Comment réussir une rénovation performante « par étapes » ?
[Zepros Bâti] Si la rénovation globale d’une maison individuelle est préférable pour atteindre rapidement la performance BBC visée, elle n’est pas toujours envisageable pour des raisons de coût ou de relogement pendant les travaux. C’est pourquoi des rénovations partielles sont menées. Mais elles ne permettent pas toujours de faire descendre suffisamment les consommations. L’Ademe, avec Dorémi et Enertech, livre une étude sur « les conditions nécessaires » d’une rénovation performante par étapes.
La France est engagée sur une trajectoire de neutralité carbone à l’horizon de 2050 qui l’oblige à rénover massivement le parc de logements. Son ambition : que toutes les maisons individuelles atteignent le niveau Bâtiment Basse Consommation (BBC) dans les 30 ans qui viennent, ceci grâce à des rénovations énergétiques performantes. Or, la tendance actuelle – révélée par l’enquête Tremi de 2016-2017 – montre que les ménages français entreprennent des travaux isolés, geste par geste, qui ne permettent pas de changer de classe de DPE.
Selon l’Ademe, qui a lancé une étude sur le sujet avec Dorémi et Enertech, ces rénovations partielles qui juxtaposent des travaux différents pourraient même « conduire à créer ou renforcer des désordres sur le bâti, avec impact possible sur le confort, voire la santé des habitants ». La simple addition d’interventions « BBC compatibles » ne serait donc pas souhaitable sans une vision globale de ce que sera effectivement le parcours de rénovation complet. Pour les maisons individuelles de plus de 40 ans, « un parcours de rénovation performante comprend nécessairement six postes de travaux : isolation des murs, de la toiture, du plancher bas, remplacement des menuiseries extérieures, systèmes de ventilation et de chauffage/eau chaude sanitaire ». L’ordonnancement de ces travaux est même crucial pour le bon fonctionnement des systèmes de production de chaleur. La première étape devra préférentiellement porter sur l’isolation et la ventilation, afin d’éviter des pathologies et le surdimensionnement ultérieur du chauffage, qui grèverait sa performance. L’étude souligne également l’importance majeure des interfaces entre postes de travaux « afin de disposer d’une continuité de l’isolation, de la barrière freine-vapeur et de l’étanchéité à l’air ».
Multiplier les étapes c’est multiplier les risques de ne pas atteindre l’objectif
Si les experts notent que six postes existent, ils affirment également que la performance doit être atteinte le plus rapidement possible, en une à trois étapes seulement. Les chiffres démontrent « que l’atteinte du niveau BBC rénovation ou équivalent, à terme par des parcours de quatre étapes de travaux ou plus, à un coût acceptable et d’ici à 2050, semble peu réaliste (…) La probabilité d’atteindre la performance décroît avec l’augmentation du nombre d’étapes ». Une recommandation qui oblige à la cohérence et à la coordination sous l’autorité d’un maître d’œuvre, d’un architecte, d’un groupement d’entreprises ou d’un contractant général. « Les conditions de réussite pour atteindre la performance par étapes relèvent de considérations techniques, pédagogiques, économiques, financières, également sociales (accompagnement des ménages). L’étude met en exergue le besoin de préconisations techniques pour l’ensemble des cas de figures pratiques rencontrées sur le terrain », aussi bien pour les particuliers commanditaires des travaux que pour les entreprises intervenantes.
Autre enseignement, il apparaît que l’intégration des énergies renouvelables « est souhaitable et même parfois nécessaire afin d’atteindre le niveau de performance visé, notamment pour le chauffage (poêle ou chaudière bois, PAC, chauffe-eau solaire) dans les parcours en trois étapes ou moins ». Une fois encore, les rénovations au plus long cours s’avèrent moins efficaces : « L’amélioration du bilan d’un parcours en quatre étapes ou plus, avec l’intégration d’EnR est envisageable d’un point de vue strictement énergétique, mais le nombre important d’étapes génère des risques pour la santé des occupants (dans le cas du report de la ventilation), des sources de pathologies (humidité dans les parois) et/ou des sensations d’inconfort pour les utilisateurs (ponts thermiques) ». Les auteurs de l’étude ajoutent : « L’augmentation des températures de consigne résultant du non-traitement des interfaces risque même d’annuler les économies d’énergie générées grâce aux renouvelables ». Ils concluent enfin que le coût d’un parcours comportant quatre étapes ou davantage, avec des solutions EnR venant en sus, « dépasse celui d’un parcours en une seule étape ».
La rénovation BBC par étapes reste donc possible, à condition d’être pensée dans son ensemble. A cette condition, elle pourrait être encouragée via des aides financières incitatives pour les travaux mais également pour les missions de conception et de coordination des chantiers. L’Ademe signale que les récentes évolutions de MaPrimeRénov’ et des « Coups de pouce » (ces derniers financés par les Certificats d’économies d’énergie) allaient dans ce sens. L’aide d’état, désormais accessible à l’ensemble des propriétaires et copropriétaires, sans conditions de revenus, favorise les rénovations globales les plus ambitieuses écologiquement (gain énergétique >55 %) par l’octroi d’un bonus, ainsi que pour la sortie du statut de « passoire thermique » (étiquette DPE « F » ou « G »).
G.N.
Le contre-exemple de travaux séquentiels ratés
Un ménage modeste habite une maison individuelle datant des années 1960, chauffée au fioul. Non isolée, cette maison est donc classée "G" au Diagnostic de performance énergétique.
Conscient de l'énormité de sa facture énergétique (3 450 €/an pour chauffage, eau chaude sanitaire et électricité, abonnements compris), le ménage contacte un artisan qui leur propose une PAC air/eau en replacement de leur chaudière au fioul et du ballon électrique. Cette machine double service non modulante de 20 kW est proposée à 13 000 € TTC. L'intervention bénéficie de diverses aides MaPrimeRénov' et CEE. Cependant, le reste à charge est tout de même de 6 000 €. Le couple mobilise donc un EcoPrêt à taux zéro afin de financer cette somme sans mobiliser de fonds propres. Bonne nouvelle, leur facture descend à 2 150 €/an (soit 1 300 € d'économies annuelles).
Dans les années suivantes, ils sont contactés par d'autres entreprises qui proposent l'isolation des combles ou du plancher bas à 1 €. Des travaux qui sont réalisés, permettant de ramener encore la facture d'énergie à 1 800 €/an, avec un temps de retour sur investissement instantané. Jusque là, tout va bien.
Mais, quelques temps plus tard, le ménage décide de changer ses menuiseries extérieures vieillissantes. Un artisan leur propose du double vitrage ainsi que le remplacement de leur porte d'entrée pour 7 400 € TTC. Malgré diverses aides (MaPrimeRénov' et CEE), le reste à charge est cette fois de 6 300 €. Or, l'Eco-PTZ n'est plus disponible puisque déjà mobilisé 5 ans auparavant. Le ménage choisit tout de même de régler seul le montant des travaux. Au bout de quelques mois, des moisissures apparaissent au-dessus de la douche. Après avoir questionné un spécialiste, le ménage apprend qu'avec une maison plus étanche à l'air, il devient nécessaire d'installer une ventilation mécanique. En urgence, il fait poser une VMC hygroréglable contre 1 200 € TTC. Les CEE n'apportent cette fois que 100 € et c'est 1 100 € qu'il leur faut débourser. La facture énergétique annuelle ne baissera que peu. Le ménage se montrera méfiant vis à vis de la rénovation en raison de la pathologie subie, non anticipée.
Leurs voisins, qui occupent une maison similaire ont, pour leur part, opté pour une rénovation complète d'un budget conséquent de 55 000 €, en grande partie financé par des aides (27 300 € de MaPrimeRénov' et de CEE). Le montant restant sera apporté par un Eco-PTZ de 28 200 €. Aucun apport personnel n'a été nécessaire. Ici, la facture énergétique a été divisée par six (seulement 600 €/an) ce qui compense largement les mensualités de remboursement du prêt (2 000 €/an).
Le ménage modeste se renseigne alors pour faire poser une ITE comme leurs voisins. Mais le devis s'élève à 19 500 €. Les aides publiques et privées viennent atténuer cette addition à 11 000 € mais, toujours sans Eco-PTZ, il lui est impossible de passer aux actes. D'autant que la PAC, surdimensionnée, devrait être remplacée elle aussi... Ils ne se lanceront pas dans les travaux et continueront à dépenser 1 800 €/an, soit 3 fois plus que leurs voisins plus prévoyants...