"La rénovation énergétique doit aller vite, il faut des gens dont c’est le métier"
Difficulté d’obtention des aides publiques, rôle du négoce, place de Mon Accompagnateur Rénov’… Florian Brunet-Lecomte, le président fondateur de Femat (distribution de matériaux), s’exprime sans filtre sur différents aspects du marché français de la rénovation énergétique.
Aujourd’hui, la rénovation c’est un marché de 30 à 40 Mrds € en France. Du côté des financements, il y a 6-7 Mrds € de CEE et 2,6 Mrds € de MaPrimeRénov’ soit, en tout, 10 Mrds € d’aides publiques et privées, soit un tiers de tout le marché. Cela doit interpeller : nous ne pouvons pas fonctionner uniquement grâce à ces aides ! Sans elles, le marché pourrait-il continuer ? Les biosourcés sont rarement utilisés en rénovation, car ils sont plus chers mais ne sont pas davantage soutenus. Cependant, chez Femat, nous avons remarqué qu’ils connaissent malgré tout une croissance régulière à deux chiffres par an. Car il y a une prise de conscience collective. La question n’est donc pas de savoir s’il faut davantage d’aides, mais de savoir comment s’en servir plus intelligemment !
Nous avons un problème de concertation avec l’Anah [qui gère les dossiers de MaPrimeRénov, NdlR]. L’agence dit régler les dossiers en 6 semaines, mais c’est faux : nous avons parfois des dossiers qui ne sont même pas ouverts en 8 semaines ! Il faut plus de ressources dans leurs services. Le système a été mal conçu et il connaît trop de demandes mal maîtrisées. Ce chiffre de 700 000 rénovations par an n’est pas vrai non plus. Il s’agit de gestes isolés, parfois opportunistes, pour des petits dossiers à moins de 5 000 €, où l’Anah paie rapidement. Pour les rénovations globales, qui sont des projets à bien plus de 10 000 €, avec plus d’argent engagé, il est logique qu’il y ait plus de contrôles. Mais les paiements tardent, parfois au-delà de six mois. Ce qui oblige d’avancer les montants pendant 4 à 5 mois pour payer les fournisseurs en attendant d’obtenir la prime… Le cas de la société BCI est terrible, car le système tel qu’il est fait mourir des entreprises vertueuses. Ils attendaient 1 M€ de la part de l’Anah et ça les a tués. Je suis sidéré de voir cette agence, mal structurée en amont, dépassée par la tâche. Ça nous créé des problèmes et c’est frustrant, car je me bats avec ma trésorerie pour maintenir notre démarche citoyenne.
Il faudrait s’appuyer sur le système bancaire, pour favoriser des rénovations globales et pas seulement sur des approches partisanes de certaines entreprises. Un chauffagiste n’aura pas la même priorité qu’un isolateur… L’intérêt de tous est que le cycle financier soit pérenne et qu’il fonctionne. En tant que mandataires administratifs et financiers, nous présentons un taux de conformité de 99,8 % et nous travaillons tous les jours sur cette crédibilité. Et nous sommes sans concession : nous vérifions les labels RGE, les attestations, les assurances et nous ne laissons rien passer. Nous avons par exemple refusé des dossiers de MaPrimeRénov’ où les fiches des produits utilisés (des VMC double flux) ne sont pas conformes.
Nous avons beaucoup de savoir-faire, comme nos camarades, mais nous connaissons à la fois bien les métiers et les produits que nous vendons ! Les artisans ne doivent pas se transformer en administratifs ou en financiers, et ne pas laisser entre leurs mains le montage des dossiers. De même, dans des petites structures, qui ne montent pas beaucoup de dossiers, les personnes ne sont pas assez expertes et soient y passent trop peu de temps, soit se trouvent exposées à l’éco-délinquance. Enfin, du côté des grandes centrales, on entend de beaux discours mais il n’y a rien derrière. Non, l’idéal est de laisser faire des structures dédiées à la massification de la rénovation qui connaissent les artisans, la distribution, les produits mis en œuvre et les dispositifs d’aide.
Si ce sont les architectes qui se positionnent, j’ai quelques doutes, et je ne suis pas sûr qu’ils y arrivent bien. La rénovation énergétique doit aller vite. Il faut des gens dont c’est le métier. Du côté des CEE par exemple, nous sommes passés en peu de temps de 120 délégataires à seulement 25 environ. Ce n’est pas encore parfait, mais c’est beaucoup mieux que cela n’était. Pour MaPrimeRénov’ il ne faudra pas concentrer tout le business autour de seulement 2 ou 3 acteurs, attention.
Le fait qu’il puisse y avoir plusieurs contrôles – pour les CEE, pour MaPrimeRénov’ et pour le statut RGE – sur un seul et même chantier n’est pas cohérent. J’ai connaissance d’un chantier à Saint-Priest (Rhône) qui a été contrôlé trois fois : une fois pour l’ITE, une fois pour les combles et une fois pour la PAC… On ne peut pas travailler comme ça. C’est au pouvoir politique de dire qu’il y a des gens compétents.