[1/2] Parité, Diversité & Inclusion : lʼavenir durable des entreprises
S’adapter à la diversité des salarié.e.s, être à leur écoute, gommer les différences, les former et les sensibiliser pour casser les stéréotypes, voire bannir les tabous… La profession est désormais entrée dans un véritable cercle vertueux, tant chez les intégrés que les indépendants.
Parité, diversité, inclusion et égalité ! Ce pourrait être l’un des slogans du prochain locataire de l’Élysée. Depuis une décennie, les enjeux autour de la parité, de la diversité et de l’inclusion s’inscrivent au carrefour de la stratégie business, RSE et RH des entreprises.
Numéro un européen et numéro quatre mondial, Loxam en a fait un avantage pour poursuivre son développement tant en France, qu’à l’international. Le loueur hexagonal met en avant trois leviers vertueux : favoriser l’innovation, renforcer l’interculturalité et créer une dynamique positive dans une démarche de société citoyenne.
« En tant que leader sur notre marché, nous devons être une entreprise pionnière en nous appuyant sur des collaborateurs d’âge, de genre, de milieux, d’origine et de culture différents. Il est donc très important d’ouvrir nos équipes à ces différences qui font notre force et ne pas avoir uniquement des salariés issus d’un même pays ou d’une même région », analyse Nicolas Jonville, le DRH du groupe dont la stature internationale lui « impose un devoir vis-à-vis de la société, mais aussi une responsabilité : celle de montrer l’exemple ».
« S’il existe encore des écarts de salaires entre femmes et hommes, les DRH de l’ensemble des enseignes de SGDB France travaillent d’arrache-pied depuis plus de cinq ans pour qu’à compétence égale les salaires sont identiques », concède Emmanuel Boulineau, le DRH de Point.P.
Enjeux transversaux
Filiale sanitaire-chauffage de Saint-Gobain Distribution Bâtiment France (SGDB France), DSC va encore plus loin avec sa démarche baptisée “Préférence 2025” : une vision partagée de l’entreprise où la stratégie est construite avec l’ensemble des collaborateurs. « Ces démarches d’inclusion et de diversité répondent à un triple objectif », rappelle Arnaud Rouilleris qui pilote les RH. Tout d’abord, il s’agit de séduire, puis de retenir les talents alors que les tensions restent très vives dans les bassins d’emploi.
Reste que « la diversité est le moteur de la créativité et de la performance d’une entreprise. Les deux autres objectifs sont de répondre aux attentes et aspirations fortes de nos équipes autour de ces sujets de diversité et d’inclusion et de renforcer l’épanouissement, l’engagement et la performance des équipes par un environnement de travail plus inclusif au sein duquel chacun trouve sa place », argumente le DRH de DSC. Réunissant les enseignes Cédéo, Clim+ et CDL Élec, DSC revendique « faire partie des entreprises les plus vertueuses de France avec un indice de 98/100 (en hause de 5 points par rapport à 2020) ».
De son côté, le leader de la distribution Bâtiment, Point.P, œuvre de concert avec le cabinet parisien LB Développement positionné depuis plus de seize ans dans le conseil RH sur le champ Handicap. Parmi ses clients ? Des acteurs du BTP tels que Cemex, Eiffage, Schneider Electric, Sita (filiale de Suez), mais également des enseignes BtoC comme Boulanger, Conforama et Monoprix. « Jusqu’en 2021, Point.P recrutait une promotion par an de personnes présentant un handicap [visible ou non]. Aujourd’hui, ce sont trois promos annuelles sans connaître lors des entretiens d’embauche le handicap des candidats », confie Emmanuel Boulineau.
Source d’innovations
À l’Association française des managers de la diversité (AFMD), on estime pourtant que « la mission des responsables diversité est complexe et exigeante. Si chaque politique diversité doit être pensée en accord avec les spécificités de l’organisation, le partage de connaissances et d’expériences sur ces sujets est indéniablement une source d’innovation et d’efficacité, et un gain de temps ».
Reste que ce que certains appellent le “néomanagement” ne se résume pas à la lutte contre la discrimination. Il couvre des enjeux plus larges et transversaux. Pour le DRH de Loxam, « la diversité est l’un des trois piliers de notre politique en plus de la gestion de nos talents et de la qualité de vie au travail. Son enjeu se décline en quatre volets : hommes et femmes, jeunes et seniors, les origines différentes, enfin le handicap et l’inclusion. Pour ces quatre volets, nous avons pris des engagements, définit des plans d’action, des statistiques et signé des accords avec les partenaires sociaux », détaille Nicolas Jonville.
Sujet éminemment politique, les signes extérieurs d’appartenance à une religion font régulièrement – à tord – la “une” des médias. Chez Point.P, son DRH rappelle que « le fait religieux ne pose aucun problème majeur. Les chef.fe.s d’équipe s’adaptent en bonne intelligence avec leurs équipes, y compris à propos des repas ». Par exemple, les plats à base de porc sont remplacés par d’autres viandes et, désormais, les salarié.e.s qui le souhaitent peuvent bénéficier d’une alimentation.
Tous ces sujets seront analysés, décortiqués et mis en perspective à l’occasion des troisièmes Assises de la Parité fin juin. Autant de leviers d’attractivité, sans doute, dans un climat de guerre des talents – jeunes et seniors. Dossier réalisé par Jérémy Becam et Stéphane Vigliandi
Parité, diversité et inclusion • Chiffres-clés
• 75 % des entreprises jugent être dans une démarche inclusive (tous secteurs confondus)
• 48 % des Français seulement avouent que des solutions ont été mises en place pour répondre aux problèmes d’inclusion
• 19 % des personnes en situation de handicap au chômage (10 % pour l’ensemble de la population active)
• 8 femmes sur 10 s’estiment régulièrement confrontées à des attitudes ou décisions sexistes au travail.
• 90 à 95 % des autistes ne disposent pas d’un emploi.
• 200 à 1 500 € C’est le coût annuel de la signature de la charte de la diversité selon la taille de l’entreprise.
(Source : Génie des Lieux, EY France, Insee, ministère Santé & Solidarités, Canva-Talentéo, AFMD)
AVIS D'EXPERTE • « Inclusion et diversité, leviers de performance »
Alvine Tremoulet, responsable Diversité, Équité & Inclusion pour l’Europe chez Pfizer
Des notions plurielles • Diversité et inclusion (D&I) peuvent être visibles comme le genre, la couleur de peau, l’âge ou invisibles comme la personnalité (introverti, extraverti), l’orientation sexuelle, l’origine socioculturelle, la religion ou le parcours scolaire. Certaines caractéristiques comme le handicap peuvent être visibles et… invisibles. Une entreprise doit avoir dans son organisation des talents avec ces différences visibles ou non pour être le reflet de ses clients ou de ses parties prenantes. L’inclusion, elle, consiste à prendre en compte et valoriser ces particularités. Les deux notions sont complémentaires, mais ne désignent pas la même chose. Une entreprise peut promouvoir la diversité sans pour autant favoriser l’inclusion. La diversité c’est la quantité, l’inclusion la qualité !
Rôle majeur de la D&I • Elle permet clairement de répondre aux enjeux stratégiques de l’entreprise en s’appuyant sur la richesse des origines, des parcours, des idées de chacun sans a priori. En favorisant les échanges entre salarié.e.s et leurs contributions, cela crée de la valeur et de l’innovation, redonne du sens au travail, enrichit les missions des individus et des équipes. L’entreprise a besoin de collaborateurs et collaboratrices avec des parcours professionnels et de vie différents. Certaines sociétés ont déjà intégré ces notions qui font partie de leur stratégie et les incorporent dans une politique RSE ou RH. Il n’est d’ailleurs plus rare de voir la création de directions, départements ou fonctions D&I en entreprise : leur rôle en termes d’enjeux de société est… majeur.
« Les entreprises n’ont pas toutes les mêmes moyens, mais chacune doit prendre conscience des sujets de D&I et de leur valeur ajoutée. »
Devenir acteur inclusif • Pour les dirigeants, la culture d’entreprise est le socle permettant à la D&I d’éclore véritablement. Si tous les sujets ne peuvent pas être réglés en même temps, il faut savoir choisir ses batailles, procéder étape par étape selon les enjeux stratégiques de l’entreprise. L’une peut viser la parité femmes-hommes, une autre, faciliter le recrutement des personnes en situation de handicap, une autre encore accroître la représentation de talents issus de milieux sociaux sous-représentés ou sous-estimés. À propos du handicap par exemple, la DRH doit veiller à sensibiliser équipes, managers et dirigeants sur ces différents cas de figure. Les salarié.e.s doivent se sentir suffisamment en sécurité pour pouvoir dévoiler, le cas échéant, leur handicap sur le lieu de travail et, ainsi, bénéficier d’un suivi particulier et/ou d’aménagements spécifiques de leur poste pour plus d’équité.
Volonté et maturité • L’entreprise inclusive sait s’adapter à ses collaborateurs et, surtout, est à leur écoute. La première étape porte sur la sensibilisation et la pédagogie en interne, voire en externe [fournisseurs, parties prenantes…]. Ensuite, il s’agit de s’assurer d’offrir les mêmes opportunités de développement pour chacun.e : quelle que soit sa taille, toute entreprise peut le faire ! À partir du moment où vous dirigez des personnes, par nature différentes, il faut instaurer une politique D&I. La filière du BTP n’échappe pas à la règle avec des milieux socioprofessionnels et origines variés selon les métiers. Propos recueillis par Jérémy Bécam
AVIS D’EXPERT • « Le plafond de verre a été brisé »
Nicolas Jonville, Directeur des Ressources Humaines chez Loxam
La diversité comme moteur. Les enjeux autour de la diversité et de l’inclusion doivent et sont inscrits dans notre Groupe au croisement de la stratégie Business, RSE et RH. La diversité est un atout dans le développement de notre groupe pour trois raisons. Tout d’abord, elle favorise l’innovation. En tant que leader sur notre marché, nous devons être une entreprise pionnière en nous appuyant sur des collaborateurs d’âges, de genres, de milieux, d’origines et de cultures différents. Ensuite, la diversité renforce l’interculturalité. Il est très important d’ouvrir nos équipes à ces différences qui font notre force et ne pas avoir uniquement des salariés issus d’un même pays ou d’une même région. Enfin, cela permet de créer une dynamique positive dans une démarche d’entreprise citoyenne. La taille de notre groupe nous impose un devoir vis-à-vis de la société. En qualité d’acteur majeur du secteur, nous avons aussi une responsabilité : celle de montrer l’exemple. La diversité est donc l’un des trois piliers de la politique RH de Loxam en plus de la gestion de nos talents et de la qualité de vie au travail.
Des résultats significatifs. Sur le volet homme/femme, sur les 7 dernières années, le nombre de femmes a augmenté de 44% contre 18% pour les hommes. Depuis plus de 5 ans, nous embauchons et promouvons proportionnellement plus de femmes que d’hommes. Actuellement, nous avons le même pourcentage de cadres peu importe le sexe. Le plafond de verre pour accéder à des postes de management à responsabilité a été brisé. Nous avons également pris des engagements vis-à-vis des jeunes et des seniors. Lors des 7 dernières années, Loxam a doublé le pourcentage de jeunes de moins de 25 ans dans l’entreprise et triplé le pourcentage de jeunes en alternance. Partout en France, nous avons mis en place des partenariats avec des lycées et des collèges pour intégrer la nouvelle génération et lui offrir des opportunités dans le monde du travail. Pour ce qui est des seniors, l’entreprise a des objectifs autour du maintien de l’emploi. A titre d’exemple, nos chauffeurs de nuit, s’ils ont plus de 50 ans, peuvent demander à travailler en journée. Cette requête est automatiquement acceptée dans la foulée, c’est un engagement auprès des partenaires sociaux.
Sensibiliser et accompagner. Sur le volet du handicap, la première étape est de faire savoir que l’entreprise est dans une démarche pro active d’embauches. Le groupe indique sur son site internet qu’il accueille tous les types de handicap sur les différentes fonctions de l’entreprise. Il y a peu, nous avons mis en place un jeu baptisé « Handipoursuite ». Nos collaborateurs ont pu se rendre sur un site web dédié pour répondre à des questions autour du handicap dans l’objectif de défaire les préjugés, d’intéresser et d’informer les personnes à ces sujets de manière ludique. Cette plateforme était accessible par chacun via un QR Code. Autre initiative, nous avons convié, il y a une quinzaine de jours, 20 personnes souhaitant se réinsérer venant de chez Emmaüs ou de France terre d'asile. Nous leur avons présenté notre société au sein de notre centre de formation à Bagneux et organisé une visite dans l’une de nos agences. Ils ont également suivi un module de sécurité et ils ont participé à des speed-datings avec notre équipe RH. Pour 2/3 d’entre eux, Loxam a engagé un processus d’intégration notamment dans le cadre d’une Préparation Opérationnelle à l’Emploi individuelle (POE) en partenariat avec Pôle Emploi. Malheureusement, souvent, l’insertion est difficile pour ces personnes en raison de leur parcours de vie difficile. Ces difficultés rendent les réussites encore plus belles.
Une diversité de textes dont…
Charte de la diversité (2004) • À la suite du rapport “Les oubliés de la République” par l’Institut Montaigne, les business men Claude Béar (ancien PDG de Drouot et d’Axa) et Yazid Sabeg (commissaire à la Diversité et à l'Égalité des chances de 2008 à 2012) rédigent ce texte incitant les entreprises à « garantir le respect de la diversité » parmi les salarié.e.s. Signée par leurs seuls dirigeants dans près de 3 500 sociétés en France, la charte (6 articles) prévoit un bilan Diversité annuel.
Charte d’engagement LGBT+ (2013) • Œuvre commune de L’Autre Cercle et du cabinet Accenture, elle incite les employeurs à intégrer les notions d’orientation sexuelle et de l’identité des genres. Dans son viseur : l’environnement de travail inclusif, l’égalité de droits et traitement, soutien aux victimes de propos ou d’actes discriminatoires, etc. En février 2022, près de 175 signataires étaient engagés.
Charte Entreprise & Handicap (2015) • Émanation de l’Organisation internationale du travail (OIT), le Réseau mondial Entreprises & Handicap est une plateforme où les entreprises mutualisent les best practices en faveur de l’intégration des personnes en situation de handicap : lutte contre la discrimination, accessibilité des lieux de travail, etc.
Label Égalité professionnelle (2004) • Soutenu par l’État et les partenaires sociaux, il s’appuie sur un cahier des charges spécifique et l’avis d’expert.e.s pour promouvoir la parité femmes-hommes. La labellisation est soumise au go de l’Afnor.
Label Diversité (2008) • Instauré par le ministère de l’Intérieur et l’Association nationale des DRH (ANDRH) et sur la base du volontariat, il est attribué après un audit strict sur les actions déjà réalisées. Depuis fin 2015, les DRH peuvent souscrire au dispositif Alliance : le dossier commun Diversité et Égalité professionnelle.
MÉMO • L’index de l’égalité professionnelle
Cet outil d’évaluation a été instauré par la loi “Liberté de choisir son avenir professionnel” d’août 2018. Il impose depuis le 1er mars 2020 à toutes les entreprises d’au moins 50 salariés d’évaluer sur 100 points le niveau d’égalité entre les femmes et les hommes. Plusieurs critères sont pris en compte tels que l’écart de rémunération, le nombre de salariées augmentées à la suite de leur congé maternité ou encore la parité parmi les dix plus hautes rémunérations.
Une fois l’index calculé, les entreprises doivent le publier sur leur site internet, le déclarer à l’Inspection du travail et le communiquer au comité social et économique (CSE). Si l’index est inférieur à 75 points, des mesures correctives doivent être rapidement mises en place afin d’obtenir une note égale ou supérieure à 75 points dans un délai maximum de trois ans. Cette obligation juridique confirme cependant la tendance amorcée depuis plusieurs années dans les entreprises françaises : atteindre l’égalité professionnelle femmes-hommes.