« La création de la Fédécomat : une étape majeure pour rendre visibles les éconégoces »

Stéphane Vigliandi
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Coprésidents de la Fédécomat.

Alors que la création de la Fédération nationale des négoces en écomatériaux (Fédécomat) a été officialisée le 15 janvier 2025, ses deux coprésidents reviennent pour la rédaction de Zepros Négoce sur l’origine du projet. Ils détaillent leur volonté d’organiser et promouvoir une profession encore morcelée sur un marché pourtant mature.
 

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Raisons et genèse de la Fédécomat

Jonathan Leplay : Bien que le marché des écomatériaux existe depuis au moins une trentaine d’années, aucune structure fédérant les négoces spécialisés n’existait jusqu’à présent. Selon nos estimations, il y aurait environ une centaine de distributeurs positionnés sur ce seul segment, voire sans doute plus. Avec une dizaine d’autres confrères issus de toute la France, nous nous sommes rapprochés pour travailler sur ce projet de “maison commune” tout au long de l’année 2024. Les statuts de la fédération ont officiellement été déposés en décembre 2024. Nos missions prioritaires sont de deux ordres : d’une part, apporter une définition claire et précise du métier de négoce en écomatériaux pour mieux identifier la profession ; d’autre part, communiquer et sensibiliser les différents publics.

Jean-Luc Lesoin : Il faut tout d’abord rappeler que les éconégoces se sont créés dans la mouvance de l’écologie politique au tout début des années 1970 née en France. À l’époque, leurs dirigeants exploitaient seuls ou à deux de petits points de vente ciblant des clients à projet convaincus – souvent des “castorsˮ – et quelques rares artisans militant pour la cause écologiste. Jusqu’au milieu des années 2000, la France n’était pas réellement en avance par rapport à d’autres de ses voisins européens. Il s’agissait alors d’un marché de niche comparé à ce qui s’est passé, par exemple, dans la filière alimentaire avec l’essor de l’agriculture bio depuis une vingtaine d’années.

J. L. : Assez longtemps, les éconégoces ont d’ailleurs dû s’approvisionner en écomatériaux importés à près de 95 %. L’offre “made in France” s’est maintenant largement développée. C’est aussi l’une des raisons pour laquelle les douze dirigeants d’enseigne indépendante ont voulu cofonder la Fédécomat pour structurer la profession sur un marché désormais mature.

Actuellement, le secteur du Bâtiment n’utilise que 2 % des principales bioressources disponibles en France (bois d’industrie, papier, coton et chanvre).
(Source : Association des industriels de la construction biosourcée)

Le bon timing pour créer cette nouvelle fédération ?

J.-L. L. : Au cours des dix ou quinze dernières années, notre filière s’est largement professionnalisée autour de distributeurs de petite taille, mais aussi de quelques réseaux organisés qui se sont déployés plus ou moins rapidement. Notre paysage de la distribution reste très morcelé. Mais il est vivace et commence plutôt à bien irriguer les territoires.

J. L. : Dans certains pays européens comme en Allemagne, en Belgique ou encore en Scandinavie, le marché des matériaux dits “durablesˮ et “vertueuxˮ est installé d’assez longue date. En revanche, les éconégoces n’ont pas forcément réussi à se démarquer face à des acteurs généralistes souvent nationaux qui, très vite, ont préempté ce marché et racheté parfois certains distributeurs indépendants. C’est entre autres ce qui s’est produit en Belgique. Notre filière souffre encore d’un manque de visibilité et de représentativité.

J.-L. L. : Nous ne sommes pas encore sur un marché de volume. Mais, au-delà des réglementations de plus en plus strictes en matière de construction et solutions durables, il y a une prise de conscience collective qui dynamise l’offre, tandis que la demande ne cesse de croître. C’était le moment opportun pour créer notre fédération. Elle va agir comme un levier en vue de rassembler, structurer et mieux organiser notre secteur à l’échelle nationale.

« Nous étudions la possibilité de créer un label de qualité qui pourrait garantir aux professionnels et aux utilisateurs finaux la qualité des produits posés et des services proposés. »
Jean-Luc Lesoin

Des missions multiples

J. L. : Le rôle de la Fédécomat et de ses neuf administrateurs [voir encadré ci-dessous] est avant tout de valoriser les acteurs locaux qui entendent contribuer à leur mesure à la transition écologique. Depuis des années, c’est tout un écosystème ancré dans les territoires qui œuvre à promouvoir les valeurs de l’écoconstruction en référençant des systèmes et solutions affichant une empreinte carbone la plus réduite possible sans rogner sur les performances techniques.

J.-L. L. : Notre mission est aussi de défendre et représenter les intérêts des éconégoces. Ce qui passe, notamment, par la promotion de nos expertises au niveau national auprès des pouvoirs publics, des institutionnels et des utilisateurs finaux. Il s’agit de démontrer que les écomatériaux sont désormais “la” clé pour construire autrement.

J. L. : Une charte d’engagement [voir document ci-dessous : Ndlr] a été élaborée pour que nos adhérents respectent une charte de qualité encadrant leurs activités et pratiques commerciales. La fédération joue par ailleurs un rôle de veille permanente auprès de ses membres – notamment sur le plan réglementaire, concernant les dernières tendances du marché, l’évolution de la mise en oeuvre de nouveaux produits, les actions à menées vis-à-vis de la prescription. Le but est aussi de permettre aux adhérents d’échanger sur les bonnes pratiques et de mutualiser leurs activités.

« La Fédécomat entend favoriser le partage des savoir-faire, des expertises et connaissances pour une meilleure appréhension et maîtrise des écomatériaux. »
Jean-Luc Lesoin

J.-L. L. : Aujourd’hui, trois groupes de travail (GT) ont déjà été constitués : l’un pour les adhésions, les deux autres pour les partenariats avec les industriels entre autres et la communication. À travers ce troisième GT, la Fédécomat mettra en place des plans d’action et outils de communication pour faire connaître nos métiers, sensibiliser les différents publics dont les artisans et prescripteurs. Les adhérents bénéficieront d’un programme de formations ad hoc.

J. L. : Parmi nos projets 2025, la Fédécomat souhaite aller à la rencontre de toutes les organisations professionnelles défendant l’écoconstruction et les écomatériaux. Il s’agit de créer du lien car toutes ces structures ne se rencontrent pas forcément en-dehors des réunions interministérielles. Demain, nous pourrons aussi envisager de nous rapprocher d’autres organisations professionnelles du négoce et d’artisans du Bâtiment pour échanger.

Selon l’article I de la charte d’engagement de la Fédécomat, « un négoce membre actif distribue majoritairement des écomatériaux […]. Il n’est pas généraliste et ne fait pas partie d’un groupe de généralistes […]. Son stock est spécialisé. »

Vos spécificités face au négoce traditionnel ?

J. L. : Les enseignes généralistes et multispécialistes proposent depuis quelques années un plan de vente dédié encore assez restreint. Néanmoins, un éconégoce va plus loin dans la démarche. Un spécialiste des écomatériaux dispose de la totalité des solutions, y compris sur l’offre de produits connexes (visseries, rails métalliques…) qui commence à être issus de l’économie circulaire.

J.-L. L. : Les professionnels du Bâtiment sont logiquement de plus en plus demandeurs d’informations et de conseils techniques. Nous nous inscrivons aussi, autant que possible, dans une logique de circuit court pour nous approvisionner.

J. L. : Nos plans de référencement font d’ailleurs l’objet d’une sélection très stricte et rigoureuse pour répondre à plusieurs critères : composition des produits répondant aux exigences environnementales, analyse du cycle de vie, recyclabilité, poids carbone, performances thermiques et techniques, intégration dans le bâti ancien, etc.

Les écomatériaux mieux margés que les solutions conventionnelles ?

J. L. : En fonction des univers produits, notamment en isolation, certaines références peuvent présenter un différentiel de prix avec un niveau de marges un peu supérieur par rapport aux distributeurs de matériaux multispécialistes. Mais, sur un marché des écomatériaux aujourd’hui mature et porteur, les différences tarifaires ont tendance à s’estomper.

Document

Les 9 administrateurs de la Fédécomat

• Matériaux Naturels / JLL Diffusion (Drôme) : Jean-Luc Lesoin, coprésident.

• Groupe Biosfaire (Loire-Atlantique) : Jonathan Leplay, coprésident

• Habitat Écologique Lorrain (Meurthe-et-Moselle) : Pierre-Jean Bagard, secrétaire.

• Bien-Être Matériaux (Val-de-Marne) : Samuel Brizard, vice-secrétaire.

• Nature & Habitat (Landes) : Ludovic Ducasse, trésorier.

• Optimat (Marne) : Annette Chartier, vice-trésorerière.

• LGK (Territoire de Belfort) : Laurence Kawecki.

• Astarac Patrimoine Innovation (Gers) : Annie Poulin.

• Logisain (Loire-Atlantique) : Renaud Gille-Naves.

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