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Stéphane Vigliandi

« Des inquiétudes sur la sortie de crise Covid »

Frank Bernigaud
Président
FDMC
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Frank. B

Dans le cadre de l'édition 2021, du numéro spéciale NégoceTop 100, rencontre avec le président de la Fédération des Distributeurs de Matériaux de Construction. 

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NOUVELLE IDENTITÉ

Franck Bernigaud : Notre profession est forte, mais n’était pas assez identifiée, notamment auprès des pouvoirs publics. En nous rebaptisant Fédération des distributeurs de matériaux de construction (FDMC) en janvier, nous gagnons en visibilité et lisibilité en contribuant à mieux faire appréhender la réalité et les nuances de notre profession. Dans un contexte de métiers en tension, l’enjeu est aussi de se faire connaître plus aisément auprès des jeunes qui ne perçoivent pas forcément tous les atouts qu’offre notre filière.

PAS D’EFFETS DÉVASTATEURS EN 2020

F. B. : Si les négoces généralistes ont clos l’exercice à -1,9 % et les spécialistes bois à -6,2 %, la fin 2020 a été exceptionnelle, gommant en grande partie le retard accumulé lors du premier confinement. Les dispositifs d’État (MaPrimeRénov’, simplification des CEE…) ont clairement dynamisé la rénovation, alors que la conjoncture est restée assez dégradée dans le neuf (individuel, collectif, tertiaire). L’évolution du mix clients a joué aussi un rôle positif durant les deux premiers confinements avec un volume d’affaires très soutenu en diffus et une plus forte fréquentation des particuliers en agences dont la part des paiements au comptant est plus favorable à nos trésoreries. Dans l’ensemble, la rentabilité et les comptes de résultats de nos adhérents n’ont pas été pénalisés.

MI-2021 PLUS QUE TRÈS CORRECT

F. B. : À la lecture des bilans 2020 des négoces, les assureurs-crédits ont d’ailleurs un peu aplani leurs positions par rapport au début de la crise sanitaire. Depuis le début de l’année, le volume d’affaires reste très soutenu avec une accélération dès mars. Il s’agit même plus que d’un simple effet de rattrapage. Au premier semestre, l’activité a dépassé en moyenne d’au moins 15 % les niveaux des six premiers mois 2019. Jusqu’au début de l’été, beaucoup de nos clients artisans indiquaient disposer de 12 à 18 mois de visibilité en termes de carnets de commandes, essentiellement en diffus.

L’IMPACT DES HAUSSES TARIFAIRES

F. B. : La filière du BTP est confrontée à une flambée spectaculaire des prix des matériaux qui s’est intensifiée à l’automne 2020 et en début d’année. D’une manière générale, les épisodes d’inflation ne jouent pas en défaveur de la distribution puisque les stocks sont valorisés. Sur le seul premier semestre 2021, les hausses de prix devraient avoir eu un impact de l’ordre de 10 % sur la croissance du chiffre d’affaires de notre profession. Dans l’ensemble, si les négociants les ont répercutées en partie sur leurs clients, beaucoup ont très rapidement dû limiter leurs engagements tarifaires à deux semaines, voire parfois une semaine. Courant juin, il semble qu’un plateau a été atteint – du moins sur certains produits comme les aciers bruts et transformés, les ossatures métalliques dont les prix se stabilisent.

La FDMC en chiffres

• Plus de 20 Md€ de CA estimé pour 2021

• 1 183 adhérents

• 5 500 points de vente

GÉRER LES PÉNURIES

F. B. : Nos entreprises ont malgré tout peu de marges de manœuvre. Les prix annuels avec les fournisseurs sont fixés contractuellement. Il reste difficile, voire impossible de les renégocier. Les chefs de marché du négoce doivent jongler tant bien que mal avec la politique de quotas de notre amont industriel en évitant, entre autres, les achats anticipés de certains de leurs clients. Si le dialogue avec l’amont et l’aval de la filière reste néanmoins constructif, les tensions persistent sur les approvisionnements de nombreux matériaux comme les tuiles, la plaque de plâtre, les systèmes d’isolation. Les niveaux de stock de sécurité des distributeurs en pâtissent avec, parfois, des ruptures en agences. Ce contexte oblige notre profession a anticipé encore plus, faire plus de prospections sur les besoins de stock à venir.

BOIS & DÉRIVÉS DANS L’ÉTAU

F. B. : En revanche, la situation reste très préoccupante sur les marchés mondiaux du bois en raison, entre autres, d’une explosion de la demande chinoise et nord-américaine qui désorganise toute la chaîne d’approvisionnement. En bois de structure et d’ossature notamment, les prix se sont envolés et les délais d’approvisionnement sont rallongés de cinq, six, voire sept mois. C’est un peu comme à l’issue des deux tempêtes de la fin 1999 où le négoce avait été confronté au boom des prix sur les bois et produits de couverture. Il avait fallu plus d’un an avant un retour à la normale. Sans doute faudra-t-il aussi redimensionner la logique du “tout bois” dans le cadre de la RE 2020 en mixant beaucoup plus les matériaux et les solutions constructives. Notre fédération défend cette approche depuis plusieurs années.

CRAINTES ET VIGILANCE

F. B. : La filière reste unie pour surmonter cette crise. Le médiateur des entreprises a mis en place deux outils : le comité de crise spécifique et une médiation de filière avec un médiateur délégué. Mais les menaces de chantiers à l’arrêt et d’un surenchérissement des coûts de construction ne sont pas écartées pour autant. Jusqu’à présent, nos clients artisans ont réussi à préserver leurs marges. Les aides (PGE, reports de charges, chômage partiel) ont aussi eu un effet amortisseur. Si nous n’avons eu à déplorer que très peu de défaillances sur notre aval depuis le début de la crise Covid, la situation pourrait devenir beaucoup plus délicate dès la fin 2021 et surtout en 2022.

Recueilli par S. Vigliandi

Les autres dossiers en cours

• La REP Bâtiment. « L’Unicem s’est déjà positionnée sur les déchets inertes et Valobat sur ceux du second œuvre. Le dispositif ne sera sans doute pas opérationnel à 100 % dès le 1er janvier 2022. La FDMC souhaite que le gouvernement prenne mieux en compte le dispositif existant qui oblige déjà le négoce à collecter et organiser la reprise des déchets. Pour ne pas faire supporter tous les surcoûts sur nos points de vente, le décret Périmètre doit être modifié. »

• Constructys. « Le tribunal administratif de Paris a décidé d’annuler l’arrêté d’agrément de notre OPCO créé en avril 2019. Si les demandes de financement de formations et les signatures de contrats en alternance sont toujours traités, la question du financement est en suspens. C’est un énorme préjudice pour nos salariés et aux futurs alternants. Il faut espérer qu’une issue favorable soit trouvée avant la rentrée entre les partenaires sociaux et le gouvernement ; la FDMC ayant un siège au comité de crise. »

Stéphane Vigliandi
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