémi, Dylan et beaucoup d’autres.
Qui sait combien d’artisans sont nés cet été ? Aujourd’hui, je n’ai pas la réponse. Mais je vous donne rendez-vous dans dix ans sur Zepros, car je compte bien les interviewer un jour !
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