Logement neuf : le Pôle Habitat FFB alerte sur une "crise majeure et imminente"

Jérémy Becam
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Construction

Le Pôle Habitat FFB a tenu une conférence de presse ce 24 février pour le faire le bilan de l’année 2021 et les perspectives pour l’exercice à venir pour le secteur du logement neuf. Si l’organisation s’attend à ce que le marché reste en croissance en 2022, elle s’inquiète aussi d’une « crise majeure imminente » causée par la hausse sur les prix des matériaux, les surcoûts de la RE2020, de la hausse des taux de crédits immobiliers ou encore de la mise en œuvre du principe du « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN).

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De l'optimisme mais aussi un signal d’alarme, voilà comment résumer le bilan de 2021 et les perspectives 2022 pour le secteur du logement neuf à l’occasion de la conférence organisée par le Pôle Habitat FFB. Commençons par un retour sur l’exercice précédent pour le marché de la maison neuve en secteur diffus qui a connu un fort rebond en 2021, avec des ventes en croissance de 21,5% sur un an et de 11,2% par rapport à 2019. Un résultat très positif après une chute 8,5% en 2020. Le Pôle Habitat FFB explique cette demande par des conditions de crédit très favorables 1 et le dynamisme de l’offre bancaire (jusqu’à l’été), mais aussi par l’anticipation de l’entrée en vigueur de la RE2020 et surtout par la confirmation d’un puissant attrait des Français pour l’habitat individuel, renforcé par les contraintes nées de la crise sanitaire. Ainsi, la construction de maisons affiche 139 600 ventes brutes en secteur diffus pour 2021. Un niveau supérieur à la moyenne annuelle de long terme (125 900 unités) et qui représente le meilleur exercice de ces dix dernières années.

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chiffres FFB

Toutefois, l’analyse des chiffres mensuels et trimestriels montre que la solide performance de l’exercice 2021 s’appuie sur un premier semestre exceptionnel (+38,6% au premier trimestre et +63,2% au deuxième, en glissement annuel). Cette forte reprise des ventes ne s’est pas poursuivie au second semestre : +1,2% au troisième trimestre, -3,1% au quatrième et même -13,9% en décembre 2021. Cette demande se replie pour plusieurs raisons selon le Pôle Habitat FFB : les incertitudes sur le pouvoir d’achat (notamment la forte hausse des tarifs des énergies et des carburants), les surcoûts liés à l’impact de la hausse des matériaux et à l’entrée en vigueur de la RE2020 pour les contrats signés après le 1er octobre et enfin le recul de la production de crédits (-20% dans le logement neuf en 2021 par rapport à 2019).

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chiffres FFB 2

Des autorisations et des mises en chantier en hausse

Après une chute historique de 12% en 2020, les autorisations de logements neufs ont progressé l’an dernier de 18,8%. En 2021, 470 900 logements ont été autorisés, soit 74 600 de plus qu’en 2020. Un niveau supérieur à la moyenne des dix dernières années (443 000) et à la moyenne de long terme (425 000 sur 1986-2021). Ce net rebond des permis de construire, qui intervient après trois années de baisse consécutives, s’explique par la forte progression de l’habitat individuel (+25,3% par rapport à 2020 ; +15,9% par rapport à 2019), qui concrétise la forte activité commerciale du premier semestre 2021 en secteur diffus. En revanche, les autorisations en logement collectif poursuivent leur descente aux enfers. Si elles progressent de 13,9% par rapport 2020, elles reculent de 3,5% par rapport à 2019 et même de 13,3% par rapport à 2017. Cette chute continue depuis cinq ans se concentre essentiellement dans les zones tendues, à contre-courant des politiques publiques conduites.

Quant aux mises en chantier de logements neufs, qui avaient enregistré un recul de 6,8% en 2020, elles ont augmenté de 10,9%. L’an dernier, 386 900 logements ont été commencés, soit 37 900 de plus qu’en 2020, contre une moyenne à long terme d’environ 361 000 unités. Par rapport à 2019, cela représente une quasi-stabilité (-0,05%), mais le niveau reste très en-deçà des 435 400 mises en chantier de 2017. Par segment de marché, les mises en chantier en individuel ont grimpé de 13,7% en 2021, tandis que celles du collectif remontent de 8,9%.

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Chiffres FFB 3

« La digue qu’a représenté l’individuel diffus en 2021 est en train de céder »

Avant de tirer la sonnette d’alarme, le Pôle Habitat FFB a estimé que, grâce à la dynamique des ventes et des permis de construire de l’habitat individuel, le chiffre d’affaires du bâtiment en logement neuf pourrait gagner plus de 7% en 2022, permettant au secteur de quasiment renouer avec le niveau d’activité d’avant-crise Covid-19. « En effet, compte tenu des délais moyens entre permis de construire et mise en chantier (5,4 mois dans l’individuel et 11,3 mois dans le collectif depuis 2000), les démarrages de chantier de logements pourraient croître légèrement pour se rapprocher des 400 000 unités. Avec un stock élevé de permis accumulé en 2021, l’habitat individuel afficherait une hausse proche de 10% (soit +15 000 maisons), tandis que le collectif subirait un recul d’environ 3% (soit -7 000 appartements) », explique le Pôle Habitat FFB.

En revanche, les autorisations se réorienteraient à la baisse (autour de -8%), en raison des difficultés persistantes que rencontre le logement collectif et la forte contraction des ventes en individuel diffus observée depuis le dernier trimestre 2021 : à fin janvier 2022 sur trois mois glissants, les ventes en individuel diffus dévissent de -14%. « Ainsi, la digue qu’a représenté l’individuel diffus pour l’activité du bâtiment en logement neuf en 2021 est en train de céder du fait de la hausse des prix des matériaux et de l’énergie, des surcoûts de la RE2020 (qui, pour l’heure, ne trouve aucune forme de compensation), de la tendance haussière des taux de crédits immobiliers, de la transformation en règlementations des recommandations du Haut Conseil de Stabilité Financière (HCSF) , ainsi que de la mise en œuvre du principe du « Zéro Artificialisation Nette » (ZAN) ) qui risque d’accentuer la pénurie foncière au détriment de l’offre abordable », alerte le Pôle Habitat FFB.

L’organisation estime qu’aucune disposition ou mesure concrète ne se dessine pour inverser à court terme la tendance à l’œuvre depuis 2018 dans le logement collectif, particulièrement dans les zones denses. « Au contraire, se dessine à court terme, en plus des exigences contenues dans les chartes locales édictées par nombre de collectivités locales, la perspective d’un nouveau tassement consécutif aux surcoûts des critères avancés pour le « Pinel+ » (surfaces minimum par typologie, généralisation des balcons, anticipation des seuils 2025 de la RE2020...). Raréfaction foncière, malthusianisme local, hausse des taux, surcoûts à deux chiffres : face aux besoins, tous les ingrédients d’une crise majeure et imminente du logement neuf abordable sont réunis ! », ajoute-t-elle.

Des solutions proposées par le Pôle Habitat FFB

Face à cette situation inquiétante pour le logement abordable, dans la suite de la FFB, le Pôle Habitat FFB appelle à rétablir le prêt à taux zéro à 40% sans discrimination territoriale, à instaurer un crédit d’impôt de 15% sur les annuités d’emprunt, et à reconsidérer, dans la perspective de la réforme portée par la FFB de créer un statut universel du bailleur privé, le durcissement des conditions du dispositif Pinel pour 2023 et 2024. Pour relancer (vraiment) la construction neuve, il invite également à mettre en œuvre concrètement plusieurs propositions phares portées par la FFB dans la Commission Rebsamen, à définir un cadre soutenable de la lutte contre l’artificialisation des sols et à établir un véritable « permis de densifier ».

Pour Grégory Monod, Président du Pôle Habitat FFB, « il est urgent de prendre conscience de la crise du logement dans laquelle nous nous enfonçons et de ce que cela signifie pour nos concitoyens, notamment les jeunes et les plus modestes. Les digues cèdent les unes après les autres : après l’individuel groupé, après le collectif en zones tendues, c’est au tour de la maison individuelle, si chère aux Français, d’entrer dans la tourmente en raison des contraintes qui frappent le secteur du neuf. Construire pour loger est un vecteur de progrès sociétal et écologique, un outil incontournable de lutte contre les inégalités sociales, générationnelles et territoriales. La situation exige des mesures fortes, puissantes et rapides. Elles doivent à la fois encourager les projets et accompagner le pouvoir d’achat des ménages. »

Jérémy Becam
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