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Sinistralité des balcons : faut-il aller vers un entretien obligatoire ?

Grégoire Noble
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[Zepros Bâti] La France compterait entre 10 et 15 millions de balcons. Des éléments architecturaux qui présentent parfois des défauts et constituent alors une menace pour les occupants du logement, leurs voisins ou les passants. L’AQC a publié la version complète – finalement validée par le Ministère – de son étude « Balcons : points de vigilance » à la fin de 2020. Son auteur, Jean-Pierre Thomas (Stelliant), fait le point sur les connaissances et les perspectives.

En octobre 2016, l’effondrement d’un balcon à Angers sous le poids d’une dizaine d’étudiants qui fêtaient une pendaison de crémaillère, avait fait quatre morts et plusieurs blessés. Dans la foulée de ce drame, l’Agence Qualité Construction avait été chargée de remettre au ministère du Logement un rapport faisant l’état de lieux des désordres observés sur les balcons afin de catégoriser les pathologies et de prendre, si nécessaire, des dispositions. Publié en novembre 2019, ce rapport rédigé par Jean-Pierre Thomas (expert des bétons et directeur technique adjoint d’Eurisk), a mis toute une année à être validé par la Direction de l’habitat, de l’urbanisme et des paysages. L’auteur nous explique : « Cette étude est basée sur la collecte volontaire de rapports d’expertise de garantie décennale. Environ 350 de ces rapports ont été transmis correspondant en fait à 200 dossiers différents dans 140 opérations ou immeubles construits sur les dernières 10 années. Compte tenu de cette période forcément proche de la réception des ouvrages, une veille a également été menée sur des problèmes rencontrés par des immeubles plus anciens, dont l’âge est supérieur à 30 ans, apportant des informations – qui ne sont pas des expertises – sur une centaine de cas supplémentaires ».

Que ressort-il de ces deux parties de l’étude ? Tout d’abord que 94 % des balcons sont réalisés en béton et qu’on les retrouve dans l’immense majorité des cas dans des immeubles de logement collectif. Ensuite, qu’il n’y a pas de région plus touchée qu’une autre par les désordres constatés, qu’il s’agisse de fissures, de chute de morceaux ou d’effondrement. « Les pathologies liées aux infiltrations et défauts d’étanchéité sont les premières à apparaître », résume l’expert. « Elles sont visibles au bout de 4 à 5 ans. Les atteintes à la solidité apparaissent ensuite, en 5 ou 6 ans, tout comme les dégradations de revêtements extérieurs ou des revêtements de sol (enduits, carrelages). Enfin, les problèmes de garde-corps devenus moins résistants, car descellés ou rouillés, se révèlent au bout de 6,5 années », énumère Jean-Pierre Thomas. Pour les balcons en bois, moins courants, les problèmes de solidité sont liés à la pérennité du matériau, susceptible de subir des attaques fongiques qui mettent, là aussi, 6 ans en moyenne à être mises en évidence. Exception notable : le cas de l'immeuble Ginko à Bordeaux, où un balcon s'était effondré en 2015, et où un mauvais positionnement des aciers avait été identifié comme cause principale.

L'eau stagnante, le principal ennemi du balcon

Généralement, les problèmes sont liés à la conception ou à la réalisation des balcons, qui ont tendance à piéger l’eau qui vient ensuite s’infiltrer vers l’intérieur. Une pente mal réglée ou nulle, peut être une cause minime aux effets dévastateurs. Les seuils doivent également être surveillés, en particulier s’ils ont été repris, si les ressauts ne sont pas suffisants ou si les joints ont été mal faits, entraînant là encore des soucis avec les eaux pluviales. Les désordres liés à la solidité restent rares et s’apparent à des flexions excessives ou à des fissurations. « On voit des défauts d’enrobage d’armatures qui, autrement, n’ont pas de souci de calcul ni d’insuffisance manifeste. Il y a également des erreurs au moment de l’enlèvement de l’étaiement, parfois trop rapide entraînant une flexion en phase chantier », poursuit l’auteur de l’étude pour qui, la surcharge des balcons n’est pas le problème principal mais un événement qui vient révéler des anomalies existantes. Il rappelle : « La charge en exploitation est normalement calculée pour 350 kg/m² ». Une pression rarement atteinte avec des fêtards ou des jardinières…

Jean-Pierre Thomas évoque d’autres problèmes apparus récemment : « Ils sont liés aux tendances architecturales, avec des porte-à-faux toujours plus importants et des épaisseurs de plus en plus minces. Ce qui induit une déformabilité accrue ». Concernant les rupteurs de ponts thermiques, apparus pour lutter contre le phénomène de déperdition de la chaleur des bâtiments vers l’extérieur, il note : « Ils exigent plus de vigilance, les entreprises sont donc plus scrupuleuses et on ne constate pas davantage de pathologies bien qu’en raison de leur nature hétérogène, ils puissent en théorie faciliter le cheminement de l’eau au cœur du matériau ». Un bon point pour les méthodes de construction contemporaines donc.

D'abord des préconisations professionnelles et un jour, l'entretien obligatoire ?

Mais que faudrait-il améliorer dans la situation actuelle pour éviter d’autres accidents ? « L’entretien des balcons est un problème : une fois livré, on ne s’en occupe plus. Un examen périodique pourrait être recommandé », souligne l’expert. Un texte réglementaire pourrait être proposé par les pouvoirs publics pour instaurer une visite obligatoire tous les 10 ou 15 ans, à l’occasion des interventions de rénovation des façades par exemple. « Ce cadre serait plus contraignant pour les propriétaires d’immeubles. Il pourrait instaurer différentes classes de conservation, à l’image de ce qui a été fait pour l’amiante friable », poursuit-il. « Mais ce n’est pas la tendance que semble suivre la France. Il y a d’autres priorités au sein du ministère », conclut Jean-Pierre Thomas. Face à cette inertie administrative, l’AQC prépare un autre volet : la publication d’un guide de recommandations, rédigé par et pour des professionnels (bureaux d’études, architectes, experts, assureurs), comportant des pistes pour un bon usage des ouvrages. Le spécialiste du béton prône un contrôle régulier des descentes d’eau pluviale, afin de s’assurer de sa bonne évacuation, et il recommande aux occupants d’alerter immédiatement leur syndic ou leur bailleur en cas de traces suspectes de rouille ou de fissures sur leur balcon. Une inspection pour rien sera moins préjudiciable qu’un effondrement partiel ou total. Ce dernier événement reste toutefois heureusement très rare en France, avec une dizaine de cas par an.

G.N.

Grégoire Noble
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