[EDI] Le négoce parlera-t-il enfin le même langage ?

Stéphane Vigliandi
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Pour la 8e édition annuelle de ses “Rendez-vous du Négoce” qui s’est tenue le 23 mai, la Fédération du négoce bois et matériaux (FNBM) a proposé à ses adhérents un débat plutôt technique autour de l’EDI, des référentiels et formats d’échange de données, ainsi que de la data. Des jalons sont d’ores et déjà posés dans la filière des matériaux de construction.

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Bientôt un “esperanto commun” entre fabricants et enseignes du négoce Bâtiment ? Après la rénovation énergétique lors de ses “Rendez-vous du Négoce” en juin 2018, la FNBM a déplacé cette année le débat sur le terrain du commerce et du back-office. En marge de son assemblée générale, elle a invité ses adhérents et leurs fournisseurs à décrypter les clés en termes d’échange de données informatiques sur les produits.

Avec cette question : “EDI, format de données, data : quelles orientations pour la filière des matériaux de construction ?” L’occasion, selon la FNBM, de « comprendre et mesurer les enjeux liés aux données numériques » dans un environnement où l’information et les datas sont devenues le “carburant” des entreprises.

Fiabilité, gain de temps et productivité

Dans le secteur du Bâtiment, trois principaux référentiels coexistent actuellement : l’organisme de standardisation GS1 France opérationnel depuis 20 ans, la plateforme Edoni créée en 1986 par des acteurs de la quincaillerie, des fournitures industrielles et de l’outillage, ainsi que Fab.Dis lancée fin 2014 par la profession du matériel électrique.

Chacune a développé un format d’échange commun entre les marques et les distributeurs. Pour Christian Rosescou, président d’Edoni, « ces plateformes de l’information permettent de véhiculer plus rapidement les datas, tout comme le déploiement de plateformes logistiques a permis de livrer plus rapidement le négoce ».

Même constat pour Vincent Huin (Groupement Ignes) en charge de la commission Fab.Dis. Face à la puissance de feu des pure players (Amazon Business, BricoPrivé, Bricozor, ManoMano Pro…), cet expert de la data rappelle que l’enjeu pour le négoce est désormais de pouvoir « produire, intégrer et partager rapidement les données afin de les exploiter sur l’ensemble des points de contacts (digitaux et physiques) avec les clients ». Prochain chantier pour Ignes et Fab.Dis : l’automatisation des échanges de données.

« Les plateformes de l’information permettent de véhiculer plus rapidement les datas, tout comme le déploiement de plateformes logistiques a permis de livrer plus rapidement le négoce. »
Christian Rosescou, président d’Edoni

Interopérabilité

Revendiquant désormais 1 300 utilisateurs Fab.Dis (industriels et grossistes), Roland Mongin, délégué général de la FDME, insiste notamment sur les gains de productivité d’une telle plateforme commune. « De l’ordre de 30 à 35 % par rapport à une saisie manuelle qui reste source d’erreurs. Ce qui permet de dégager plus de temps pour développer de la data riche au niveau des catalogues numériques par exemple (tutos de mise en œuvre, vidéos, etc.) », argumente-t-il.

Chez Saint-Gobain Distribution Bâtiment France qui exploite aujourd’hui les trois standards, Alain Melliet, son responsable Référentiel articles, émet pourtant quelques réserves. « C’est un travail de longue haleine ! Il a fallu plus de deux ans pour que les industriels nous fournissent des données conformes ; notamment sur les aspects logistiques, de normes et de réglementation », pointe-t-il. Avec, pourtant, une contrepartie indéniable : les enseignes du groupe ont pu, selon lui, « faire un sacré nettoyage dans leurs bases de données produits ».

À l’heure des bases de données relationnelles, du “mouvement big data”, des stratégies cloud, du machine learning et de l’intelligence artificielle, la filière du Bâtiment va-t-elle – enfin – assister à une convergence des référentiels d’échange de données ? Lors de cette table ronde, tous les experts se sont accordés sur l’interopérabilité des formats d’échange.

hef de marchés Bâtiment & Bricolage chez GS1 France, Aihedan Dilimulati rappelle qu’à ce jour, « Edoni exploite les standards GS1 à environ 90 % » ; notamment le code GTIN symbolisé par les codes à barres EAN. Un chiffre qu'elle évalue à « plus de 80 % pour Fab.Dis ». En avril 2018, l’association Edoni a d’ailleurs signé un accord de partenariat avec GS1 France qui « garantit un langage commun basé sur l’utilisation de standards internationaux et interopérables », rappelle l’experte.

« Ces trois langages différents (Edoni, Fab.Dis et GS1) se complètent. Mais avec le BIM, la complexité sur la nature des datas se renforce. Il faut s’accorder sur un langage commun ! »
Laurent Ortas, président de la commission BIM à l’AIMCC

Communauté d’intérêt et avatar numérique

Bénéficiant entre autres d'une expertise sur les métiers du BTP au sein de GS1 France, Valérie Marchand souligne que GS1 Belgique travaille depuis 2016 avec les acteurs du bricolage et du jardinage sur des fiches produits standardisées. L’initiative va être déployée en France. « Cela fait sens pour créer une communauté d’intérêt car tous les distributeurs référencent peu ou prou les mêmes marques », confie-t-elle.

En écho, Laurent Ortas qui préside entre autres la commission BIM à l’AIMCC (regroupant les industriels des matériaux de construction), estime que «ces trois langages différents (Edoni, Fab.Dis et GS1) se complètent. Mais avec le BIM, la complexité sur la nature des datas se renforce. Il faut s’accorder sur un langage commun ».

Dans le cadre du projet BoostConstruction qu’il pilote, un accord de coopération a été signé en octobre 2018 avec 15 acteurs de la filière parmi lesquels figurent Legrand, Saint-Gobain, Schneider Electric et Vicat. « En tandem avec GS1 entre autres, nous travaillons de façon transversale univers par univers, et métier par métier pour mettre en réseau des dictionnaires techniques sur les produits et utilisables par l’ensemble des intervenants de la filière », rappelle Laurent Ortas.

Carnet numérique du bâtiment, charte “Objectif BIM 2022”, envol de la “construtech” dans le BTP… : « Dans quelques années, l’ouvrage sera livré avec son avatar numérique et toutes sa base de données techniques. Il faut avancer sur l’exploitation d’un référentiel commun, d’autant que le numérique induit de nouvelles manières de prescrire les solutions techniques… », résume Rémi Lannoy, du pôle Construction numérique & BIM au Cerib (Centre d’études et de recherche de l’industrie du béton). Sous l’égide de la Fédération de l’industrie du béton, cet organisme travaille ainsi depuis trois ans sur des bases de données produits génériques... « exploitables par tous ».

Stéphane Vigliandi
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