« En cessation de paiement, Femat a une dizaine de propositions de reprise »
Treize ans après sa création, le négociant lyonnais axé sur « le bâtiment performant » et la rénovation énergétique a été placé en redressement judiciaire mi-juillet à la demande de son président, Florian Brunet-Lecomte. En cause selon le dirigeant? L’allongement excessif des délais de paiement par l’Anah pour le versement des avances MaPrimeRénov’. Une dizaine de repreneurs se sont déjà positionnés, en majorité des enseignes BtoB.
La situation est extrêmement frustrante, mais aussi très paradoxale. La société se portait bien jusqu’à présent, et son modèle économique était rentable. Le chiffre d’affaires s’est maintenu, voire s’est développé pour l’activité de distribution (Femat) jusqu’à ce que les retards de paiement de l’Anah ne viennent enrayer la dynamique de développement. Il n’y a eu aucune erreur de gestion. Cette procédure collective intervient alors que l’entreprise a vu sa taille tripler au cours des cinq dernières années. Nous restons en phase de croissance et les clients sont là. Les difficultés financières viennent en majeure partie des avances de trésorerie proposées par notre filiale Femat Solutions [créée en janvier 2020 : Ndlr]. En tant que mandataire financier de l’aide publique MaPrimeRénov’ (MPR), nous préfinançons les montants de la prime aux artisans qu’eux-mêmes doivent déduire de ce qu’ils encaissent auprès de leurs clients particuliers. Or les remboursements de l’Anah se sont considérablement allongés : avec des délais de l’ordre de 12 à 18, voire 20 mois. Sur un montant de 3,2 M€ d’avances MPR à fin 2022, l’Anah aura mis une bonne année à nous régler les deux-tiers de cette somme. Fin juin 2024, il restait encore près de 700 k€ à percevoir et 650 k€ fin juillet. À fin août, cet arriéré n’a quasi pas évolué. Peu ou prou, cette somme qui correspond à ce que nous devons à nos fournisseurs et qui nous empêche de pouvoir faire de nouveaux achats afin de servir nos clients historiques. Le 16 juillet, à ma demande, le tribunal de commerce de Lyon a alors prononcé l’ouverture d’une procédure collective à la suite de la cessation de paiement le 30 juin 2024.
À fin 2022, la situation était très difficile à gérer. D’un côté, nous espérions sans crainte réelle que l’Anah rembourserai les sommes avancées, car nous avions encore peu de doutes. De l’autre côté, nos artisans étaient en situation très tendue – avec un carnet de commande plein, mais une trésorerie faible. L’offre Femat Solutions était alors idéale : chacun pouvait continuer à développer son activité et toute la filière en bénéficiait, du fabricant au distributeur. Comme nous ne pensions pas possible d’être payés à plus de 12-18 mois, nous pensions sincèrement – devrais-je dire naïvement ! – que nous serions payés rapidement. Malheureusement, cela n’est pas arrivé. Et fin janvier 2024, la trésorerie a fini par manquer. À tel point que fin février 2023, sans l’appui de notre actionnaire financier la Banque Populaire via sa structure d’investissement Garibaldi Participations, nous n’aurions pas pu assurer le paiement de nos salaires et de nos échéances fournisseurs.
« Nos difficultés de trésorerie sont directement liées au rallongement des délais de paiement de MaPrimeRénov’ par l’Anah – jusqu’à 18-20 mois. Notre crédibilité auprès des fournisseurs en a pâti. »
Il n’est pas du tout question de se placer en tant que victime auprès de l’Anah qui, d’ailleurs, n’a toujours pas répondu à nos sollicitations pour évoquer notre dossier. Comme d’autres acteurs de la filière Bâtiment, dont des organisations professionnelles représentant les entreprises artisanales, je dénonce depuis 2022 les retards de remboursements qui s’amplifient. Les services de l’Anah sont dépassés face à un dispositif MPR qui ne fonctionne plus parce que trop rigide. Le moindre grain de sable dans l’instruction d’un dossier, et c’est au moins six mois de retard supplémentaire. La situation met d’ailleurs de plus en plus d’artisans en difficultés financières.
« J’ai longtemps milité pour que la créance MaPrimeRénov’ soit “finançable”. »
Avant tout, il faut trouver une manière de détendre le système de préfinancement imposé par l’approche MPR. À l’origine, je tiens à le saluer une fois encore ce dispositif bénéfique puisqu’au lieu de rembourser a posteriori via un crédit d’impôt en année N+1, on vient déduire directement l’aide en année N. Malheureusement, l’écosystème artisans, puis très rapidement des structures de mandataires financiers telles que Femat Solutions sont venues supporter cette déduction ; l’Anah s’engageant à rembourser l’avance dans un délai raisonnable. On pourrait concevoir que, pour des raisons éminemment respectables de bon emploi de l’argent public, l’Anah ait besoin d’une période de contrôle plus importante, certes. Mais à condition alors que l’écosystème de préfinancement puisse assoir une partie des fonds engagés sur des fonds souverains ou plus structurés. J’ai longtemps milité pour que la créance MPR soit “finançable”.
« C’est tout un écosystème qu’il faut repenser en matière de financement de MPR, mais aussi sans doute pour les CEE. »
Or en droit bancaire, il s’agit d’une “créance en germe”. C’est-à-dire qu’elle appartient au particulier faisant réaliser les travaux chez lui. Cette créance n’est pas “notifiable” ; c’est-à-dire ne permettant pas à un organisme de financement (une banque, publique comme privée d’ailleurs) de financer, car la non-notification ne donne pas de terme, donc interdit tout financement. C’est le serpent qui se mord la queue et engloutit tout le système de la rénovation énergétique par la même occasion ! C’est donc tout un écosystème qu’il faut repenser en matière de financement de MPR, mais aussi sans doute pour les CEE. Par exemple, il est possible d’envisager des partenariats entre délégataires, mandataires, intermédiaires, etc. pour soulager l’Anah. Femat Solutions pourrait tout à fait trouver sa place dans ce dispositif. Dans le cadre des avances MPR, on peut envisager également un dispositif où la créance est finançable [certains organismes bancaires ont déjà commencé à nouer des partenariats avec des enseignes : Ndlr].
« La majorité des repreneurs déclarés sont des enseignes de négoce. Au plus tard début ou mi-octobre 2024, le nom du repreneur devrait être connu. »
Femat SAS est désormais engagé dans un plan de cession. Nous souhaitons nous adosser à un repreneur pour reconstituer les BFR et être en mesure de répondre à notre clientèle historique ; l’objectif principal étant de revenir à un encours normal chez les fournisseurs – encours quasiment réduit à zéro depuis bientôt six mois. La date limite de dépôt des offres est fixée au 16 septembre prochain. Fin juillet, sept repreneurs potentiels s’étaient déjà positionnés sur le dossier. La majorité des repreneurs déclarés sont des enseignes de négoce qui ne sont pas forcément issues de la distribution Sanitaire-Chauffage ; 70 % de notre chiffre d’affaires étant générés par les métiers de l’enveloppe (isolation, étanchéité…). Certains industriels se penchent également sur le dossier [en juin 2023, Femat était en négociation pour que Thermador entre au capital : Ndlr], car l’approche distribution experte/financement-conseil pourrait accompagner la branche des constructeurs de maisons individuelles. Au plus tard début ou mi-octobre, le nom du repreneur devrait être connu. Je souhaite d’ailleurs continuer l’aventure Femat aux côtés de notre nouvel actionnaire qui détiendrait 100 % du capital.
Femat SAS • Chiffres-clés
• 3 filiales : Femat spécialisé en négoce écomatériaux, isolation, étanchéité à l’air (création en 2011 / 80 % du CA) et génie climatique ; Femat Solutions (création : début 2020 / BET et préfinancement des aides d’État) ; Femat Solar (création : juin 2023 / ventes de systèmes photovoltaïques).
• ±12,5 M€ HT de chiffre d’affaires 2023-2024 (exercice fiscal clos au 31/03/2023) vs 17 M€ sur 2022-2023 à + 25 % vs 2021-2022.
• 4 agences : 3 dans le Rhône (Dardilly, Chaponost et Corbas) et 1 à Chambéry (Savoie).
• Effectif : 40 salariés.
(Source : Femat)