Génie Climatique : prenez le bon wagon
Comme l’explique la théorie de Darwin, qui ne s’adapte pas à son environnement est susceptible de disparaître. Le métier d’installateur est en pleine mutation pour répondre aux enjeux économiques et écologiques. Petit tour d’horizon pour préparer l’avenir.
Ce n’est pas la première fois qu’on évoque l'évolution des métiers liés au génie climatique, mais beaucoup de choses sont en train d’évoluer et certaines beaucoup plus vite que nous l'imaginionsr. Si cette évolution est d’abord visible par les sauts technologiques des fabricants qui proposent régulièrement des générateurs de plus en plus performants en termes de confort et d’économies d’énergie, elle s’accompagne également de tout un panel de prestations et de services. Cette conjugaison, accentuée par la multiplication des canaux de communication mis à disposition des consommateurs qui font d’eux des personnes de mieux en mieux informées et par les décisions parfois brutales prises par nos gouvernants, bouleverse la façon de pratiquer ce métier.
Vers la neutralité carbone
Autres critères non négligeables qui bousculent les habitudes, les changements de réglementation – essentiellement en termes d’émissions de CO2 – et les variations des coûts des énergies qui vont modifier singulièrement la nature du parc des systèmes de chauffage. Le constat étant posé, à quoi devez-vous vous préparer pour les années à venir ? C’est un exercice toujours difficile dans la mesure où ces évolutions peuvent être remises en cause pour des raisons politiques et/ou économiques. Néanmoins, une chose est certaine, vos clients ne se chaufferont plus de la même manière qu’il y a 25 ans. La chasse au CO2 est devenue un sport, ou plutôt une cause nationale, et tous les générateurs qui fonctionnent aux énergies fossiles sont dans le collimateur des différents ministères. Il n’y a qu’à observer le niveau de malus délirant (jusqu’à 20 000 euros) qui touche les automobiles fortement émettrices pour vous faire une idée de ce qui est susceptible de se passer prochainement pour les chaudières au fioul ou au gaz !
D’ailleurs, la polémique qui enfle au sujet du nouveau “favoritisme” bénéficiant à l’électricité en revoyant à la baisse le taux de conversion (2,30 contre 2,58) et la valeur du contenu carbone d’un kWh à 79 grammes, semble confirmer que l’avenir des générateurs “fossiles” est oblitéré malgré le développement prometteur des fiouls “verts” et du biométhane qui mobilise les différentes filières.
Les économies d’abord
Selon l’Ademe, près de 5 millions de ménages français seraient en situation de précarité énergétique. Un chiffre qui ne fait qu’augmenter depuis une décennie, signe d’un déséquilibre entre le pouvoir d’achat et le coût croissant des énergies. Pour inverser cette tendance, le gouvernement a pris des mesures importantes pour alléger au maximum le reste à charge des familles les plus modestes lorsqu’elles remplacent leur système de chauffage. Le dispositif phare a été lancé le 1er janvier pour simplifier les démarches et surtout les aides financières qui étaient jusqu’à présent nombreuses et complexes : Ma PrimeRénov’ (voir encadré).
Dossier réalisé par M. Wast
Quelques chiffres en introduction
- 1 696 € C’est la facture moyenne annuelle que les Français paient pour le chauffage de leur logement.
- 82 % La part de la condensation sur l’ensemble des ventes de chaudières gaz/fioul en 2018.
- +46 % La progression des ventes de chaudières à granulés en 2018 par rapport à 2017.
- 96 576 Le nombre de PAC aérothermiques vendues en France en 2018 (soit +16 % par rapport à l’année précédente).
- +13 % L’augmentation des ventes des systèmes solaires combinés (SSC) en 2018.
Évolutions technologiques : Toutes les énergies à la manœuvre
Pour répondre aux nouvelles normes et aux attentes des installateurs et des utilisateurs, les fabricants ont modernisé voire renouvelé totalement leurs gammes de générateurs ces dernières années, et ce quelle que soit l’énergie considérée. Si les chaudières fioul ont vu leurs ventes franchement fléchir pour les raisons qu’on sait, le gaz fait de la résistance grâce à son très bon rapport performances/coût global et à une fiabilité reconnue. Ces chaudières continuent de se perfectionner en adoptant une modularité encore plus fine, un système optimisant la combustion en temps réel, quelle que soit la nature du gaz (incluant même une partie de biométhane), et une pompe modulante pour économiser l’électricité. L’avenir devrait faire plus de place aux chaudières micro-cogénération qui allient le chauffage et la production d’électricité ainsi qu’à celles fonctionnant à l’hydrogène. Des tests grandeur nature sont en cours pour valider cette dernière technologie. De même, l’intelligence embarquée permet une optimisation du fonctionnement au plus près des habitudes des occupants du logement, ce qui autorise des économies supplémentaires.
Du côté du bois, c’est carton plein. Les ventes de poêles se portent bien et les fabricants de chaudières granulés ont du mal à répondre à la demande pour le remplacement des chaudières fioul. Beaucoup plus onéreux à l’achat, ce générateur est imbattable en coût d’utilisation et permet d’offrir aussi bien du chauffage que de l’eau chaude sanitaire. Pour encore plus d’économies, certaines chaudières sont dotées de la technologie condensation.
Et pour répondre aux budgets plus contraints, les fabricants ont développé des chaudières à prix plus accessibles ou, à l’instar de Ökofen, des appareils reliés à des ventouse pour économiser sur le poste fumisterie.
Pour les pompes à chaleur, la révolution continue. Les industriels ont d’abord travaillé à rendre leurs machines très fiables afin de faire oublier les contre-références des années 2000. Ensuite, l’arrivée récente du R32 autorise des performances améliorées tout en réduisant significativement les nuisances environnementales des anciens fluides comme le très répandu R410a. Idem pour le lancement de PAC chargées avec du R290 capables d’atteindre des températures de sortie d’eau jusqu’à 75°C. De même, l’amélioration des performances des compresseurs (double étage, à réinjection de gaz, en relais…) permettent de produire de la chaleur utile par -20 ou -25°C à l’extérieur, sans recours intempestif à une énergivore résistance électrique.
Spécificités métiers : À la croisée des chemins
La RT 2012 a déjà fait passer au second plan le chauffage du logement, maintenant bien étanche et parfaitement isolé. Désormais, l’eau chaude sanitaire est le premier poste de consommation d’énergie et cette tendance devrait gagner peu à peu le parc existant qui fait l’objet de grandes campagnes incitant à renforcer l’isolation. Et ce contexte est en train de modifier la façon dont vous travaillez. Avant, votre tâche principale consistait à réaliser une installation complète de chauffage ou un remplacement de générateur existant sans trop vous poser de questions. Aujourd’hui, vos compétences s’élargissent pour pouvoir préconiser des solutions multi-énergies, plus complexes à étudier et à mettre en œuvre, voire s’orienter vers des connaissances de diagnostic global de l’habitat pour pouvoir prescrire, label RGE oblige, la solution la plus adaptée pour réduire drastiquement la consommation d’énergie. Pour cela, une association avec des collègues d’autres corps d’état doit être envisagée afin de considérer un chantier dans sa globalité.
L’autre paramètre à prendre en considération est le décloisonnement des spécialités métiers. Vous l’avez sûrement constaté à de multiples reprises, la concurrence s’accentue puisque, avec l’explosion des ventes des PAC et des chauffe-eau thermodynamiques, les électriciens empiètent sur votre territoire, et vice-versa… Dans le génie climatique aussi, la transversalité des métiers est en marche au grand avantage des clients qui bénéficient des compétences multiples des professionnels.
Maintenance : Anticiper pour mieux réparer
Pourtant obligatoire depuis septembre 2009, l’entretien annuel des chaudières est, selon une récente étude du Synasav, loin d’être systématiquement réalisé. La faute à la précarité énergétique, une fois de plus, et à un certain laxisme des utilisateurs qui considèrent que tant que la chaudière fonctionne, ce n’est pas la peine de s’inquiéter. Pourtant, tout le monde le sait, un générateur régulièrement entretenu, ce sont des économies à l’usage, un fonctionnement optimal et surtout la sécurité… De bonnes raisons qui ont conduit les fabricants, avec le développement des objets connectés, à rendre leurs chaudières “intelligentes” grâce aux multiples capteurs intégrés. Il est ainsi possible, en vous dotant de l’interface mis à disposition par les différents industriels, de suivre quasiment en temps réel le fonctionnement de votre parc de machines installées, et de déterminer plus facilement les causes des éventuelles pannes. Il est alors plus facile d’anticiper la maintenance en cas de soucis, de commander les bonnes pièces détachées, pour la plus grande satisfaction des clients qui profitent d’un appareil d’une plus grande fiabilité.
Ce monitoring fait d’ailleurs l’objet de multiples développements de la part des fabricants, pour arriver, avec l’aide de l’intelligence artificielle, à une maintenance prédictive qui, à terme, pourrait éviter la majorité des pannes grâce au remplacement anticipé des pièces défectueuses. Un vrai plus pour votre activité puisque certaines interventions pourraient être réalisées à distance et, pour les autres, un juste diagnostic évitera les multiples déplacements occasionnés par une panne mal identifiée.
Le point sur...Ma PrimeRénov’
MaPrimeRénov' fusionne le Crédit d'impôt pour la transition énergétique (CITE) et les aides de l'Agence nationale de l'habitat (Anah) “Habiter mieux agilité”. Elle est versée l'année de réalisation des travaux et elle est attribuée sous conditions de ressources, pour certains types de travaux réalisés par un artisan reconnu garant de l’environnement (RGE), pour des logements situés en France métropolitaine et en Outre-mer dont la construction est achevée depuis 2 ans minimum. La mise en place de ce dispositif est progressive. En 2020, l'aide concerne les propriétaires occupants, puis en 2021 les propriétaires bailleurs et les syndicats de copropriété. Elle est calculée en fonction de 2 éléments : les revenus et le gain écologique apporté par les travaux de chauffage, d’isolation ou de ventilation. Un plafonnement des dépenses éligibles est prévu. Il est fixé à 20 000 € par logement, sur une période de cinq ans, à compter de la première date d'engagement. MaPrimeRénov' est cumulable avec des aides locales, des certificats d'économie d'énergie, l'éco-prêt à taux zéro pour financer le montant restant dû, la TVA réduite (5,5 %) sur les travaux d’économie d’énergie.
Financement : Service compris
S’il y a un autre domaine qui a bougé récemment, c’est le financement du chantier. Le générateur de chauffage n’est plus considéré comme un équipement technique pur et dur mais comme un bien lié à un service. À l’instar de ce que vit le secteur automobile depuis quelques années, le chauffage va devenir une prestation complète visant à simplifier la vie de l’utilisateur : pour une mensualité fixe, vous proposez à vos clients le financement du générateur (généralement sur 5 ans), une garantie étendue, l’entretien réglementaire et les interventions en cas de panne. Ce contrat, qui ressemble à une location longue durée ou avec obligation d’achat, permet surtout de sécuriser chaque affaire et de fidéliser la clientèle. Mais cette réorientation de la relation client demande de travailler un argumentaire remanié et surtout de s’organiser de manière différente. Certains industriels ou organisations professionnelles l’ont d’ailleurs bien compris et ont mis en place des dispositifs pour vous accompagner dans cette modification du paysage à l’instar du Facilipass de la Capeb, par exemple.