REP PMCB : le négoce déjà « dans le vif du sujet »

Stéphane Vigliandi
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12es "Rencontres du Négoce" de la FDMC.

Entre débat de fond et questions techniques, les 12es “Rendez-vous du Négoce” organisés par la FDMC ce 25 mai, ont confirmé au moins deux points. En plein démarrage opérationnel de la REP, les distributeurs sont tous d’ores et déjà en ordre de marche. Quant au maillage global des points de reprise, il ne sera complètement efficient que d’ici à 2025. Beaucoup d’aspects restent encore à éclaircir alors que l’écomodulation doit entrer en vigueur en janvier prochain.

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À sujet d’actualité complexe et aux multiples enjeux, modus operandi particulier ! Pour ses traditionnels “Rendez-vous du Négoce”, la FDMC (Fédération des distributeurs de matériaux de construction) aura choisi d’organiser les débats non pas d’un seul tenant, mais − pour la première fois − en deux séquences.

L’intitulé de la table ronde était certes succinct : “REP Bâtiment, dans le vif du sujet”. Mais ce dossier à tiroirs a nourri une pléiade d’interrogations tant chez les artisans et la distribution que du côté des éco-organismes. Si la Direction générale de la prévention des risques (DGPR), pourtant conviée par la FDMC, a brillé par son absence, tous les intervenants ont d’entrée de jeu dresser un constat positif et unanime.

Pour Arnaud Humbert Droz, le président de Valdélia, « le négoce est au rendez-vous de la REP PMCB [produits et matériaux de construction du bâtiment] contrairement à ce que craignaient certains », notamment les Pouvoirs publics, « même s’il y a encore des questions sur l’écocontribution ». Même son de cloche auprès de Dominique Mignon, son alter ego depuis plus de onze ans chez Écomaison.

« Parmi les différentes REP mises en œuvre depuis maintenant trente ans*, celle du Bâtiment est sans doute la plus complexe en nombre d’acteurs impliqués et au regard des volumes à traiter dont 80 % seront collectés par les réseaux de négoce », souligne-t-elle. Bien que le sujet suscite toujours des crispations et ait pris du retard, Dominique Mignon se dit « plutôt très optimiste » : enseignes et groupements ont entamé « un bon départ ».
* En France, la filière des emballages ménagers a créé la première REP (responsabilité élargie des producteurs) inscrite dans le code de l’Environnement depuis 1992.

Sur 42 millions de tonnes de déchets générés tous les ans par le secteur du Bâtiment, 75 % sont classés “inertes” (près de 35 millions de tonnes), 23 % (environ 10 Mt) sont considérés comme “dangereux non inertes” et 2 % sont dits “dangereux” dont l’amiante.
(Source : ministère de la Transition écologique)

Faire preuve de « tolérance »

Élu référent REP à la Capeb, Jean-Yves Labat reste pour sa part « plutôt mitigé sur le démarrage de la REP », mais « il n’y a pas trop de remontées négatives du terrain pour l’instant ». Avant de marteler que « nous allons devoir travailler tous ensemble pour développer les points de collecte », car « le compte n’y est pas », selon lui.

Citant l’exemple de son département landais, cet artisan plâtrier-plaquiste de Dax a recensé « seulement deux dépôts accueillant des déchets non inertes et neuf pour les inertes ». Arnaud Humbert Droz temporise : « Avec le report au 1er mai 2023, on débute à peine la première phase. Vis-à-vis du négoce, au cœur d’un dispositif qui se déploie, il faut faire preuve de tolérance ».

Pragmatique, Dominique Mignon rappelle pour sa part qu’« il a fallu presque dix ans pour assurer la montée en pleine capacité de la filière des emballages ménagers, tout comme celle de l’ameublement. La REP Bâtiment n’échappera pas à ce schéma de progressivité. Les sujets liés aux déchets inertes, aux panneaux vont être réglés. Nous n’avons pas besoin de l’État pour “surconstruire” la REP ! ».

« Aucune REP ne s’est mise en place simplement. Avec la REP PMCB, ça va presque vite ! »
Sylviane Oberlé, responsable Environnement et Développement durable à l’Association des maires de France (AMF)

Réponse du tac au tac de Sylviane Oberlé qui, elle, défend les intérêts des quelque 4 600 déchetteries composant le parc des collectivités territoriales : « Les collectivités attendent l’arrivée de cette filière REP avec une impatience non dissimulée pour répondre à la saturation des déchetteries publiques [en matière d’occupation (nombre de bennes), de possibilité d’adaptation de l’organisation, de temps passé par les gardiens pour le tri, etc.] », lache la responsable Environnement et Développement durable à l’Association des maires de France.

Leur position ? « Officiellement, les déchetteries publiques continuerons d’accepter les déchets professionnels en fonction de leurs capacités lorsqu’il n’existera pas d’alternative privée [dont les négoces] sur le territoire », assure Sylviane Oberlé.

Si les règles du jeu peuvent, a priori, sembler claires sur ce point, Cynthia Caroff, la présidente de la commission RSE et Développement durable à la FDMC, met cependant en garde car « les activités du négoce sont très contraintes sur le foncier d’autant que les tensions se sont accentuées avec la loi ZAN [Zéro artificialisation nette]. Il faut aussi gérer les sites de collecte en tant qu’ICPE (installations classées pour la protection de l’environnement). Mutualiser les points de collecte peut être l’une des réponses à cet impératif de sobriété sur le foncier ».

« Nous avons deux ans pour affiner et finaliser le maillage territorial des points de collecte de proximité. Ce sera fait localement avec toutes les parties prenantes. »
Hervé de Maistre, président de Valobat

Densité du maillage territorial

Parmi les interventions de la salle, il y a celle d’Éric Rouet. Le directeur général de VM Matériaux fait part de sa grille de lecture : « Nous avons 80 agences de plus de 4 000 m² à déployer sur un an. Comment va-t-on mutualiser ? La loi est la loi. Il n’y aura pas de tolérance de la part des collectivités locales ».

D’ailleurs, le critère des 4 000 m² reste un sérieux élément de crispation. La FDMC craint une surabondance de sites de reprise dont certains pourraient être pas ou que peu utilisés. Tandis que le gouvernement ne donne toujours aucun signal à ce sujet, la fédération continue de militer pour relever le seuil à 10 000 m².

Néanmoins, Dominique Mignon appelle à la vigilance car « le maillage territorial risquerait alors d’être potentiellement sous-dimensionné ». En aparté, le président de Valobat, Hervé de Maistre, estime, lui, que « les éco-organismes fonctionnent aujourd’hui comme s’ils étaient condamnés à s’entendre. L’Ocab va-t-il éviter, par exemple, le syndrome de la surdensité des points de collecte ? ».

Organisme coordonnateur de la REP PMCB, la société Ocab a été agréée jusqu’au 31 décembre 2024 − soit une période de deux ans − contre un peu plus de cinq ans pour les quatre éco-organismes de la filière agréés d’octobre 2022 au 31 décembre 2027.

« Quand nous parlons d’économie circulaire, nous ne pouvons plus raisonner en silos. S’il ne faut pas chercher à densifier au-delà du raisonnable, la filière doit arriver à coconstruire le plus vite possible des solutions intelligentes. »
Nathanaël Cornet Philippe, délégué général du SEDDre (Syndicat des entreprises de déconstruction, dépollution et recyclage)

Matériaux à double usage Bâtiment-TP

Chez Écominéro qui s’est associé à Valdélia, son directeur Mathieu Hiblot admet qu’il va falloir « trouver des solutions adaptées car, dans la filière des déchets minéraux, nous ne sommes pas sur de gros volumes ». L’éco-organisme revendique à ce jour un taux de valorisation des déchets (catégorie 1) de 76 %. Objectif en 2028 : 90 % de revalorisation.

Parmi les autres irritants, Jean-Christophe Louvet, président de la commission Développement durable à la FNTP, a évoqué le cas des enrobés assujettis à l’écocontribution pour certaines applications, alors que les sociétés de TP − déjà engagées dans le recyclage − sont en principe exclues de la REP.

« Si un produit mis en œuvre sur un chantier de travaux publics n’est pas concerné, il y a pourtant des produits à double usage Bâtiment-TP. Il faudra trouver des solutions qui seront sans doute un peu complexes à mettre en œuvre », reconnaît Hervé de Maistre.

Dans la foulée, le président de Valobat a annoncé que les quatre éco-organismes vont prochainement présenté quatre scénarios communs sur lesquels FDMC et FNTP devront se positionner en vue de parvenir à un accord.

Magasiniers et chefs de cours aux avant-postes

En attendant, Jean-Yves Labat concède volontiers que « le négoce matériaux aura un impact important en termes de recyclage, de réemploi et de décarbonation pour toute la filière ». Avec « des besoins de formation importants notamment à destination des magasiniers et chefs de cours en contact direct avec les artisans », complète Cynthia Caroff.

Au sein des agences, ces deux profils sont même amenés à endosser l’habit de « gardiens des déchets du Bâtiment ». Si la REP peut contribuer à valoriser leur fonction, Jean-Yves Burgy, directeur de Recovering, porte une attention toute particulière sur la qualité des tris par le négoce. « Sinon il risque d’y avoir des non-conformités par rapport aux cahiers des charges des éco-organismes », prévient-il.

À cet égard, Marie Arnout, la présidente de la FDMC, a d’ailleurs indiqué qu’« un très gros travail de la commission sociale de la fédération va être mené vis-à-vis, notamment, des équipes concernées ».

Pas d’arrondi pour l’écocontribution

Traçabilité et bordereaux de suivi des déchets (BSD), barèmes, gestion des demandes d’exonération de l’écoparticipation, etc. : la seconde séquence de la table ronde aura souvent suscité plus de questions qu’elle n’aura pu apporter de certitudes. Pourtant Cynthia Caroff a insisté, entre autres, sur « le besoin rapide de réponses sur la mise en œuvre pratique de l’écocontribution ».

Hervé de Maistre en convient : « Il n’y a pas encore assez d’accompagnement sur la facturation de l’écoparticipation ». À propos de l’application des barèmes, par exemple, le mot d’ordre est de « ne pas appliquer la règle de l’arrondi » pour un principe d’équité territoriale vis-à-vis des artisans. Reste que, comme l’a souligné la présidente de la FDMC, « l’écocontribution demeure un coût à la charge des distributeurs dans un contexte d’inflation et de baisse d’activité dans le neuf ».

Sur le fond, Arnaud Humbert Droz questionne : « La REP : casse-pied ou opportunité de nouveaux business ? ». Selon lui, « on ne peut pas demander aux éco-organismes de tout régler. La reprise des déchets est un élément concurrentiel qu’un négoce doit prendre en compte ». Quoi qu’il en soit, les négoces sont bel et bien au cœur d’un dispositif en train de s’installer. Et « au cœur de la révolution écologique », selon la formule de Marie Arnout.

Les réactions de Marie Arnout, présidente de la FDMC

« Le négoce est très volontaire sur le réemploi et la décarbonation du bâtiment. Nous sommes des commerçants, la banque de nos clients. Nous avons des métiers avec beaucoup de manutention, de conseils. Le négoce sera de toute façon un acteur incontournable de la REP.

Or il y a aussi les questions liées aux ERP pour intégrer l’écoparticipation dans les factures, celles portant sur les litiges relatifs aux impayés, sur le foncier, la formation des équipes et les risques. C’est pour nous aussi !

Sur le sujet des matériaux à double usage Bâtiment-TP, nous devons trouver une solution d’urgence. Quant au maillage des points de reprise, ça reste une interrogation pour le négoce et les éco-organismes. »

Stéphane Vigliandi
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