
« Les points de vente deviennent des centres de ressources techniques »

À la tête de Coédis, qui fédère plus de 400 entreprises de la distribution professionnelle, José Prétot dresse un état des lieux lucide d'un secteur en pleine mutation. Entre incertitudes économiques, complexité réglementaire et pression sur les marges, il plaide pour plus de stabilité afin de permettre aux distributeurs de jouer pleinement leur rôle dans la transition énergétique. Dans cet entretien, il revient sur l'évolution du métier, le virage numérique engagé, et appelle les professionnels à rester mobilisés, malgré les turbulences.
Nous vivons une période de forte tension. Le ralentissement de la construction neuve, combiné à la complexité croissante des dispositifs de rénovation, a pesé lourdement sur l'activité. Le marché est freiné autant par l'incertitude économique que par la volatilité réglementaire. Et pourtant, la demande est là : les besoins de rénovation énergétique sont immenses ! Ce qui manque, c'est un cadre lisible et une visibilité durable. Nos adhérents, distributeurs professionnels ancrés dans les territoires, continuent d'avancer, mais avec prudence. Ils font face à l'inflation sur les coûts de fonctionnement, à la pression sur les marges, aux difficultés d'approvisionnement sur certains segments techniques, mais surtout à l'imprévisibilité des aides publiques… Ils doivent faire preuve d'agilité permanente. Ils sont aussi confrontés à une montée en puissance de nouveaux acteurs numériques, parfois très éloignés du terrain.
Le distributeur professionnel est souvent le premier interlocuteur concret de l'artisan lorsqu'un client envisage une rénovation énergétique. Il joue un rôle de pédagogie, de sélection produit, d'orientation vers les bonnes pratiques et de relais sur les dispositifs d'aide, grâce à leur formation en tant que RAR (référent d'aide à la rénovation), pour la plupart, dans le cadre du programme Oscar. Ce rôle de tiers de confiance est fondamental. Mais encore faut-il que les règles du jeu soient stables. Il est difficile de remplir ce rôle si l'on change les critères d'éligibilité ou les conditions de MaPrimeRénov' tous les six mois… Sur le fond, nous partageons les mêmes ambitions : décarboner, rénover, faire monter en compétence. Mais sur la forme, les professionnels attendent plus de lisibilité, plus de simplicité, et plus de cohérence dans le temps. Nous sommes dans un secteur où l'on planifie sur plusieurs mois, parfois plusieurs années. La logique du “stop and go” ne permet pas une mobilisation sereine.
« Il y a une véritable évolution culturelle en cours dans la profession, vers plus de proximité qualitative. »
Face à la complexité croissante des équipements, des exigences environnementales et des attentes clients, le métier de distributeur se transforme. On n'est plus simplement dans une logique de stock. Il y a une véritable évolution culturelle en cours dans la profession, vers plus de proximité qualitative. Les points de vente deviennent des centres de ressources techniques. Les collaborateurs doivent maîtriser les aides, les normes, les contraintes de pose. Ceci pour aider les artisans à prendre en main correctement les nombreuses innovations techniques proposées par les fabricants. Ce rôle d'accompagnement est primordial.
La transformation du métier s'appuie effectivement sur les outils digitaux. Nous avons notamment élaboré Fab-Dis et soutenons ETIM (lire encadré). Et nous travaillons sur les premières applications concrètes de l'intelligence artificielle. De plus en plus d'enseignes investissent dans des outils prédictifs pour mieux anticiper les flux, améliorer les devis, et assister les équipes commerciales dans l'analyse des besoins. Je crois que l'IA peut devenir un levier d'efficacité au service de l'humain, à condition qu'elle reste au service du métier et qu'elle renforce – et non remplace – la relation client.
Vous n'êtes pas seuls ! La période est exigeante, mais elle est aussi porteuse de transformation. Coédis est là pour vous aider à y voir clair, pour faire entendre votre voix, et pour créer des ponts entre les échelons nationaux et la réalité du terrain. La clé, c'est de rester collectivement mobilisés, unis, exigeants, mais constructifs. Et surtout : garder confiance. Nous sortirons plus forts de cette séquence si nous avançons ensemble.
La fédération Coédis en chiffres
• Nombre d'adhérents : 400 entreprises
• Part de marché : plus de 85 % des entreprises sont fédérées
• Chiffre d'affaires cumulé : près de 15 milliards d'euros
• Nombre de points de vente : plus de 4 000 agences et showrooms
• Nombre de salariés : plus de 44 000
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