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« Si la relation physique relève de l’ancien monde, alors nous le revendiquons ! »

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Jérôme Bayard, président de Matnor

Rencontre avec Jérôme Bayard, président de Matnor.

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Quelles traces la crise sanitaire a-t-elle laissées dans votre réseau ?

Jérôme Bayard : D’abord, il faut dire que nous ne sommes pas complètement sortis de cette crise. Cela dit, avec deux points supplémentaires de chiffre d’affaires, cette période n’a pas été négative pour nos adhérents. Nos points de vente ont dans l’ensemble réouvert très rapidement dès mars 2020, même si pour certains la fermeture a duré un mois, mais essentiellement pour des raisons d’indisponibilité du personnel empêché de travailler pour des raisons liées au Covid. Mais dans l’ensemble, les collaborateurs ont joué le jeu, il faut le dire aussi.

 

Et du côté de la relation client, entre contact direct et digitalisation ?

J. B. : Nous avons mis en place des clics & collect avec les mesures de distanciation, ce qui pose effectivement le sujet de la digitalisation des points de vente. Or, dans un monde de plus en plus concurrentiel, si une prise de conscience est en cours, nos adhérents veulent cependant privilégier la relation humaine, le contact avec le client, et si cela relève de l’ancien monde, alors nous le revendiquons !

 

Comment avez-vous réagi à la pénurie de certains matériaux ?

J. B. : Les tensions portent surtout sur le bois, les isolants et les métaux. Elles ont commencé en janvier de cette année avec des répercussions deux mois plus tard. La hausse des prix n’est donc pas surprenante et nous pouvons comprendre. Ce qui l’est moins, ce sont “les hausses sur les hausses”, jusqu’à 40 % sur le bois et l’acier. Les délais de disponibilité sont également plus longs, même si, comme d’autres collègues, nous avons en partie anticipé sur certains produits. Dans l’ensemble, on a assisté au même phénomène d’emballement de la demande, comme pour le papier toilette au début de la crise sanitaire ! Tout le monde stocke…

 

Et à l’arrivée, qui va payer la facture ?

J. B. : A l’arrivée, c’est le client final qui risque surtout de se détourner ou de différer ses projets de travaux, faute notamment de capacité de financement en raison du surenchérissement des matériaux. Ce sont les raisons pour lesquelles nous souhaitons une régulation de l’offre et de la demande – mais sans intervention des pouvoirs publics – car ce qui se passe actuellement est inédit tant par l’importance que par la durée.

 

Gestion des déchets, maîtrise des énergies... Que vous inspirent ces sujets ?

J. B. : Nous avons effectivement l’obligation d’organiser la collecte des déchets issus du Bâtiment soit sur site soit grâce à un conventionnement avec une déchetterie privée. Ce système devrait évoluer vers une reprise gratuite des déchets mais ce n’est pas encore bien défini. Affaire à suivre. Même si nous collectons déjà ces déchets, plusieurs questions sont ouvertes : quels emplacements, sélection et tri, valorisation financière, gestion en régie ou sous convention etc. ? On nous demande de créer un nouveau métier alors que nous sommes d’abord des négociants. Il va donc falloir mettre en place des formations, notamment sur les risques pour le personnel ou pour la gestion des déchets à risques …. Cependant, il existe de belles expériences en région parisienne dans ces domaines et puis, côté positif, ce sera aussi un levier de fidélisation de nos clients en concentrant au même endroit le matériaux et l’équipement neuf et le déchet.

 

Et vis-à-vis de la RE 2020 ?

J. B. : Les premiers concernés sont les artisans, les professionnels du Bâtiment, parfois les particuliers en tant que clients directs. Qu’il s’agisse de la construction neuve ou de la rénovation, le négoce s’adapte. C’est le cas pour la rénovation énergétique. Nous sommes aussi parfois précurseurs et force de proposition, comme par exemple pour les produits biosourcés. Mais globalement, est-ce à nous d’être moteur dans ces domaines ? Il appartient aussi aux fournisseurs de nous proposer de nouveaux produits, d’une part, et à nos clients de s’adapter à l’évolution d’autre part, ce qu’ils font face aux normes qui sont de toute façon imposées. Prenons l’exemple des fibres alternatives : le coût supplémentaire comparé aux produits standards est de 20 à 30 %… ce qui fait réfléchir le client final et évidement le professionnel. Mais la RE 2020 pénétrera les acteurs de la construction comme il en a été de la RT 2012, ils suivront forcément le mouvement. Il en va ainsi de l’adaptation du logement liée à la perte de mobilité ou des certificats et primes à la rénovation énergétique : nous sommes à leurs côtés pour offrir à leurs clients des solutions techniques, qui souvent existent déjà, par exemple pour l’adaptation de la maison au vieillissement des occupants.

 

Êtes-vous concernés par les certificats d’énergies ?

J. B. : S’agissant des aides publiques et privées en matière d’amélioration énergétique, d’isolation notamment, il faudrait surtout beaucoup plus de contrôles face à des entreprises et à des matériaux pas toujours bien identifiés… et dont la viabilité des travaux peut interroger. Ce qui est sûr, c’est que ces entreprises ne viennent pas chez nous !

 

Au-delà des techniques et de la réglementation, il y a aussi la ressource humaine…

J. B. : Et c’est précisément cette ressource qui nous pose question dès lors que les besoins sont importants. Or, il y a de vraies difficultés de recrutement de chauffeurs, de magasiniers et de vendeurs de qualité bien sûr. Il existe une certaine méconnaissance des métiers du Bâtiment et de la construction dans le monde de la formation initiale et professionnelle. La distribution est spécifique, nous sommes du négoce, avecune vision différente du métier et des pratiques commerciales avec les artisans, avec les pros.

Le problème du recrutement est différent en zone rurale ?

J. B. : Oui, le problème est d’autant plus accru dans les zones rurales, qui concerne beaucoup de nos adhérents, en raison des distances géographiques entre les lieux de formation et de travail. Malgré tout, parallèlement à l’apprentissage qu’il faut encore développer, notamment par des campagnes de promotion comme le fait la Fédération française du Bâtiment. En ce qui concerne notre groupement, nous avons organisé en 2019 des sessions de formation en vue de délivrer des certificats de qualification professionnelle. Nous avons aussi des contacts avec des écoles (BTS…) pour la formation de vendeurs de matériaux de construction, que ce soit en alternance ou en post-formation.

 

Recueilli par Christophe Nagyos

Matnor en chiffres :

  • CA 2020 : 256,81 millions d'euros
     
  • 44 adhérents 
     
  • 55 points de vente, surtout dans les Hauts-de-France et le Grand Nord de Paris
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