Le mal logement fait des ravages en France
Inconfort estival et hivernal, surconsommations énergétiques, mauvaise qualité de l’air intérieur : le mal logement a de profonds impacts sur les Français. Des effets qui génèrent à leur tour des problèmes financiers et sanitaires. La Fondation Abbé Pierre et 22 autres organisations, se mobilisent ce 12 novembre pour la 4e journée nationale contre la précarité énergétique avec 160 événements et manifestations à travers le pays.
Selon Christophe Robert, délégué général de la Fondation Abbé Pierre, « La précarité augmente : la bombe sociale du logement a explosé ». Car le contexte a profondément évolué au cours des dernières années. Le prix de l’énergie a augmenté, ce qui aggrave la précarité des plus fragiles, la situation politique est instable, ce qui amène des risques pour certains dispositifs d’aide, et les indicateurs sont préoccupants notamment pour la production de logements, ce qui amène un blocage de la situation pour les occupants de passoires thermiques. Comme le rappelle le délégué général, la situation de précarité énergétique « concerne les trois premiers déciles de revenus, et c’est à la fois une cause et une conséquence de pauvreté », car l’effort financier pour réaliser des travaux – ou déménager – est trop important pour les ménages concernés.
La précarité énergétique touche environ 5,6 millions de foyers en France, soit 12 millions de personnes, en majorité des locataires de leur logement (60 %). Des personnes qui souffrent du froid en hiver (30 % en 2024, deux fois plus qu’en 2020) et du chaud en été : car une passoire est également une bouilloire, à cause de son manque d’isolation thermique. Autre indicateur de l’aggravation de la situation : le Médiateur de l’énergie révèle avoir enregistré plus de 1 million de coupures ou de réduction de la puissance d’énergie électrique ou gaz en 2024 (+50 % par rapport à 2019). Le bouclier tarifaire, s’il a atténué les effets de la hausse, n’a cependant pas totalement empêché les plus modestes de devoir encore baisser leurs thermostats. Les chiffres avancés par France Stratégie disent que plus de 10 000 décès par an seraient liés à l’inefficacité énergétique des logements. De son côté, Santé Publique France estime que la chaleur provoque elle aussi des décès dans les habitations inadaptées, dont 1 500 personnes pendant les épisodes caniculaires de 2023…
700 M€/an c'est l'économie qui serait réalisée en dépenses de santé si les passoires thermiques étaient éradiquées
Des pouvoirs publics qui traînent les pieds
Christophe Robert reprend : « Il y a urgence à agir, en améliorant la performance des logements, mais cela prend du temps. D’ici là, le chèque énergie aidera au règlement des dépenses énergétiques. Mais le montant reste faible à 150 €, et le plafond de ressources pour en bénéficier est très bas (moins de 11 k€/an pour une personne seule). Il faudrait élargir le nombre de bénéficiaires et tripler le montant du chèque. Mais le dispositif est menacé en 2025 ». D’autres dispositions seraient, elles aussi, sur la sellette : notamment l’interdiction de louer les biens classés « G » au DPE, qui pourrait être menacée par le Rassemblement National. Damien Barbosa, du collectif Rénovons ! souligne : « Il y aura -1,5 Mrd € pour la rénovation dans le budget 2025. Or la PPE prévoit que 600 000 logements soient rénovés de façon performante chaque année jusqu’en 2030. Il faut donc mettre les moyens pour parvenir à ces chiffres ». Selon lui, les incitations faites aux ménages pour entreprendre des travaux n’ont pas réglé les autres problèmes qui se posent : avances des frais, reste à charge, fraude… Deux solutions s’offrent aux pouvoirs publics, soit une augmentation des aides « à fond », soit l’adoption d’un nouveau système avec plus d’obligations, et notamment celle d’embarquer la performance énergétique lors des mutations de biens ou lors des travaux de ravalement de façades et de réfection de toitures.
Quoi qu’il en soit, la rénovation globale nécessitera d’importants investissements qu’il faudra mettre en regard des économies qu’ils engendreront : moins d’importation d’énergies fossiles, moins de CO2 et autres polluants émis dans l’atmosphère, moins de dépenses de santé et une diminution des inégalités. Pourtant, la Fondation Abbé Pierre note que le pouvoir « continue de procrastiner sur ce chantier, de façon irresponsable (…) Et ce sont les plus faibles qui paient ce manque de volonté politique ». Le délégué général conclut : « Il faut mettre en place un office national de lutte contre l’habitat indigne », seul moyen d’aider toutes les collectivités à identifier le bâti à rénover en priorité, les ménages à aider et les profiteurs à payer.