
Rénovation énergétique : vers un contrôle qui soutient la performance des pros

[TRIBUNE] Par Florence Lievyn, responsable des affaires publiques de Sonergia et présidente du Groupement des professionnels des certificats d'économies d'énergie (GPCEE).
Trop lents, trop flous, trop lourds. Voilà comment sont souvent perçus des contrôles dans le cadre des travaux de rénovation énergétique, et à juste titre. Est-il normal, en 2025, que des professionnels qui livrent des chantiers de qualité se retrouvent à attendre plusieurs semaines, voire plusieurs mois pour percevoir leurs primes ? Que l'on continue d'envoyer des contrôleurs sur des centaines de kilomètres, à grands frais, pour parfois… 20 minutes de contrôle plusieurs mois après la fin du chantier ?
La réponse est bien évidemment non. Et, bonne nouvelle : un changement de fond est en cours au travers de l'émergence du contrôle visuel à distance (CVAD). Ce nouveau mode de contrôle vient en effet d'être reconnu dans le Code de l'énergie à la suite de la loi du 29 juin 2025 de lutte contre la fraude à toutes les aides publiques. Il marque ainsi sa pleine entrée dans l'arsenal réglementaire du dispositif des CEE. Et ce n'est pas un hasard : ce mode de contrôle, innovant mais parfaitement opérationnel, coche toutes les cases pour répondre aux défis de notre secteur.
« Plusieurs opérateurs (Gotrust, Spekty, Certificall…) proposent depuis plusieurs mois cette prestation aux professionnels. »
Le CVAD n'est pas un projet ou une promesse : il est déjà une réalité de terrain. Plusieurs opérateurs (Gotrust, Spekty, Certificall…) proposent depuis plusieurs mois cette prestation aux professionnels. Ces solutions ont vu le jour avant même sa reconnaissance réglementaire, preuve d'une dynamique d'innovation issue du secteur lui-même.
Si le recours au CVAD relevait jusqu'ici de l'initiative privée, son encadrement et sa structuration sont désormais à l'agenda des pouvoirs publics. L'Ademe, dans le cadre du programme CEE PRODICEE, va piloter des travaux techniques et opérationnels pour sécuriser les modalités d'utilisation du CVAD, afin d'en garantir la qualité et l'interopérabilité dans les mois à venir.
Un contrôle pensé pour les pros, pas contre eux
Le principe du CVAD est aussi simple qu'efficace : l'artisan prend des photos et vidéos pendant le chantier, à des étapes clés, via une application sécurisée. Ces éléments sont horodatés, géolocalisés, impossibles à falsifier. Ils sont ensuite analysés à distance par un contrôleur qualifié, avec un retour sous 48h.
Cela change tout : plus besoin d'attendre des semaines pour valider un dossier ou corriger une anomalie. La réactivité devient la norme, et chacun gagne en confiance. L'artisan peut clôturer son chantier sereinement, le financeur libérer la prime en quelques jours et le client final être rassuré par un processus clair, documenté, traçable.
Certains acteurs, comme les financeurs CEE les plus exigeants, ont déjà adopté ce dispositif dans leur process pour sécuriser le paiement rapide des primes. Concrètement, cela signifie pour une entreprise artisanale de pouvoir être réglée en 3 jours, dès lors que le chantier est conforme, ce que le CVAD permet de vérifier quasi en temps réel.
Efficace, économique, écologique
Le CVAD n'est pas qu'un simple gain de temps ou de confort, c'est aussi un gain économique majeur : en moyenne, 30 € le contrôle contre 200 € en in situ. Une empreinte carbone divisée par 20, du fait de l'absence de déplacement sur le chantier, et - surtout - une fiabilité validée par des faits.
Une étude menée par le bureau de contrôle Cofrac Gotrust sur 50 chantiers testés en double contrôle (CVAD + in situ) a montré que 94 % des anomalies constatées sur place l'étaient déjà via les photos, et que 10 % des non-conformités n'étaient même visibles qu'à distance, car non accessibles a posteriori. Ce sont des chiffres qui parlent.
Mieux encore : sur plusieurs milliers de chantiers déjà traités via ce mode, on observe un taux de non-conformité de 34 %, supérieur à celui des contrôles classiques. Ce qui prouve que le CVAD ne relâche pas l'exigence : il la renforce.
Le CVAD, levier de confiance et de qualité
Certains pourraient encore y voir un gadget. Détrompez-vous. Le CVAD, quand il est bien conçu (application sécurisée, référentiel clair, contrôleurs formés), est un véritable outil métier, utile au professionnel. Il permet d'être alerté en direct sur une anomalie, de corriger immédiatement, et même de progresser au fil des chantiers. On pourrait presque parler de formation continue embarquée.
Plus encore, le CVAD permet de massifier les contrôles. Là où le contrôle in situ ne couvre que 10 à 15 % des chantiers, le CVAD ouvre la voie à un taux de contrôle de 100 %, sans saturer les plannings ni les budgets. C'est un changement d'échelle qui redonne du sens à la qualité dans la rénovation.
Un appel à saisir cette opportunité
Le CVAD n'est pas une tendance éphémère mais le futur du contrôle dans la rénovation énergétique. Il correspond à ce dont notre secteur a besoin : moins de paperasse, plus de transparence ; moins d'attente, plus de réactivité ; moins de soupçons, plus de confiance.
En tant qu'actrice de terrain chez Sonergia et présidente du Groupement des professionnels des CEE, je vois tous les jours à quel point ce type de solution change la vie des entreprises engagées. C'est pour elles, pour vous, que ce mode de contrôle a été pensé. Et c'est par vous qu'il se déploiera.
Alors, n'attendez pas que le CVAD devienne obligatoire pour vous y intéresser. Saisissez-le comme une chance. Car demain, ce ne seront plus seulement les chantiers qu'on voudra voir de près, mais aussi les professionnels qui auront fait le choix de la qualité sans attendre.
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