En Europe, 250 millions de logements sont à remettre au dernier standard en termes de consommations énergétiques et de confort thermique, afin de réduire leur part dans les émissions de CO2 (36 % à ce jour). Plusieurs experts européens de la question se sont réunis ce 15 mai 2019 à l’Assemblée nationale à l’initiative de la députée Marjolaine Meynier-Millefert, co-animatrice du Plan de rénovation énergétique des bâtiments, afin de démontrer que les questionnements étaient partagés entre tous les pays de l’Union.
Une lutte commune sur le point d’être perdue ?
Le docteur Yamina Saheb, analyste des politiques d’efficacité énergétique, expose d’emblée les enjeux : « La probabilité de limiter la hausse des températures globales à seulement +1,5 °C dépend largement de notre capacité à réduire les émissions de carbone de façon drastique d’ici à 2030 ! En manquant d’ambition, nous risquons de rater le coche et de manquer les objectifs de l’Accord de Paris ». Selon la spécialiste, le secteur du bâtiment pourrait relever le défi s’il s’affranchissait du modèle purement libéral. Elle estime que les politiques actuelles tueraient le gisement d’économies d’énergies : « Les mécanismes de financement de la rénovation sont une entrave à la rénovation globale. Les instruments politiques ne sont pas à la hauteur des enjeux ». Citant l’exemple du Passeport énergétique, proposé par certains acteurs en France et qui prévoit des rénovations par étapes, Yamina Saheb répond : « Ce serait comme mettre des dos d’ânes sur une autoroute ! ». Considérant qu’il s’agit de problématiques sociétales et environnementales, l’analyste souhaite une meilleure utilisation des fonds publics (14 milliards d’euros sont dépensés en France chaque année pour la rénovation, dont un tiers d’argent public) et plaide pour un Plan Marshall de niveau communautaire.
Brigitte Vu, experte en habitat auprès de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et techniques (Opecst), renchérit : « Les moyens ne manquent pas en France », rappelant que le budget de l’Agence nationale de l’habitat (Anah) a été accru de 9 % en 2019, pour friser les 875 millions d’euros. Pour elle, le frein se situerait au niveau de la formation des professionnels. D’où l’idée d’une industrialisation de la rénovation, afin de gagner en qualité par des contrôles en atelier, de diminuer la durée et les nuisances des chantiers, et de réaliser des économies d’échelle en faisant un bond dans la productivité. Un peu à l’image de ce qui a été fait aux Pays-Bas avec le programme « EnergieSprong ». Là-bas, les maisons individuelles groupées sont isolées par l’extérieur en une semaine et équipées de panneaux solaires afin de parvenir à une température de 21 °C toute l’année, avec une bonne qualité de l’air intérieur et un maintien de la performance garanti sur 30 ans. Le tout financé par les économies d’énergie réalisées.