Ouate de cellulose : la filière tire le signal d’alarme

Jérémy Becam
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Face à la baisse du pouvoir d’achat des Français due aux prix de l’énergie, de certaines aides, des Certificats d’Economies d’Energie (CEE) frappés par des mouvements spéculatifs, puis de l’inflation sur les matières premières et les produits, l'association européenne des fabricants de ouate de cellulose (ECIMA) dresse un constat alarmant pour l’avenir du secteur. Elle demande ainsi un Plan de sauvegarde de la filière de l’isolation de la part du gouvernement.

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Les semaines se suivent et l’inquiétude grandit pour le secteur de l’isolation des bâtiments. Dans un contexte économique et géopolitique incertain, alors que les prix du gaz et de l’électricité, améliorer la performance énergétique des bâtiments n’a jamais été aussi impératif. Il s’agit d’ailleurs de l’un des axes stratégiques du gouvernement, qui a inscrit en 2019 « l’urgence écologique et climatique » dans le code de l’énergie avec la loi énergie-climat, et que la loi dite Climat et Résilience, votée en 2021, définit l’isolation des murs, l’isolation des planchers bas, et l’isolation de la toiture comme trois des six postes de travaux prioritaires pour atteindre une rénovation énergétique dite « performante ».

Suite à la crise du Covid-19, le plan de relance décidé par le gouvernement a par ailleurs alloué une enveloppe de 6,7 milliards d’euros dédiée à la rénovation énergétique des bâtiments pour 2021-2022, prévoyant en parallèle la création de 55 000 emplois sur la même période. Pourtant, depuis septembre 2021, cet élan a été freiné voire inversé par la conjonction de la baisse du pouvoir d’achat due aux prix de l’énergie, de la baisse de certaines aides, de la baisse des Certificats d’Economies d’Energie (CEE) frappés par des mouvements spéculatifs, puis de l’inflation sur les matières premières et les produits.

Dans le détail, pour l'isolation des planchers bas, « la nouvelle prime au m2 est en moyenne de 4,73 euros, soit une baisse moyenne de 32 % », analyse Hellio, société délégataire de CEE. Pour l'isolation des murs, la nouvelle prime au m2 est en moyenne de 6,93 euros, soit une baisse moyenne de 33 % pour les logements chauffés à l'électricité, et de 58 % pour les autres logements. Le montant de l'aide pour l'isolation des toitures terrasses est aussi réduit de 26 % en moyenne, ajoute Hellio, soit 5,26 euros le m2. Enfin, pour l'isolation des réseaux d'eau chaude sanitaire ou calorifugeage, la nouvelle prime par mètre linéaire est en moyenne de 24,77 euros, soit une baisse de 21 %.

Les entreprises du secteur en grande difficulté

Dans un communiqué publié le 31 mai, l’association ECIMA, qui regroupe les principaux fabricants français de ouate de cellulose, s’inquiète de la situation de la filière de l’isolation dans ce contexte économique. « En 2022, le nombre de nouveaux chantiers d’isolation est en baisse car les Français n’ont plus les moyens d’effectuer ces travaux. Sous l’effet de la baisse des CEE, le « reste à charge » a trop augmenté, et beaucoup trop vite, notamment pour les ménages modestes, mais pas qu’eux », analyse-t-elle. En février dernier, l’ECIMA et les acteurs de l’isolation alertaient déjà sur la baisse historique de près de 50% des ventes de certains isolants, donc des chantiers d’isolation les utilisant.

Quelques mois plus tard, l’association estime que la situation empire notamment pour les entreprises de travaux d’isolation et leurs salariés. L’ECIMA estime que 10% à 20% d’entre elles ont été contraintes au dépôt de bilan et que plus de 50% des effectifs ont dû être licenciés. Le syndicat estime que si le marché, bloqué artificiellement par le cours du CEE historiquement bas, ne reprend pas en septembre, il ne subsistera en 2023 que 20% des effectifs de la profession.

« Il s’agit d’une perte catastrophique pour la filière, qui peine à recruter et à former du personnel à la fois qualifié et prêt à accepter la pénibilité du métier. Alors que la mise en place du label Reconnu Garant de l’Environnement (RGE) misait sur une montée en compétences des entreprises de pose, nous assistons aujourd’hui à une fuite irréversible des compétences. Pendant ce temps, les Français qui vivent dans des logements mal isolés continuent de voir leur facture de chauffage exploser », enchérit l’association représentant les professionnels de l’isolation par ouate de cellulose.

Un Plan de sauvegarde de la filière de l’isolation

L’ECIMA estime qu’il est urgent de réagir et de relancer la filière de l’isolation dès maintenant afin de favoriser les investissements de longue durée de la part des industriels du secteur et de permettre aux entreprises de pose de stabiliser leurs effectifs tout en maintenant le niveau de compétences.

Le Syndicat des fabricants de ouate de cellulose demande ainsi un entretien avec Agnès Pannier-Runacher, la nouvelle Ministre de la Transition Energétique puis la mise en place d’une commission de travail de 3 semaines débouchant sur un Plan de sauvegarde de la filière de l’isolation. « Face aux impératifs de transition écologique et d’indépendance énergétique, il va sans dire que l’isolation des bâtiments est incontournable et le sera de plus en plus à l’avenir. Les isolants biosourcés tels que la ouate de cellulose, mais aussi la fibre de bois ou encore le chanvre, sont les isolants de l’avenir, en ce sens qu’ils répondent particulièrement aux objectifs fixés par la RE2020 en termes de réduction carbone et de confort d’été. Autant d’arguments en faveur d’une relance active et immédiate de la filière de l’isolation », conclut l’ECIMA.

Jérémy Becam
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