La France doit redoubler d’efforts pour développer sa chaleur renouvelable
Si la question du prix de l’énergie est présente dans le débat présidentiel, les réponses apportées concernent surtout l’électricité et rarement la chaleur. Pourtant, comme la Fedene le rappelle, il s’agit d’un enjeu majeur pour que la France puisse atteindre ses objectifs de décarbonation dans le cadre de ses politiques (PPE, SNBPE, « Fit for 55 » de l’UE). Les acteurs du secteur proposent de tripler le rythme des économies d’énergie dans le bâtiment et celui de déploiement des solutions vertueuses de production/distribution de chaleur et de froid.
Pour Pierre de Montlivault, nouvellement élu à la tête de la Fedene (Fédération des services énergie-environnement), l’urgence est double : écologique, avec la lutte contre le changement climatique, et sociétale, avec la difficulté croissante des ménages à régler leurs factures énergétiques, notamment de chauffage. Or, sur ce point, le responsable fédéral déplore de ne jamais entendre parler de chaleur renouvelable, qui constitue pourtant une part importante de la solution. Face à ce silence assourdissant des multiples candidats à la présidentielle, plus portés à taper sur les renouvelables électriques ou à prôner une relance de l’atome, la Fedene a publié un « Vade Mecum » en 11 points, afin de repositionner leur filière au cœur de la transition. Outre les programmes présidentiels, la fédération entend peser sur les discussions autour de la prochaine Programmation pluriannuelle de l’énergie (2023-2028). Pierre de Montlivault explique : « Il faut choisir ses combats et opter pour les solutions les plus efficaces, à une échelle locale, celle des territoires, où tout se joue. Mais il faut également une impulsion nationale pour insuffler la dynamique et obtenir des outils permettant de passer à l’action ».
Pour y parvenir, la Fedene propose d’activer deux leviers distincts. Tout d’abord en triplant le rythme des économies d’énergie dans les bâtiments et l’industrie. Comme elle le rappelle, « pour atteindre les objectifs européens de décarbonation pour 2030 (« Fit for 55 ») il est nécessaire de faire passer le rythme annuel de 0,76 % à 2,18 % par an, tous secteurs confondus ». Mais comment faire ? D’abord en se concentrant sur les postes les plus efficaces en matière de performance environnementale, en renforçant les dispositifs de soutien et en concentrant l’action de bonification des CEE sur les actions de rénovation avec engagement de résultat via des contrats de performance énergétique, notamment pour les bâtiments à boucle d’eau chaude. La Fedene souhaite également la création d’un fonds d’amorçage temporaire et dégressif spécifique au tertiaire afin d’encourager la mise à niveau du parc. Enfin, elle suggère de renforcer l’obligation d’entretien annuel des équipements (ventilation, climatisation, PAC).
Trois fois plus d’efforts, deux fois plus de postes
Côté production et distribution de chaleur et de froid justement, il s’agira là aussi de tripler la vitesse de déploiement des solutions vertueuses, en remplacement des fossiles. L’objectif : atteindre en 2030, un mix de chaleur de 280 TWh, composé de 170 TWh de bois-énergie et de chauffage domestique au bois, de 19 TWh de valorisation des déchets et combustibles solides de récupération, de 12 TWh de géothermie, plus 45 TWh de PAC aérothermiques, 18 TWh de gaz vert et 15 TWh de chaleur fatale récupérée. À noter que le solaire thermique reste le petit poucet de cette transition avec seulement 1,2 TWh prévus. Cette fois, la Fedene entend « mobiliser toutes les sources d’énergie disponibles localement pour verdir les approvisionnements en chaleur (bois-déchets, CSR) » et « encourager les synergies entre industriels afin de valoriser les gisements de chaleur fatale ». Pour faire profiter le plus grand nombre de cette chaleur renouvelable, il faudra en parallèle densifier les réseaux existants et en créer de nouveaux, notamment dans les villes de moins de 50 000 habitants en s’appuyant sur le Fonds chaleur. Pierre de Montlivault l’assure : « La France a un fort potentiel de géothermie, des forêts, des déchets à valoriser et un tissu industriel pour y parvenir », tout en plaidant pour un emploi raisonné des deniers publics en se concentrant sur les projets les plus efficaces.
En y parvenant, un objectif bonus pourrait être atteint dans le même temps : celui de doubler le nombre d’emplois de la filière, qui sont aujourd’hui 60 000. Comme souvent, un effort sera à faire dans le domaine de la formation initiale afin de répondre au mieux aux besoins des entreprises : il faudra renforcer la coopération avec les écoles et les dispositifs d’alternance et d’apprentissage notamment en pérennisant le dispositif « Un jeune une solution ». Ensuite, en soutenant les salariés en reconversion, et enfin en développant de nouvelles compétences en lien avec les collectivités cette fois (afin d’assurer la continuité des services publics de l’Etat et des territoires).