
Cédée à Pompac, « l’enseigne Orvif demeure sans licenciement »

Adhérent du groupement Algorel, le grossiste francilien Orvif spécialisé en sanitaire-chauffage vient d’être racheté par Pompac Développement (propriétaire de Comafranc-Espace Aubade). Sa dirigeante Isabelle Roux détaille en exclusivité pour Zepros Négoce les raisons de cette cession dans un contexte de marché sous tension.
Depuis la crise sanitaire de 2020, Orvif a perdu en moyenne deux points de marge tous les ans. Nous avons traversé – comme beaucoup d’acteurs du sanitaire-chauffage et de la plomberie – une succession de turbulences géopolitiques et macro-économiques qui n’ont pas contribué à dynamiser l’activité : la guerre en Ukraine avec la flambée du coût des matières premières et des problèmes de disponibilité de l’offre, les émeutes de juin 2023 en région parisienne après la mort de Nahel Merzouk qui ont contribué à perturber notre activité, la dissolution de l’Assemblée nationale et l’instabilité gouvernementale, les JO de Paris avec des difficultés pour livrer les chantiers, etc. Comme certains négoces [dont le négoce lyonnais Femat, adhérent France Matériaux : Ndlr], nous avons subi de plein fouet les effets collatéraux d’une conjoncture morose et d’une réglementation parfois peu lisible pour le marché de la rénovation énergétique notamment (réformes successives de MaPrimeRénov’, des CEE…).
« En tant qu’indépendant, la cession de mon entreprise est une forme de transmission que je n’aurais pas pu imaginer auparavant. »
Tous ces événements ont mis un sérieux coup de frein au climat des affaires en région parisienne notamment. Lorsque le chiffre d’affaires souffre durant deux-trois mois, les charges sont à répartir sur le reste de l’exercice comptable. La trésorerie et les volumes de marge en pâtissent forcément, d’autant qu’Orvif avait dû contracter un PGE [prêt garanti par l’État : Ndlr] de 4 M€ à l’issue du premier confinement. Fin 2020, j’ai d’ailleurs dû engager un plan de sauvegarde de l’emploi [PSE]. J’ai repris Orvif en 2001 à la suite de ma mère Monique Faviez. À 64 ans, je souhaitais rester encore à la tête de ma société durant deux ou trois tout en sachant que les signaux du marché n’allaient pas sortir du rouge tout de suite. En tant que PDG d’une entreprise familiale, c’est un vrai crève-cœur de devoir vendre. Mais il était hors de question d’aller jusqu’au dépôt de bilan.
Jusqu’à présent, Orvif était à la SFAC [filiale du groupe Allianz : Ndlr]. Les assureurs-crédit ont adopté une posture radicale et assez sévère vis-à-vis du négoce en général et des enseignes indépendantes en particulier. Depuis cinq ans, c’était un peu “ceinture et bretelles” avec la SFAC ! Nos encours ont été réduit. D’autant que nous avons été confrontés à des liquidations judiciaires parmi notre clientèle en portefeuille : Orvif perdait en moyenne deux à trois clients par mois, car nous n’avions plus la capacité d’accepter des niveaux de commandes inférieurs à 5 000 € HT. Les artisans ont aussi fait preuve de plus d’agressivité dans les négociations tarifaires sous l’effet notamment des achats groupés – un phénomène qui s’est développé ces dernières années en région parisienne. Les affaires sont traitées avec une marge qui n’est plus que de 4 % en moyenne pour Orvif ; ce qui ne couvrait plus mes frais généraux.
« Sur les 4 derniers mois de 2024, notre chiffre d’affaires a chuté d’environ -30 % car l’activité du Bâtiment souffre nettement plus à Paris et en Île-de-France qu’en province. »
Julien Savoy a pris la présidence de l’entreprise. Il s’agit du directeur régional Île-de-France Nord de Pompac Développement. Un directeur d’exploitation doit être nommé. Quant à moi, je reste en relai à la demande du repreneur. Je devrais accompagné la nouvelle direction encore au moins deux mois.
Aujourd’hui, Orvif capte environ 10 à 11 % du marché du sanitaire-chauffage en Île-de-France. Vous vous doutez bien que j’ai été approchée par plusieurs grands groupes intégrés du secteur. Mais je souhaitais un repreneur ayant une vision d’entreprise similaire à la mienne pour continuer à pérenniser l’identité de ma société. Pompac Développement s’inscrit dans cet esprit. Il évolue dans un groupe familial [l’allemand GC-Gruppe : Ndlr] qui représente une importante force de frappe en Europe en termes d’achat et de logistique entre autres. Mais, au-delà des économies d’échelle, cela ne l’empêche pas de laisser une certaine autonomie à ses filiales sur le terrain. C’est ce mode de gestion décentralisée qui m’a rassurée. Pompac a donc repris 100 % du capital et Orvif n’est plus membre d’Algorel depuis le 30 avril 2025.
« Pompac Développement a su conserver un modèle de gestion assez décentralisé sur le terrain. C’est un élément rassurant pour qu’Orvif puisse poursuivre sa route. »
Bien évidemment, c’était ma première intention en faisant jouer le droit de préemption ; la centrale ne disposant d’une financière. Deux adhérents m’ont consultée. Mais, dans les deux cas, le projet n’a pu aboutir car la restructuration à mener au sein de mon entreprise est assez importante.
Il n’est pas là pour tout “cassé” ! Au contraire, il va réorganiser l’entreprise. Pompac va réinjecter es liquidités pour qu’Orvif retrouver une trésorerie solide. Lors d’une réunion avec les membres du CSE qui s’est tenue ce 6 mai, Pompac Développement y a annoncé plusieurs décisions rassurantes pour nos équipes. L’enseigne est conservée. Elle ne fusionnera pas avec une autre filiale de Pompac. Aucun PSE n’est prévu : les 98 salariés en CDI restent tous en poste. Nos deux plateformes de stockage – l’une située au siège social d’Orvif à Gentilly (Val-de-Marne) et l’autre à Orly (Val-de-Marne) ouverte en 2019 – restent aussi en place. Orvif y dispose de plus de 23 000 m2 d’entreposage – soit environ 8 0000 produits stockés.
Notre repreneur a une expertise forte dans la vente en libre-service [à l’image, par exemple, de l’agence Pompac de Sélestat (Bas-Rhin) dont la rénovation a été finalisée fin avril avec un LS et un showroom de 1 000 m2 chacun : Ndlr]. Le groupe a par ailleurs développé depuis une dizaine d’année la partie e-commerce en apportant de la valeur ajoutée au niveau du commerce. Notre concept va sans doute évoluer en ce sens. En outre, Orvif est surtout connu pour son offre en sanitaire. Là encore, Pompac nous apportera son expertise dans le domaine du chauffage. En revanche, nous bénéficions d’un savoir-faire en matière de services, notamment la livraison express en 2 heures pour les chantiers situés dans Paris intra-muros. Le cas échéant, cela pourrait servir à d’autres filiales de Pompac.
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