C’est l’influenceuse de l’année ! Interview de Lucie Amand, une fille du BTP
Cérémonie des « Talentueuses » le 15 juin 2023. Lucie vient de recevoir le trophée de l’influenceuse du bâtiment. Elle reçoit les félicitations de Caroline Semin. J’attends patiemment mon tour. Elle est radieuse. Je me présente et on commence immédiatement l’interview. Au bout de deux minutes, on l’appelle pour faire les photos officielles. On reprendra notre échange quelques jours plus tard.
Voici l’histoire atypique de Lucie Amand.
Bonjour Lucie, peux-tu nous raconter comment tout a commencé ?
« Il y a dix ans, j’ai acheté mon premier appartement de 36 m2 que j’ai rénové du sol au plafond. J’ai cassé les murs, refait les faux plafonds, changé les cloisons, etc. J’ai juste demandé à un ami de m’aider pour la plomberie.
J’ai vendu cet appartement pour acheter une maison et là, même chose, je l’ai entièrement rénovée.
Là encore, je l’ai revendue pour arriver dans la maison où j’habite actuellement.
Quand je fais une rénovation, je ne mets aucune limite. J’apprends tout sur le chantier en autodidacte. Même lorsque j’ai dû faire des calculs de port de charges pour voir si la charpente de ma maison pouvait supporter un plafond cathédrale. J’ai dû casser un mur porteur dans une ancienne maison nantaise. Je suis fière de ce chantier.
J’ai beaucoup appris aussi grâce aux vidéos d’Éric le Carreleur, Laurent Jacquet, Cyril Julien de French Renovation» , etc. »
Le déclic avec les filles du BTP
Comment as-tu franchi le pas ? Comment la rénovation est-elle devenue ton métier ?
« Je prenais un immense plaisir à faire toutes ces rénovations, mais quelque chose me bloquait encore pour me lancer complètement dans ce métier. Il me manquait un déclic.
Et ce déclic est arrivé avec les « filles du BTP ». C’est un groupe qui est né pendant le confinement pour discuter entre femmes qui travaillent dans le bâtiment. On était moins d’une quinzaine au départ. J’avais été étonnée qu’elles me demandent d’en faire partie. Clairement, je ne m’estimais pas à ma place. Ce sont de vraies pros. Moi je n’avais aucun diplôme et ce n’était pas mon métier. Elles m’ont répondu que je devais prendre conscience de ce que j’étais capable de faire, que j’étais même plus douée qu’elles sur certains aspects. J’ai pris confiance petit à petit et j’ai proposé de créer une association.
Le 14 février 2023, j’ai déposé les statuts et le groupe est devenu une association dont je suis la présidente. Aujourd’hui, on est 130 femmes dans toute la France et tout corps d’état : beaucoup de peintres, mais aussi des électriciennes, des plombières, des grutières, des maçonnes, des plaquistes, des architectes d’intérieur, et dernièrement, il y a même une cordiste.
Ce sont les filles du BTP qui m’ont faite évoluer et m’ont donné confiance en moi. »
Ton histoire est formidable et exemplaire. Ta passion est devenue ton métier grâce aux réseaux sociaux et aux autres filles que tu as rencontrées. C’est amusant de constater qu’avant de remporter ce trophée d’influenceuse du bâtiment, ce sont les autres filles qui ont su t’influencer par leurs encouragements à provoquer ce déclic.
Les talentueuses du BTP !
Quel est le but de l’association des « filles du BTP » ?
« C’est mettre en lumière les femmes du bâtiment et de montrer qu’on a notre place sur les chantiers autant que les hommes. Mais c’est aussi de nous inspirer et de nous entraider mutuellement.
Parmi les filles du BTP, il y a des profils qui ressemblent au mien, ce sont des femmes entre 30 et 45 ans en reconversion. Le but, c’est de les aider dans tous les domaines. »
Ce que vous avez créé avec les « filles du BTP », c’est dans la même lignée de ce que Caroline Semin a voulu insuffler avec les talentueuses :
« mettre en avant le parcours de femmes remarquables dans le secteur du bâtiment. »
Peux-tu me citer une raison pour laquelle tu trouves son initiative importante ?
« Je trouve son initiative géniale. Elle a osé lancer et concrétiser ce pari complètement fou. C’est super d’avoir des femmes qui soient comme des locomotives pour les autres. En posant ma candidature, je voulais surtout être au rendez-vous de cet événement. »
Je dédie ce trophée à mon grand-père
À qui voudrais-tu dédier ton trophée ?
« À mon grand-père (Lucie est émue, sa voix tremble). Il m’a tout transmis : la passion du bricolage, son savoir-faire et la conviction que rien n’est impossible ! Le bâtiment n’était pas son métier, mais il prenait du temps pour moi et me faisait confiance. Du coup, il me laissait changer les ampoules à 10 ans, à poser du lino à 12 ans, et j’ai même des photos en train de faire de la maçonnerie où je suis en couche-culotte (rires). J’ai plein d’autres photos comme ça où je suis sur un escabeau à 2 ans, les mains dans la terre, etc. C’était des trucs qui me semblaient impossibles, mais que j’arrivais à faire grâce à lui. »
J’ai aussi vu une photo avec ton père quand tu étais petite sur un chantier. Et tu écrivais avec un point d’interrogation :
« Tel père, telle fille ? » Tu pourrais répondre à cette question ?
« Oui, avec mon père, j’apprends énormément sur le côté technique. Mais lui non plus, ce n’est pas son métier ! Personne n’est du bâtiment dans ma famille. Mes arrière-grands-parents étaient dans le bois, et je suis fascinée par ce matériau. »
Alors, tu devrais suivre Stéphane Aria.
« Il est fantastique, il fait des choses incroyables. Il est inspirant. Je me sens petite à côté de ces pros. Mais grâce à ce trophée, j’ai pris conscience que je pouvais aussi être inspirante pour les autres. »
D’ailleurs lui aussi est autodidacte. Il faudrait aussi préciser que tu as quand même passé des diplômes. Lesquels ?
« Oui, en candidat libre : CAP Électricien obtenu en 2022, et CAP Monteur en installations sanitaires obtenu en 2023, avec de très bonnes notes. »
Championne de roller
J’ai vu que tu avais rénové un terrain de tennis. Ce n’est pas banal comme chantier. Est-ce que tu peux nous raconter ça ?
« Personne ne voulait de ce chantier. J’adore me lancer dans des projets que personne ne veut faire et trouver des solutions techniques adaptées. C’était un gros défi, car un terrain de tennis, c’est quand même 525 m2. Il était situé dans un bois, entouré de pins, et il n’y avait ni eau ni électricité. Il a fallu enlever et évacuer 4 tonnes de goudron aussi. Le client était ravi du résultat. »
Le nom de cet évènement, c’est les Talentueuses, quels sont tes talents ? Cite-moi, un talent professionnel et un talent personnel.
« Je pense que j’ai de l’or dans les mains. »
À ce moment de l’interview, je me dis que c’est formidable pour une personne comme Lucie qui manque parfois de confiance en soi qu’elle me réponde « j’ai de l’or dans mes mains ». Je lui redonne la parole.
« Un talent en dehors du bâtiment ? J’étais sportive de haut niveau dans l’équipe de France de roller en skatecross. J’ai été numéro 2 mondial. J’ai aussi descendu la piste de bobsleigh de La Plagne en roller. On n’est que six femmes dans le monde à avoir réussi cet exploit. Je suis un peu kamikaze. »
Tu es l’influenceuse du bâtiment de l’année, quel conseil donnerais-tu aux artisanes qui veulent se lancer sur les réseaux sociaux ?
« Être authentique, ne pas chercher la célébrité, mais le faire par passion et envie de partager son travail. Les réseaux sociaux, c’est avant tout du partage et des échanges.
D’ailleurs, je n’aimais pas trop le terme influenceuse. Mais dans une discussion avec Manu, un électricien, alias « Emelec Batiment », il m’a dit :
« tu dois voir le terme influenceuse de façon positive. Une influenceuse est une personne inspirante pour les autres. »
Interview « île déserte »
Lucie, pour en apprendre encore plus sur toi, je vais te proposer une petite interview « île déserte ».
Quel est l’outil que tu prendrais avec toi sur une île déserte ?
« Je prends mon couteau, un couteau de pêche. Il me sert à tout et il est hyper résistant. »
Et comment est-ce que tu occuperais ton temps ?
« Je commencerais par construire une cabane dans les arbres. D’ailleurs, même quand je pars en vacances, je me mets à construire des pleins de choses. »
Quelles seraient les premières artisanes qui viendraient te rendre visite ?
« Élise, elle est maçonne et grutière (mais elle n’est pas sur les réseaux) et Mathilde alias « mll_lilypad », elle est peintre et secrétaire de l’association. »
Quels cadeaux aimerais-tu qu’elles te portent ?
« Mathilde, une part de pizza ! Et Élise ses deux bras pour construire la cabane. »
Qu’est-ce qui va te manquer ?
« Ma chienne rottweiler Malak.»
Imaginons que tu envoies une bouteille à la mer. Quel message écrirais-tu ?
« L’écologie, c’est ici que ça se passe ! Viens me voir sur mon île déserte, j’ai un chantier participatif. » (rires)
Quel souvenir de tes chantiers porterais-tu avec toi pour te redonner le moral ?
« Tous ces moments où j’ai réussi des choses qui semblaient impensables et impossibles ».
Tu peux aussi ajouter un film dans ton sac à dos. Lequel choisirais-tu ?
« Un film ? « Astérix et Obélix : Mission Cléopâtre ». Pour le côté chantier, car ils étaient capables de construire des choses impossibles à l’époque. D’ailleurs, on se demande encore comment ils ont fait. Et puis, pour le côté humoristique. »
Et un livre ?
« Un livre à relire plusieurs fois, ça serait « La maîtrise de l’amour : apprendre l’art des relations » de Don Miguel Ruiz. L’auteur te fait prendre conscience que tu peux avoir confiance en toi et que le positif attire le positif. Je me retrouve aussi dans ce bouquin. Je te donne un exemple, je n’ai jamais été numéro un mondial en roller, car je n’ai jamais voulu écraser les autres. Je ne supporte pas cette attitude.
Mon père me répétait souvent cette phrase quand j'étais petite :
« Si tu donnes un poisson à un homme, il mangera un jour. Si tu lui apprends à pêcher, il mangera toute sa vie. »
J’ai toujours cette phrase en tête. Si tu transmets ce que tu sais aux autres, ils deviendront autonomes, sinon ils restent dépendants. Quand tu donnes quelque chose sans rien attendre en retour, tu apprends à ton tour quelque chose. »
C’est une citation qui est parfaite pour conclure ton interview île déserte. Car sur ton île déserte, tu vas forcément pêcher des poissons.
« C’est vrai (rires) et j’aurai besoin de mon couteau de pêche ! »
Je vous invite à suivre Lucie Amand alias Brico_deco_and_cie sur ses comptes Instagram et TikTok. Et les filles du BTP sur Instagram