[2/2] Parité, Diversité & Inclusion : lʼavenir durable des entreprises
S’adapter à la diversité des salarié.e.s, être à leur écoute, gommer les différences, les former et les sensibiliser pour casser les stéréotypes, voire bannir les tabous… La profession est désormais entrée dans un véritable cercle vertueux, tant chez les intégrés que les indépendants. Témoignages dʼenseignes et de leurs dirigeants et DRH.
Côté PARITÉ | La fin des postes genrés et du… sexisme ?
Jamais sans doute le dossier sur la parité femmes-hommes ne se sera autant invité lors des débats pour la course à l’Élysée. Depuis 1972, il a fallu pas moins d’une dizaine de textes de loi avant que les choses ne commencent réellement à bouger, notamment du côté des entreprises du CAC 40. Mais la loi Génisson de 2001 met la pression pour la mise en œuvre de l’égalité professionnelle.
En 2018, la loi “Avenir professionnel”, elle, bat le rappel. Avec l’obligation de se conformer à l’égalité salariale avant la fin 2021. Mais, sur le terrain, la tendance est amorcée depuis quelque temps. Au cours des sept dernières années, l’effectif féminin a bondi de 44 % chez Loxam vs 18 % du côté des hommes. « Le plafond de verre pour accéder à des postes de management à responsabilité a été brisé », juge Nicolas Jonville, DRH du loueur.
Même son de cloche chez DSC (Cédéo, Clim+, CDL Élec…) dont le comité de direction est composé de femmes à 40 % « Nous déployons aussi des formations pour sensibiliser les équipes à la diversité et lutter contre les stéréotypes. Sexisme, accompagnement de la parentalité… : le dispositif a été complété en publiant des guides pratiques pour les salariés », note Arnaud Rouilleris.
75/100
En deçà de cet index, toutes les entreprises d’au moins 50 salariés doivent prendre des mesures correctives.
Halte au sexisme “ordinaire” !
La filiale de Saint-Gobain fait aussi un pas de deux avec des associations comme Rêv’Elles Moi qui aide les femmes à se projeter sur les métiers du Bâtiment. Et participe à des forums tout en valorisant régulièrement « des parcours inspirants » de certaines de ses salariées.
Chez l’enseigne sœur Point.P, le DRH Emmanuel Boulineau recense environ « 23,5 % de femmes dans ses effectifs (26 % en cumul pour SGDB France) dont un tiers à des postes d’encadrement pour une hausse de l’ordre de 1 % l’an ». Avec un index qui pointe à 93/100, le leader du négoce dit « travailler d’arrache-pied depuis cinq ans pour continuer à réduire les écarts de salaire ».
Si l’index de Téréva, lui, joue au yo-yo en revanche (77/100 en 2020 vs 88 en 2019, mais 72 en 2018), les six enseignes de la maison-mère Martin Belaysoud participent à des initiatives contre le sexisme dit « ordinaire » telles que #StOpE*. Mise en place à partir de 2018, cette initiative vise à « faire avancer la lutte contre le sexisme dans la sphère BtoB et cimenter un peu plus la voie vers la parité ». Autrement dit, il s’agit d’assurer aux femmes un cadre de travail et de vie « plus inclusif et bienveillant ». S. V. et J. B.
Côté DIVERSITÉ | Un creuset ethnique, culturel et social salvateur
Haro sur le délit de sale gueule ! En substance, c’est le leitmotiv de Cédric Fabien à la tête Tout Faire. « Bienveillance, bien vivre et travailler ensemble : c’est ce que j’insuffle depuis douze ans en tant que dirigeant de mon entreprise [5 sites Fabien Matériaux], mais aussi en tant que président du groupement depuis deux ans et demi », assure le négociant girondin.
Au-delà de la parité au du conseil d’administration de sa société et d’« une nette évolution » à propos du comité directeur de la centrale Tout Faire basée à Verdun, le dirigeant allie respect et pragmatisme. « La pluralité des équipes est le socle nécessaire d’une culture d’entreprise. Cela fait partie des facteurs qui influencent l’expérience individuelle d’inclusion, tout comme la perception de l’inclusion au niveau de l’entreprise », estime-t-il. De là à dire que c’est « un levier positif » de la marque employeur, Cédric Fabien l’assure sans détour.
4 000
C’est le nombre de signataires de la charte Diversité de 2004.
Diversité, mais volontariat
« Ce qui importe lors des recrutements, ce sont avant tout les soft skills [personnalité, capacité d’adaptation, comportement psychosocial…]. Ce prérequis est capital lors des premiers tests de recrutement. L’expertise technique sur nos offres produits, elle, peut s’apprendre dans l’un de nos trois campus », convient Emmanuel Boulineau (Point.P) dont le pôle RH reçoit pas moins de 180 000 CV par an.
Pas question pourtant de glisser vers une logique de quotas à l’instar des États-Unis ! La loi française prohibe les statistiques en termes d’origine raciale, de religion ou d’orientation sexuelle. Pour Arnaud Rouilleris (DCS), « le but n’est pas d’avoir d’ambition chiffrée, juste de renforcer le “bien ensemble” ». Tous les ans, la filiale sanitaire-chauffage de SGDB France mène une enquête interne pour jauger le ressenti des équipes au sein de la société.
« En 2021, nous avons rajouté un item autour du respect des collaborateurs quelle que soit leur origine. Il importait de connaître le sentiment des salarié.e.s : 94 % des interrogés jugent être dans une entreprise inclusive », se félicite d’ailleurs le DRH de DSC.
C’est pour dépasser le cadre légal et juridique de la lutte que Loxam a signé la charte Diversité « pour éviter toute discrimination ». En France, le groupe recense plus de 45 nationalités : « un atout pour l’entreprise », convient son DRH. Pour l’enseigne, il s’agit aussi d’« être pionnière en s’appuyant sur des équipes d’âge, de genre, de milieux, d’origine et de culture variée ». Une responsabilité et le quart d’heure d’avance pour « montrer l’exemple » en somme. J. B. et S. V.
Terminologie • Diversité... De quoi parle-t-on ?
« Au début des années 2000, le terme désignait des populations racialisées subissant de la discrimination sur le marché de l’emploi, mais son sens a progressivement changé », constate l’AFMD. Si nombre d’entreprises se dotent d’un management de la diversité, le but est d’abord de « répondre aux grandes obligations légales, en particulier à celles pour lesquelles il existe des incitations financières ». Aujourd’hui, l’emploi des personnes en situation de handicap, l’égalité femmes-hommes et les questions intergénérationnelles sont devenus au fil de l’eau des sujets structurantes des politiques diversité.
Côté INCLUSION | Les handicaps ? Pas un handicap !
La loi française a évolué pour investir d’autres sphères de discrimination. À commencer par les salariés bénéficiaires de l’OETH (obligation d’emploi des travailleurs handicapés). Selon le dernier pointage de la Dares publié cet hiver, ils étaient 505 300 personnes touchées en 2019.
Si le taux de chômage des salariés en situation de handicap (19 % vs 7,4 % au niveau national au T4 2021, hors Mayotte), le chemin du retour à l’emploi reste encore un parcours du combattant. Mais de plus en plus d’entreprises se mobilisent pour les accueillir en leur offrant les mêmes possibilités de carrière que des employés sans RQTH (Reconnaissance de la qualité de travailleur handicapé).
Comme beaucoup d’acteurs du BTP, Téréva et Mabéo mènent de longue date diverses actions sur le terrain : participation à la Semaine européenne pour l’emploi des personnes handicapées via l’opération Duo’Day ; référents Handicap dans chaque région où les deux réseaux sont présents ; job-dating et embauches, etc.
6 % de la masse salariale des entreprises d’au moins 20 salariés doit être composée de travailleurs handicapés.
Gaming vs préjugés
En février 2021, outre la création d’une mission Handicap, Téréva et Mabéo ont signé un accord triennal agréé par la Direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (DREETS) Le but : « Coordonner l’ensemble des actions et nous assurer d’atteindre nos objectifs », soulignait alors la holding Martin Belaysoud.
« Sur le volet du handicap, nous communiquons sur notre démarche pro-active d’embauches de 40 salariés handicapés d’ici à fin 2023 . Sur notre site internet, il est indiqué que Loxam accueille tous types de handicap sur les différentes fonctions », détaille pour sa part le DRH Nicolas Jonville, DRH du loueur.
De son côté, Orexad-Brammer anime jusqu’au 21 juin « une campagne impactante » (affiches, vidéos…) pour valoriser des parcours professionnels réussis. Là encore, tout pour la réinsertion des jeunes en manque de repères ou le maintien des seniors dans l’emploi, l’enseigne de Rubix France entend « balayer un tabou éventuel auprès des salariés ». Loxam, lui, prolonge la démarche de façon ludique. Son jeu en ligne Handipoursuite invite les collaborateurs du groupe à répondre à des questions autour du handicap pour que les préjugés battent en retraite. Pour les gamers, les lots en jeu sont « tous été confectionnés par des ateliers protégés ».
« Attirer les talents, susciter l’innovation, stimuler l’engagement et la motivation, valoriser l’image de marque : une politique inclusive peut se résumer à une relation gagnant-gagnant en interne et à l’extérieur (clients, fournisseurs, institutionnels…) », martèlent à cet égard les InfoStories de l’OIT (Organisation internationale du travail). La boucle de l’engagement est bouclée… a priori. J. B. et S. V.
PORTRAIT • Chez Point. P, une cheffe d’agence décomplexée
À Le Cannet-des-Maures situé à une soixantaine de kilomètres au nord-est de Toulon, dans le Var, c’est une femme d’expérience qui pilote l’agence Point.P. Dans ce point de vente généraliste, Nathalie Donat (53 ans, mariée et deux enfants) gère une équipe de onze collaborateurs. « Une équipe où la majorité du personnel affiche plus de vingt ans d’ancienneté. C’est un signe de fidélité à notre enseigne ! Et le fait qu’une femme dirige le point de vente ne cause aucun problème ! », se félicite-t-elle.
En écho, Emmanuel Boulineau, le DRH de Point.P, tient à souligner qu’à ce jour, l’enseigne affiche un taux d’effectif féminin de « 23,5 % pour un niveau de 26 % chez Saint-Gobain Distribution Bâtiment France ». Arrivée au sein de l’enseigne de SGDB France en 1996, l’actuelle cheffe d’agence varoise a d’ailleurs gravi les échelons pas à pas dans des sites Point.P des Bouches-du-Rhône et aujourd’hui dans la Plaine des Maures.
« J’ai occupé quasiment toutes les fonctions durant ma carrière : commerciale au comptoir, à l’administration des ventes, au service Transports pour organiser les livraisons chez nos clients professionnels », raconte-t-elle. Dans son précédent poste, elle a même passé son CACeS de niveau 5.
« Recruter une femme n’est pas un acte féministe ! Je jauge les soft skills, le bien vivre et le savoir-être ensemble. Le genre, le niveau d’études, l’origine sociale sont secondaires dans mes choix. »
Nathalie Donat, cheffe d’agence Point.P à Le Cannet-des-Maures (83)
Trois femmes sur onze salarié.e.s… pour l’instant
La parité ? « Nous y travaillons pour étoffer l’équipe dans le même esprit que la démarche déployée par l’enseigne et SGDB France. C’est source d’enrichissement au quotidien de pouvoir confronter les points de vue pour avancer tous ensemble », confie Nathalie Donat.
Avant de préciser toutefois que l’étape du recrutement ne priorise pas le genre, mais les compétences, l’adaptation, le savoir-être et la bienveillance en équipe. Courant 2021 pourtant, c’est une ex-conductrice de travaux qu’elle a recruté. « Elle avait entre autres créé son entreprise de plaquiste. Aujourd’hui, elle est devenue technico-commerciale spécialisée dans l’efficacité énergétique », tient à préciser la cheffe d’agence.
En aparté, le DRH de Point.P – dont le service reçoit environ… 180 000 CV chaque année – tient à préciser que « dans le cadre des tests de pré-recrutement, ce sont les soft skills [personnalité, aptitudes à travailler en équipe…] qui priment : c’est le premier filtre pour sélectionner les candidats ». Qu’il s’agisse d’hommes ou, bien sûr, de femmes. S. V.
Point.P Le Cannet-des-Maures en bref
• 4,2 M€ de CA annuel
• 11 collaborateurs dont 3 femmes
• 2 000 m² couverts et 3 000 m² de cour Matériaux
• 70 % de la clientèle BtoB sont des cémistes
(Source : Point.P)