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Grégoire Noble

[NÉGOCE TOP 2022] « Peut-être y aura-t-il un creux à passer en 2023 ? »

Laurent Chameroy
Directeur général
Samse
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Laurent Chameroy (Samse)

Avec Jérôme Thfoin (directeur marketing & innovation), le directeur général et financier du groupe Samse répond aux questions de Zepros Négoce quant à la situation actuelle des matériaux, aux perspectives du marché, aux investissements attendus et aux problèmes de recrutement.

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Dans les grandes lignes, pouvez-vous résumer l’a fin d’année 2021 ?
Laurent Chameroy

Elle a été une année avec un bon volume d’activité et des hausses de prix sur certaines matières comme le bois, le PU ou les aciers. Mais l’inflation n’était pas encore généralisée. Cela a donc été une excellente année, avec des clients solides et une bonne capacité d’adaptation de nos équipes. Mais depuis, nous avons connu des pénuries avec différents fournisseurs. Les industriels annulent certaines commandes purement et simplement, et nous allouent des quotas. C’est du jamais vu !

Et comment s’est déroulé le début de 2022 ?
Laurent Chameroy

Dans la foulée, avec une activité bien orientée jusqu’à fin mars, un maintien des volumes et des hausses moins fortes des tarifs. Il y a eu des variations de 10-15 % sur le bois et l’acier mais la situation des pénuries s’améliore car les industriels se sont adaptés. Et nous entretenons de bonnes relations avec nos fournisseurs pour trouver des solutions. Concernant notre activité BtoC dans le bricolage, nous avons enregistré un recul du chiffre, avec une inflation moins marquée et une nette diminution des volumes. La situation est donc contrastée. Les particuliers sont peut-être en pause dans leurs projets pour reprendre d’autres dépenses. Mais il faut dire que l’année 2021 à laquelle on se compare était une année record.

Concernant les perspectives de fin d’année ?
Laurent Chameroy

Nous restons assez confiants. On a rarement eu aussi peu de visibilité, avec toutefois un niveau des prix qui devrait se maintenir et des carnets de commandes pleins chez les professionnels. Malgré le redémarrage des défaillances d’entreprises, le marché reste quand même bien orienté à moyen terme.

Avez-vous constaté des évolutions de comportements chez vos clients ?
Laurent Chameroy

Oui, des comportements inédits, notamment chez les gros acteurs régionaux qui livrent des chantiers à marge réduite et préfèrent rembourser les programmes de construction non commencés plutôt que de les entamer. Ils gèlent les autres projets pour attendre de voir comment vont évoluer les prix.

Nous observons aussi le syndrome du « sac de farine ». Nos clients ont constitué des stocks chez eux, notamment les charpentiers et couvreurs. Pourtant il ne faut pas s’inquiéter. La situation est compliquée principalement sur les tuiles et briques où la pénurie est la plus importante du moment.


La mise hors d’eau des maisons devient problématique, c’est un goulot d’étranglement. La demande est forte. Les toitures sont donc bâchées provisoirement et même sur les bâches il y a des pénuries désormais. Les travaux prennent donc du retard et sont mis en file d’attente.

En dehors des tensions sur les matériaux, en constatez-vous d’autres ?
Laurent Chameroy

Il y a également une augmentation des charges liée au prix du gasoil et de l’énergie. Et la bascule RT2012 vers RE2020 qui s’est faite. Le stock de permis RT2012 a été éclusé sur les 6 premiers mois de l’année et maintenant nous entrons réellement dans la nouvelle réglementation, avec encore de la perte de marge avec des coûts de construction qui augmentent.

L’inquiétude monte sur les taux d’emprunt avec une inversion des courbes et un renchérissement du crédit. Les entreprises doivent également commencer à rembourser leur PGE. Toutefois, nous sommes confiants à moyen terme sur l’avenir de la profession.

Peut-être y aura-t-il un creux à passer en 2023.

Avez-vous repris vos investissements ?
Laurent Chameroy

Nous faisons un rattrapage, puisqu’en 2020 nous avons seulement consenti des investissements de maintenance. Il faut aujourd’hui moderniser nos stockages et notre parc immobilier (150 à 160 sites en propriété) pour mettre en œuvre le décret Tertiaire, tout en renouvelant notre flotte de véhicules. Mais les délais pour les camions ne sont pas raisonnables : il faut compter entre 12 et 14 mois d’attente ! Cela pourrait pénaliser la production. Sur la supply chain nous avons un plan stratégique de redimensionnement sur 5 ans, même s’il est difficile de nous projeter dans un marché en forte mutation. En tout état de cause, il faudra augmenter les capacités logistiques, notamment en Isère où les 30 000 m² seront quasiment doublés.

Et sur le digital ?
Laurent Chameroy

L’action a été continue pour la force de vente, avec l’adoption de smartphones et de tablettes qui embarquent la solution de gestion commerciale ainsi que le CRM. Notre solution de e-commerce Magento sera adoptée peu à peu par toutes les filiales (Entrepôt du bricolage, Mauris, Samse). Elle sera entièrement déployée fin 2025.

Toujours des tensions sur les métiers ?
Laurent Chameroy

Nous avons plus de 400 postes à pourvoir sur notre site Internet, donc 300 en CDI ! Il y a du turn over, notre croissance à accompagner, des départs en retraite et un secteur qui souffre du manque d’attractivité auprès des femmes et des jeunes. C’est un casse-tête pour les petites agences où le chef d’agence doit jouer les remplaçants. Et on court le risque de mal recruter dans l’urgence. Ce problème de RH est le plus dur. Nous assurons des formations grâce à notre centre de professionnalisation. Les CQP ont commencé en 2005 et nous sommes certifiés Qualiopi depuis 2021. Il y a un investissement fort car c’est un levier de satisfaction pour nos collaborateurs. Nous avons également boosté nos alternants depuis 2019 car c’est un bon moyen de dénicher des pépites. Aujourd’hui nous en avons au moins 200 en poste et nous en recherchons encore 100.

Finalement, nos métiers sont attachants quand on les a découverts, grâce au côté humain que l’on a en agence.

Par rapport à la filière REP, comment vous situez-vous ?
Laurent Chameroy

Nous y travaillons. Après avoir consulté les 3 éco-organismes candidats, nous avons décidé de nouer un partenariat  avec Écomobilier, avec qui nous travaillons déjà sur l’activité bricolage. Plusieurs sites pilotes ont déjà été choisis, deux par enseigne et cinq pour Samse, afin de se préparer au déploiement de la REP. Nous sensibilisons les équipes et nous formons les managers. Il faudra revisiter nos métiers à l’aune du changement climatique.

Grégoire Noble
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