[Exclu] La REP PMCB "Irréaliste" et "insoutenable" : deux éco-organismes s'adressent à Matignon
Le 5 janvier, Valobat et Ecomaison, ont demandé à Matignon dans un courrier dont Zepros a pu prendre connaissance, un ajustement des modalités d'application de la filière REP PMCB. La FDMC au nom du négoce, a réagit le 29 janvier, en s'adressant à Gabriel Attal, pour que ses adhérents, dépendants du rythme d'action des éco-organismes, ne risquent pas de se voir sanctionner pour non-respect de la REP.
Les deux éco-organismes, Valobat et Ecomaison, par un courrier dont Zepros a pu prendre connaissance, demandent sans le formuler expressément, un ralentissement du calendrier des obligations qui leur sont faites ainsi qu’à celles qui incombent aux autres maillons. Ils invoquent précisément plusieurs disfonctionnements, liés pour certains aux textes réglementaires eux-mêmes, pour d’autres à des raisons économiques.
Dans l’ordre sont ainsi énumérés : une « trajectoire qui consiste en l’atteinte au bout de 18 mois d’un objectif de collecte de 53% sur les produits et matériaux de la catégorie 2 » qu’ils jugent « opérationnellement et économiquement inatteignable pour le secteur dans un délai aussi court » ; une « mise en place du maillage inefficiente », un « périmètre de la filière toujours pas stabilisé » ; enfin, « des obligations et des performances de collecte et recyclage différentes entre matériaux concurrents ». Quatre questions sur lesquels ils attendent de la part des Pouvoirs Publics, des ajustements, des correctifs, un nouveau calendrier et finalement de la compréhension.
"Progressivité" du calendrier
Sur le premier sujet, le courrier explique que la gestion des déchets des matériaux de la catégorie 2, prévue en 2024 à hauteur de 53% des volumes, fait peser sur les industriels concernés un coût de contribution parfois « supérieur à 5% du prix de vente » . Un poids que la conjoncture et l’inflation actuelles rendent encore plus insupportable. La progressivité de la montée en charge dont ont pu bénéficier d’autres filières REP est donc attendue.
Autre pierre d’achoppement, des règles du maillage « pas efficientes ». Une interrogation de taille, qui va plus loin qu’une simple adaptation du calendrier et appelle finalement à un véritable changement d’optique : « La mise en place de l’obligation de reprise pour les négoces et distributeurs de matériaux de plus de 4 000 m2 (vente et stockage) va conduire à un suréquipement de certaines zones industrielles et commerciales où sont concentrés plusieurs négoces et surfaces de bricolage et au détriment d’une offre de déchèteries professionnelles, préexistantes ou en projet, mieux adaptée à l’activité déchets et permettant l’amortissement des investissements sur des volumes plus importants. »
Rôle du négoce et déchetteries privées
Une demande qui peut paraître surprenante sur sa forme, comme sur le fond de la part des éco-organismes puisqu’elle relaie de fait les multiples prises de parole du négoce, en particulier celles de la FDMC (Fédération des distributeurs en matériaux de construction). Dès les débuts des discussions, les négoces s’étaient émus de cette orientation, jugeant déjà ce seuil inadapté. Après une première année de mise en application, Valobat et Ecomaison dressent désormais ce même constat et souhaiteraient que « les distributeurs soient autorisés à pouvoir déporter la reprise sur des points de collecte "déchèteries professionnelles" très proches dès lors que la gratuité du service est effective et la facilité d’accès pour l’artisan est satisfaisante. »
En conclusion de leur lettre, les cosignataires insistent sur la nécessité de « corriger les textes et de donner plus de progressivité, sans remettre en cause les objectifs fixés », bien sûr. Et de demander un rendez-vous « d’urgence »., mais, manque de chance, trois jours après l'envoi de cette lettre, le 5 janvier à Elisabeth Borne, celle-ci annonçait sa démission. Depuis, Gabriel Attal est arrivé à Matignon, et comme on peut raisonnablement le penser, sans doute juge-t-il plus urgent de régler d’autres dossiers brûlants.
A l'impossible, les négoces ne doivent pas être tenus
A l’impossible nul n’est tenu : la formule pourrait résumer la position de la FDMC et de ses adhérents, à la suite du courrier cosigné par Valobat et Ecomaison à l’attention du gouvernement. Directement concernés par certaines des demandes portées par les éco-organismes dans leur courrier, les distributeurs en matériaux de construction, à travers leur fédération, énoncent concrètement leurs difficultés à se mettre en règle étant dépendants des éco-organismes qui ne cachent plus leurs propres difficultés à appliquer les textes. Rappelant l’engagement du négoce, Marie Arnout, présidente de la FDMC, illustre la situation avec « la question des ressources et de la disponibilité des éco-organismes pour fournir les bennes et contenants appropriés », qui « se pose très factuellement et constitue tout simplement un sujet parmi d’autres qui empêche un distributeur de pouvoir se mettre en conformité ». La FDMC ajoute que cette pénurie pourrait même « créer un préjudice économique pour un distributeur si son voisin concurrent en était quant à lui équipé. »
Le retour du seuil des 10 000 m²
Le courrier revient aussi longuement sur la question des seuils de surface des points de reprise. « Le seuil de l’obligation de reprise, imposé aux distributeurs par voie réglementaire, de 4 000 m² (surface couvrant l’espace de vente et de stockage), va conduire à un « suréquipement » de certaines zones industrielles et commerciales, parfois même au préjudice de déchèteries professionnelles déjà existantes », rappelle la Fédération qui déplore de fait que « ce surdimensionnement de la REP PMCB aboutit, dans l’immédiat, à une faiblesse des flux de déchets collectés, constatée par nos adhérents, en contradiction totale avec les exigences démesurées du décret, à propos duquel nous avons toujours attiré l’attention des pouvoirs publics. ». Des flux faibles, qui ne compensent pas, loin de là, les investissements consentis par les négoces et « la disponibilité de foncier et de personnel exigés ».
Dans ce contexte particulièrement complexe, le négoce se trouve en manque de visibilité et remonte donc à l’offensive sur deux revendications : « un rehaussement du seuil de l’obligation de reprise à 10 000 m² ainsi que la possibilité de mutualiser ou de déporter la collecte dans un périmètre fixé par décret » d’une part, et d’autre part « une notion précise de la "proximité immédiate" du lieu de reprise pour la collecte qui fait l’objet de nombreux débats et ne doit pas être laissé à l’appréciation souveraine de tiers ».
La présidente, tout comme Valobat et Ecomaison, sollicite un rapide rendez-vous avec Matignon, afin de partager « nos solutions pour remédier aux difficultés et garantir la sécurité juridique de nos adhérents lorsque ceux-ci ne sont pas à même de remplir leurs obligations du fait de manquements ou de défauts indépendants de leur organisation. » Là encore les arbitrages dans le calendrier du Premier ministre risquent de ne pas être favorables.