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Arnault Disdero

« Proposer une nouvelle méthodologie de rénovation multicritère »

Marjolaine Meynier-Millefert
présidente de l’Alliance HQE-GBC
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Marjolaine Meynier-Millefert présidente Alliance HQ GBC portrait

Connue pour son accompagnement en faveur de la construction durable dans le neuf, l’Alliance HQE-GBC a aussi son mot à dire et des solutions à présenter en matière de rénovation du bâti existant. Tour d’horizon des grands sujets d’actualité avec sa présidente depuis mars 2021.

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En quelques mots, présentez-nous l’organisation que vous dirigez.
Marjolaine Meynier-Millefert

L’Alliance HQE-GBC est une association reconnue d’utilité publique qui, depuis bientôt 30 ans, réunit l’ensemble des professionnels du bâtiment et de l’aménagement engagés dans l’accélération de la transition environnementale pour un cadre de vie durable, selon une approche transversale, équilibrée et multicritère. Cette approche a été éprouvée pour la construction neuve puisque les travaux menés par l’Alliance HQE-GBC ont permis d’accompagner les pouvoirs publics dans l’évolution de la réglementation qui est passée d’une réglementation thermique à une réglementation environnementale (énergie, carbone et confort d’été) qui sera à terme élargie à d’autres critères explorés dans le cadre du projet CAP2030 dont l’Alliance HQE-GBC est partie prenante.

Quels sont les objectifs stratégiques poursuivis par l’Alliance HQE-GBC en matière de rénovation des bâtiments ?
Marjolaine Meynier-Millefert

L’Alliance HQE-GBC souhaite jouer un rôle majeur dans l’accélération de la rénovation globale et performante des bâtiments et aménagements, en accord avec les objectifs environnementaux de la France pour 2050. Elle privilégie une approche bas carbone, multicritère et adaptable. Pour ce faire, l’Alliance a mis en place une commission dédiée, chargée de définir un langage commun pour la rénovation performante, en tenant compte des différentes typologies de bâtiments (maisons individuelles, copropriétés, habitat social, tertiaire) et des projets d’aménagement, à partager avec l’ensemble des acteurs du secteur. Cette commission propose aussi une méthodologie de rénovation multicritère intégrant l’adaptation au changement climatique, le confort, la santé et le vieillissement, avec un volet opérationnel pour soutenir la structuration de la filière. Pour avancer, l’Alliance s’appuie sur l’expertise et les outils de ses membres, notamment ceux des organismes certificateurs Cerqual Qualitel Certification et Certivea, qui ont mis au point des référentiels HQE spécifiques pour la rénovation. La feuille de route inclut également un volet important pour mesurer la performance réelle des travaux de rénovation, ainsi que des thèmes additionnels en phase 2, tels que des solutions adaptées aux copropriétés – y compris celles en difficulté – et la transformation de bureaux en logements.

« Notre programme de recherche "Net Zero Carbone" a engendré un nouvel indicateur clé pour la rénovation des bâtiments : le "temps de retour carbone". »

Quels outils mettez-vous à disposition des professionnels de la rénovation ?
Marjolaine Meynier-Millefert

En janvier 2020, l’Alliance HQE-GBC a lancé le programme de recherche "Net Zero Carbone" (NZC) pour identifier des leviers d’action efficaces permettant d’optimiser la performance carbone des bâtiments existants tout au long de leur cycle de vie. Piloté par l’Alliance HQE-GBC et AIA Environnement, avec le soutien du World GBC et financé par la Fondation Redevco, ce programme s’appuie sur sept cas d’étude représentatifs du marché français. Deux enseignements majeurs ont émergé de cette initiative. Le premier concerne un nouvel indicateur clé pour la rénovation des bâtiments : le "temps de retour carbone" (TRC). Dans le cadre de la rénovation, la question cruciale n’est pas de savoir si l’opération est neutre en carbone, mais plutôt combien d’années sont nécessaires pour qu’elle le devienne. Le TRC représente ainsi le délai requis pour que les économies de carbone générées par la rénovation compensent les émissions initiales liées à celle-ci. Réduire le TRC est un enjeu stratégique pour une décarbonation efficace du secteur. Le programme NZC a également identifié cinq grandes familles de solutions pour réduire les émissions de carbone : la tactilité (efficacité de conception), la circularité, la matérialité (choix des matériaux), la technicité (équipements et technologies) et les externalités. Ces leviers sont essentiels pour réduire le TRC et améliorer la durabilité des projets de rénovation. À partir de ce programme, AIA Environnement et l’Alliance HQE-GBC ont développé l’outil numérique "Decarbone+ Réno", actuellement en phase expérimentale au CCCA-BTP pour sensibiliser les apprenants aux enjeux de la rénovation bas carbone. Ces jeunes, futurs professionnels du bâtiment, deviendront des prescripteurs des solutions bas carbone auprès de leurs donneurs d’ordre.

Parlez-nous également des référentiels que vous avez développé.
Marjolaine Meynier-Millefert

Les organismes certificateurs Cerqual Qualitel Certification et Certivea, en partenariat avec l’Alliance HQE-GBC, ont conçu des référentiels de certification HQE en rénovation pour tous types de bâtiments. Ces référentiels, basés sur des retours d’expérience de rénovation globale, attestent de la performance, de la durabilité et de l’alignement des bâtiments rénovés avec les objectifs de la Taxonomie européenne et les critères ESG. Cependant, le surcoût de cette démarche représente souvent un frein pour les acteurs immobiliers. L’Alliance HQE-GBC souhaite donc démontrer les bienfaits concrets d’une rénovation globale, notamment en termes d’environnement, de confort des occupants et d’économies d’énergie, pour encourager une adoption plus large de ces pratiques.

« Nous créons des espaces d’échange autour des enjeux de la rénovation durable, de partage d’expériences et de promotion des bonnes pratiques. »

Comment l’Alliance HQE-GBC accompagne-t-elle les acteurs avec ses outils concrètement ?
Marjolaine Meynier-Millefert

L’Alliance HQE-GBC met à disposition de tous, librement, gratuitement, l’ensemble de ses travaux, outils, cadres de référence, cadres de définition, guides… depuis son site internet. Elle accompagne leur appropriation par tous via des webinaires, des prises de parole, des supports pédagogiques print et digitaux, l’élaboration de contenus de formations portées dans le cadre de partenariats.

L’Alliance HQE-GBC accroît sa visibilité. Le but est-il de mieux sensibiliser les professionnels à la rénovation durable ?
Marjolaine Meynier-Millefert

L’Alliance HQE-GBC cherche effectivement, par sa présence sur des événements comme RénoDays, EnerJ Meeting et le Salon des maires, à accroître sa visibilité auprès des acteurs clés du Bâtiment et de l’Aménagement. Ces rencontres sont l’occasion de promouvoir ses actions et engagements pour un cadre de vie durable, de sensibiliser un public élargi aux enjeux de la construction et de la rénovation durables, et d’encourager l’adoption de ses outils. Participer à ces événements permet aussi des échanges directs avec les professionnels, d’inciter leur contribution à des initiatives telles que les tests HQE Performance, et de renforcer son réseau de partenaires pour avancer les initiatives de durabilité à grande échelle. En parallèle, l’Alliance HQE-GBC déploie une stratégie multicanale sur les réseaux sociaux et par des conférences en ligne régulières pour présenter ses travaux, rapports, études de cas et guides méthodologiques. Cela crée des espaces d’échange autour des enjeux de la rénovation durable, de partage d’expériences et de promotion des bonnes pratiques.
L’association intensifie ses partenariats avec des organismes publics, des associations professionnelles et des acteurs de l’immobilier, afin d’associer les expertises dans des projets collectifs enrichissant à la fois les politiques publiques et les pratiques professionnelles autour de la rénovation globale. Soucieuse de l’accompagnement des professionnels par la formation, l’Alliance HQE-GBC est fière de ses partenariats avec le CCA-BTP et l’École nationale des ponts et chaussées. Ces collaborations visent à renforcer l’attractivité du secteur, anticipent l’évolution des métiers du BTP, et favorisent l’adaptation des compétences aux enjeux de la transition environnementale.

« Si MaPrimeRénov’, CEE, Fonds chaleur sont en progression constante, on peut regretter qu’ils soient sans cesse en évolution dans leurs périmètres. »

Selon vous, les dispositifs (MaPrimeRénov’, CEE, Fonds chaleur...) mis en place par l’État sont-ils efficients ?
Marjolaine Meynier-Millefert

Les différents dispositifs de financement cités ont tous leurs avantages et leurs défauts. MaPrimeRénov’ suscite sans doute encore quelques grincements mais c’est un outil puissant d’accompagnement à la rénovation et désormais il est bien identifié par le grand public et le coordinateur de travaux qu’est l’Accompagnateur Rénov’ trouve progressivement son rôle dans le système. Il est souvent limité par la capacité des maîtres d’ouvrage à financer des travaux ambitieux. C’est un outil à stabiliser. Le fonds chaleur est un outil très efficace qui a pleinement donné satisfaction dans sa montée en puissance dans les territoires... Les projets en attente ne manquent pas, il est vraisemblablement surtout limité par les budgets qui lui sont alloués. Les CEE, quant à eux, sont un outil d’une redoutable efficacité pour mettre en mouvement le marché libre mais il demanderait en effet à être recentré, mieux piloté d’un point de vue de ses effets industriels pour éviter ses débordement et permettre la structuration de filières vertueuses, mieux surveillé pour éviter les détournements et les surrémunérations, et à se rapprocher des économies d’énergies réelles et mesurées… Mais ce n’est pas un outil à destination du grand public et le politique devrait s’interdire de l’utiliser comme une caisse de financements de politiques de sensibilisation difficiles à évaluer. On peut en tout cas souligner que tous ces outils sont en progression constante depuis 2017 et qu’on met de plus en plus d’argent sur la rénovation. On peut regretter qu’ils soient sans cesse en évolution dans leurs périmètres et que ces évolutions prennent souvent la forme de stop and go brutaux. Ça ne facilite pas la structuration d’une filière cohérente sur le long terme et sur tout le territoire. Quand on les regarde sur plusieurs années, on note toutefois qu’ils ont été, et seront de plus en plus, orientés vers la rénovation globale et vers la performance mesurée. Ça prend du temps, ce n’est pas un long fleuve tranquille, mais ça va dans le bon sens. 

Le projet de loi de finances, encore en examen à l’Assemblée, prévoit-il selon vous un budget suffisant pour la rénovation ?
Marjolaine Meynier-Millefert

On peut débattre des montants… Il y a plusieurs rapports qui montrent de manière assez efficace que le rétroplanning de nos objectifs nécessite des engagements budgétaires bien plus importants que ce qui est concédé aujourd’hui. Dans le même temps, il faut que ces budgets puissent être consommés de manière efficace par des acteurs suffisamment nombreux et bien formés et ça c’est surtout un cadre stable et prévisible qui le permettrait. On en est loin... Beaucoup d’acteurs demandent un cadre budgétaire pluriannuel pour la rénovation, cohérent avec les objectifs à 2050. C’est sûr que ça serait un vecteur essentiel de structuration d’une politique efficace. Et il faut sans cesse rappeler que baisser les besoins énergétiques est bien moins coûteux, bien plus durable, que d’importer de l’énergie (majoritairement fossile) de l’étranger ou de devoir investir dans de nouvelles infrastructures de production…

« Il faudra voir augmenter le nombre de professionnels qualifiés pour concevoir et réaliser des travaux de rénovation globale performante. »

Quels sont les principaux leviers de l’Alliance HQE pour fédérer et mobiliser l’ensemble des parties prenantes (professionnels, pouvoirs publics, citoyens) autour de la question de la rénovation énergétique ?
Marjolaine Meynier-Millefert

En 2022, l’Union européenne mettait en place son règlement sur la taxinomie pour encourager et favoriser les investissements durables à travers la qualification homogène et opposable des activités économiques selon leur contribution aux six objectifs de l’UE : l’atténuation et l’adaptation au changement climatique, la préservation de la biodiversité, la transition vers une économie circulaire, la prévention de la pollution et la préservation des ressources en eau. L’Alliance HQE-GBC et les organismes certificateurs partenaires, Certivea et Cerqual Qualitel Certification, ont mené une étude dont les résultats, publiés en octobre 2022, démontrent que les certifications HQE dans l’immobilier tertiaire et le résidentiel, grâce à leurs référentiels solides scientifiquement parlant, peuvent aider les entreprises financières et non-financières, et leurs commissaires aux comptes, à répondre aux exigences techniques de la taxinomie verte européenne. En parallèle, l’Alliance HQE-GBC a rejoint une alliance internationale composée d’organisations de construction durable : Building Research Establishment (BRE) au Royaume-Uni, Green Building Council of Australia (GBCA), Singapore Green Building Council (SGBC), US Green Building Council (USGBC). Cette dernière émet, dans un nouveau rapport intitulé Building Transition : How to Scale and Finance an Inclusive Transition for the Built Environment, des recommandations pour faire évoluer les politiques, normes et standards pour libérer des milliards en faveur de la décarbonation massive du secteur du Bâtiment. En effet, si les bâtiments très performants bénéficient déjà de ressources et de financements verts, la plupart des travaux demeurent freinés par un manque de capitaux. Il est donc nécessaire de trouver des solutions pour lever ces obstacles. Le levier bancaire, qui permet de mobiliser l’argent des ménages ou celui des investisseurs, reste difficile à actionner. Certains acteurs envisagent encore la création d’une "banque de la rénovation" : un outil intégrateur de complexité et créateur de simplicité pour toutes les parties prenantes, une sorte d’interface au service de la rénovation énergétique qui pourrait, grâce à une spécialisation, limiter les risques pour les investissements publics et privés… La loi sur les copropriétés dégradées qui facilite le prêt collectif à la copropriété est une autre réponse. Cependant il manque encore des décrets à paraître. Il y a pas mal d’innovations qui fourmillent actuellement sur le sujet du financement de la rénovation, on peut être confiants que, là encore, on va dans le bon sens.

Comment pourrait-on encore massifier les travaux de rénovation ?
Marjolaine Meynier-Millefert

À mon sens, la massification repose sur trois piliers :  une planification/coordination claire des objectifs mesurés, des budgets et de la main-d’œuvre. On a évoqué les deux premiers, on peut conclure sur le troisième : l’accompagnement de la filière à travers les dispositifs de formation initiale et de formation continue est le dernier axe majeur pour permettre la réussite des objectifs. On sait qu’il faudra voir augmenter le nombre de professionnels qualifiés pour concevoir et réaliser des travaux de rénovation globale performante, mais on n’attirera pas les talents vers une filière malmenée et inquiète.  Le coup de frein sur l’apprentissage serait vraiment dommage. Il nous faut des perspectives positives et de la stabilité dans l’expression des besoins.
L’Alliance HQE-GBC s’appuie sur l’expertise transversale et opérationnelle de ses adhérents qui représentent l’ensemble de la chaîne de valeur de la construction durable. Ce positionnement original et originel de l’association a fait ses preuves dans la construction neuve puisque les méthodologies qu’elle a produites et éprouvées selon une approche multicritère ont permis d’accompagner les pouvoirs publics dans l’évolution des règlementations en passant d’une règlementation exclusivement thermique à la RE2020 et les professionnels dans la mise en œuvre de celle-ci grâce aux phases d’expérimentation collective. Nous travaillons aujourd’hui à désormais appliquer cette méthode à une approche réellement globale de la rénovation… Globale pas seulement d’un point de vue du nombre de postes énergétiques traités, ou même du volet carbone, mais bien en intégrant les aspects de confort thermique, acoustique, lumineux, de qualité de l’air, d’adaptation au vieillissement, d’adaptation au changement climatique, de gestion de l’eau, d’impact sur la biodiversité, etc. Nos travaux collectifs contribueront ainsi à inspirer, quand ce sera le moment, les pouvoirs publics dans l’élaboration d’une future réglementation environnementale de l’existant. Sans mettre la charrue avant les bœufs, on sait que c’est le sens de l’histoire.

Arnault Disdero
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