
« La seconde main ne va pas cannibaliser les ventes »

Engagé depuis près de vingt ans dans une démarche RSE, Legallais vient de lancer un test avec le constructeur nord-américain Milwaukee pour proposer une offre d’électroportatif reconditionné. Aodren Cosnier en détaille la démarche et les premières leçons sur le terrain.
Tout d’abord, notre enseigne bénéficie d’une organisation permettant d’être en permanence en veille pour mettre en oeuvre des innovations en nouant des partenariats liés entre autres à l’économie circulaire et solidaire [voir photos et encadré ci-dessous : Ndlr], le recyclage des produits, l’empreinte carbone de l’offre, etc. Nous avons déjà eu des contacts rapprochés avec trois industriels dans plusieurs domaines en vue de mener un pilote pour développer une offre de seconde main. La proposition en outillage électroportatif de Milwaukee nous a paru la plus aboutie [lire aussi notre entretien avec Milwaukee : Ndlr]. Notre enseigne commercialise les produits de ce fournisseur depuis plus d’une dizaine d’années. Tout comme Legallais et, d’une manière plus générale, le groupe Grand Comptoir [DFC2, Protecthoms, Bricozor… : Ndlr], Milwaukee est un acteur engagé en matière de RSE au sens large et est plutôt mature sur ces dossiers. Assez naturellement, nous avons souhaité participer à cette expérimentation. Ce projet de back market est une première dans la profession du négoce Quincaillerie.
Legallais s’est engagé à deux titres. Nos points de vente pilotes servent d’une part à commercialiser une offre de seconde main et d’autre part de points de collecte pour reprendre les équipements usagés et les transmettre ensuite au SAV de Milwaukee. Le fabricant s’occupe de gérer l’ensemble de la chaîne de reconditionnement.
« Les équipes de ventes sont motivées pour commercialiser des produits reconditionnés. Il faut les accompagner pour qu’elles soient à l’aise à proposer du neuf ou de la seconde vie en fonction du besoin du client. »
Le dossier a été validé avec Milwaukee fin 2024. Le lancement opérationnel auprès des clients est engagé depuis février dans une région pilote : la Bretagne où nous disposons de cinq agences – à Brest (Finistère), Loudéac (Côtes-d’Armor), Vannes (Morbihan) et deux à Rennes (Ille-et-Vilaine). La phase d’expérimentation se déroule tout au long de l’année 2025. Nous arrêterons notre décision de faire évoluer ou d’élargir ce test à d’autres régions en fonction des résultats obtenus en Bretagne et en concertation avec Milwaukee.
Il y a d’abord une certaine appétence des équipes à commercialiser la marque Milwaukee. En effet, trois des agences bretonnes commercialisaient uniquement cette marque d’électroportatif lorsqu’elles étaient encore sous enseigne DFC², puis intégrées au réseau Legallais fin 2023. Elles connaissaient très bien les produits et étaient particulièrement motivées pour s’investir sur ce dossier. Au sein de Legallais, tous les tests d’Innovation et pilotes que nous menons se font avec des volontaires motivés et impliqués. Les collaborateurs de nos cinq point de ventes bretons ont tous bénéficié d’une action de sensibilisation et de formation à l’offre de seconde main.
« En général, les clients BtoB qui acquièrent un outil électroportatif reconditionné ne sont pas des primo-utilisateurs de la marque Milwaukee. »
Pour lancer ce test, nous nous sommes appuyés sur le parc d’appareils déjà reconditionnés par la marque dans son atelier SAV situé en région parisienne. Nous nous sommes engagés en référençant et mettant en stock l’ensemble de cette offre qui nous était confiée. Ensuite dans chacune de nos agences bretonnes, deux corners ont été implantés. Un pour présenter et commercialiser l’offre reconditionnée et un deuxième pour la reprise d’électroportatif usagés. Les stocks sont partagés entre les cinq points de vente bretons. Legallais a acheté à Milwaukee l’offre reconditionnée à un tarif préférentiel et la propose à ses clients professionnels avec une décote de l’ordre de 30 % pour être attractive par rapport à du matériel neuf. Pour les produits que nous collectons, ils ne doivent pas avoir été utilisés plus de cinq ans maximum. En contrepartie de leur reprise, les clients professionnels reçoivent des bons d’achat à valoir sur leurs prochaines commandes.
C’est un peu court pour tirer des conclusions, mais selon les premiers enseignements que nous tirons, le concept ne séduit pas un corps d’état en particulier plus qu’un autre. Les clients BtoB qui passent à l’acte connaissent Legallais et Milwaukee. Ce ne sont pas des “primo-utilisateurs” de la marque Milwaukee. La seconde main s’avère en général du matériel de complément dans le parc d’électroportatif dont ils disposent déjà. À ce titre, il n’y a, à priori, pas de cannibalisation des ventes d’appareils neufs. Ce sont même plutôt des ventes complémentaires. Nous avons aussi constaté que ce n’est pas obligatoirement le client venant déposer un outil usagé qui acquiert de la seconde main.
« Nous sommes à l’écoute de fabricants pour élargir l’offre reconditionnée à d’autres univers produits, notamment en matériel et équipements de l’atelier. »
Jusqu’à présent, la démarche est très bien perçue. Certains clients sont déjà sensibilisés à titre personnel au concept de seconde main et ont déjà acheté du reconditionné (téléphonie, électroménager, ameublement, etc.) dans des enseignes BtoC. La notion de réassurance auprès des utilisateurs est primordiale. Il faut faire œuvre de pédagogie pour démontrer que la seconde main n’est pas synonyme de performances techniques dégradées. En outre, pour chaque produit reconditionné Milwaukee propose une nouvelle garantie de six mois et délivre un certificat de conformité “seconde main” avant de remettre les produits sur le marché. Le packaging, lui, est en carton recyclé. Depuis le lancement de l’opération, nous réalisons des ventes quotidiennes et chacun des cinq points de vente y contribuent. C’est conforme à nos prévisions.
Nous sommes en phase de test & learn. Nous allons d’abord tirer toutes les leçons avec Milwaukee pour voir s’il y a des ajustements à faire et quelles peuvent être les éventuelles pistes d’amélioration. Nous échangeons régulièrement avec la marque pour partager les enseignements et faire évoluer la démarche de test à échelle réduite. Peut-être élargirons-nous le dispositif à nos 32 points de vente mais seulement si cela nous permet de tirer d’avantage d’enseignements. Par ailleurs, nous sommes à l’écoute de fabricants pour élargir l’offre reconditionnée à d’autres univers produits, notamment en matériel et équipements de l’atelier. Quoi qu’il en soit, nous restons à l’écoute du marché et souhaitons que Legallais soit identifié comme un distributeur innovant et engagé.
Le distributeur a lancé en 2022, via sa fondation d’entreprise, une première braderie de ses invendus dans un tiers-lieu à Caen. À la rentrée 2024, l’opération a été menée durant un dimanche à La Chiffo (80 salariés en insertion professionnelle) dont le site se trouve à Hérouville Saint-Clair où siège le groupe normand Grand Comptoir, maison-mère de Legallais.
Avec ses salariés bénévoles, la fondation Legallais y a écoulé l’équivalent d’un semi-remorque d’articles de plomberie, d’électricité, d’outillage et d’EPI (vêtements de travail, chaussures de sécurité) : des invendus ou fins de série proposés à prix cassés – jusqu’à 10 % du prix de vente d’origine. À chaque édition, pas moins de 3 000 particuliers assistent à cette grande manifestation solidaire.
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