Aller plus loin dans la rénovation c’est transformer et adapter le bâti
[Zepros Bâti] La massification du marché de la rénovation est en cours : l’Anah aidera 800 000 projets en 2021, soit près de 10 fois plus qu’en 2019. Le pari du volume étant atteint, la ministre du Logement souhaite aller plus loin, et s’interroge sur les impulsions à donner dans l’adaptation au vieillissement, aux changements d’usage des immeubles de bureaux et à la modularité du bâti en général. De nouvelles aides sont en préparation.
L’amélioration du parc existant va aller plus loin que la seule performance thermique. On le savait déjà en observant la direction prise pour la prochaine réglementation environnementale des bâtiments neufs (RE 2020) qui tiendra compte de l’empreinte environnementale et du confort estival de l’habitat. De la même façon, la rénovation devra intégrer ces éléments pour faire évoluer le bâti dans le bon sens. Emmanuelle Wargon, la ministre en charge du Logement, organisait ce 13 septembre 2021 une table ronde autour de ces questions de transformation des biens, de modularité des constructions (réversibilité) et d’adaptation aux nouveaux usages. Elle explique : « Sur la rénovation énergétique, qui est aujourd’hui massifiée, il faut accompagner tous les projets d’amélioration de l’habitat, jusqu’à l’échelle du bâtiment entier voire du quartier, avec la question du confort ».
Pour l’exécutif, il est important de passer des rénovations geste par geste aux rénovations globales, les plus ambitieuses. « L’accompagnement arrive en 2022. Il sera développé sous forme de Prêt Avance Rénovation pour régler le problème du reste à charge, avec un remboursement au moment de la mutation du bien. Il faut donc aller plus loin sur la qualité de ces biens », précise la ministre. Ce prêt hypothécaire constituera une réponse dans le cadre de l’éradication des passoires thermiques (classes « F » et « G » du Diagnostic de performance), qui nécessitent d’importants budgets de travaux. Pour les copropriétés, l’extension de la construction, par le biais d’une surélévation à commercialiser, permettra là aussi de rentabiliser une intervention d’ampleur, embarquant à la fois l’esthétique et la performance thermique. La Capeb tempère légèrement en souhaitant que ne soient pas opposées les deux approches – rénovation par geste et rénovation globale – mais que des parcours soient établis pour permettre d’atteindre les objectifs en plusieurs étapes, sans décourager les occupants d’un logement face à l’importance du chantier…
Arrêter de démolir pour reconstruire, réutiliser si possible
Autre piste évoquée, celle du changement d’usage des bâtiments, notamment tertiaires. Stéphanie Dupuy-Lyon, directrice générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature au ministère, expose : « Aujourd’hui, la transformation de bureaux en logements représente un flux stable d’environ 350 000 m²/an, ce qui contribue donc à ~1,35 % des logements autorisés chaque année. Il existe de fortes disparités géographiques, selon les actions volontaristes dans les territoires. Mais c’est un phénomène métropolitain, à Paris, à Poitiers, Strasbourg, Reims ou Clermont-Ferrand. La tendance pourrait s’accélérer avec le développement du télétravail et un potentiel excès de bureaux, notamment en Île-de-France où 3,3 millions de m² seraient concernés. La contribution des transformations dans les nouveaux logements pourrait ainsi monter à 4 % ». Un axe intéressant, selon Emmanuelle Wargon, qui promet que les ministères étudieront notamment le parc de l’Etat, pour envisager des transformations. La ministre souhaite lever les barrières fiscales et réglementaires existantes au changement d’usage, notamment en aidant les collectivités territoriales qui espéraient peut-être des recettes fiscales liées à l’activité des bureaux, plutôt que des impératifs sociaux liés à de nouveaux résidents. Alexandre Chirier, le président d’Action Logement, souligne ce « challenge sur l’acceptabilité des territoires pour transformer l’existant et éviter les déconstructions », qu’il s’agisse de code de l’urbanisme ou de fiscalité locale. Son confrère du Plan Bâtiment Durable, Philippe Pelletier, note que « l’obsolescence des bureaux existants va s’accélérer et le décret tertiaire va amener à s’interroger sur les travaux, d’autant que la capacité à démolir va diminuer ». Ce spécialiste de la question recommande de ne pas ajouter d’exigences nouvelles, notamment en termes de logements sociaux, dans les immeubles en reconversion.
Dernier point, celui de l’industrialisation et de l’innovation dans les technologies de (re)construction. Les architectes présents à la table ronde mettent en avant le concept de « façade augmentée », une parois épaisse intégrant l’isolation thermique et acoustique, mais aussi les réseaux, afin de dégager les espaces intérieurs et mieux les éclairer grâce à de grandes baies vitrées. Ils souhaitent une évolution des règles d’urbanisme sur les alignements ainsi qu’une réflexion générale sur les matériaux biosourcés et les techniques de mise en œuvre, afin qu’elles s’automatisent ou soit remises au goût du jour. L’approche EnergieSprong, représentée en France par Sébastien Delpont, correspond exactement à cette thématique, en industrialisant la rénovation énergétique au moyen de solutions efficaces et peu chères. Ce dernier cite l’impression 3D de terre crue, la robotisation des ateliers de charpente ou la division par deux du prix des biosourcés. Quoi qu’il en soit, la construction va devoir apprendre à être réversible, facilement et économiquement, car la démolition-reconstruction n’aura plus sa place dans le "monde d’après".
G.N.
Une aide « MaPrimeAdapt' » en préparation ?
Emmanuelle Wargon a confirmé que le gouvernement travaillait à la création d'une nouvelle aide, unifiant celles de l'Agence nationale de l'habitat (Anah), d'Action Logement et de la Caisse des Allocations Familiales (CAF), pour l'adaptation des logements au maintien à domicile des personnes âgées ou handicapées. La ministre explique : "Nous réfléchissons à la coordination des critères et des montants. Il faut que tout soit mis en cohérence". Sur le calendrier, pas encore de date avancée : "Peut-être l'an prochain, mais ce n'est pas sûr", conclut la ministre en charge du Logement.