Sur fond de crise systémique, la FDMC appelle à « imaginer un (nouveau) monde »
Lors de son traditionnel déjeuner-rencontre qui s’est déroulé ce 15 novembre, la FDMC (Fédération des distributeurs de matériaux de construction) a appelé la profession et son amont à « opérer un mutation sans précédent » dans un climat d’affaires qui continue de se dégrader – à l’exception des marchés de la rénovation énergétique et de la rénovation globale. Morceaux choisis.
Sans surprise aucune, les indicateurs de l’artisanat du Bâtiment sont presque tous dans le rouge. Avec un marché de la construction neuve plombé (-3 % au 3e trimestre 2023 vs le T2 2022) et un repli global de l’activité de 1 % qui fait suite au -0,5 % sur le T2 2023. Seule exception selon la dernière note de conjoncture de la Capeb : les travaux de performance énergétique ont “caracolé” à +1,5 % entre juillet et fin septembre 2023.
Outre « un secteur de la construction en chute libre », Marie Arnout, la présidente de la FDMC, a énuméré d’autres facteurs d’inquiétude : « une politique du logement rabotée à son maximum, un marché de l’immobilier figé [selon le Syndicat national des professionnels immobiliers (SNPI), 2023 devrait se clôturer avec un volume de transactions qui ne dépassera pas les 890 000 ventes, à -20 % vs 2022 : Ndlr], un secteur bancaire apeuré, le tout dans un contexte international d’extrême tension ».
Lors de son discours devant près de deux cents invités, Marie Arnout n’a toutefois pas voulu céder à « la morosité ambiante ». Et d’appeler « plutôt à [se] nourrir de perspectives, de projets et de travail en commun ». Après son « C’est pour nous aussi ! » martelé lors des 12es “Rendez-vous du Négoce” en mai dernier, la négociante des Hauts-de-Seine aura d’ailleurs répété à huit reprises cette formule, comme un leitmotiv : « Imagine un monde » – un appel à « ne pas faire preuve aujourd’hui de sinistrose, mais à se projeter ».
« Bien plus qu’une transition, c’est vers une bascule que nous poussent les phénomènes climatiques et les pouvoirs publics, voire une métamorphose. »
Marie Arnout, présidente de la FDMC
Le négoce à l’étiage en 2023 ?
Pourtant l’économiste et essayiste Robin Rivaton – l’invité d’honneur de ces Rencontres – a peut-être pu, d’entrée de jeu, refroidir l’assemblée. Décortiquant, les uns après les autres, les atouts et faiblesses actuels de la filière du Bâtiment, cet expert des dossiers liés à la construction et au logement a évoqué, entre autres « sans doute moins de 200 000 logements mis en chantier sur 2024-2025 », « la loi ZAN qui met à mort (sic) le marché de la maison individuelle », « la “marche” 2028 compliquée de la RE 2020 si le bois n’est pas plus intégré dans les process de construction ».
Ou encore l’éternelle spirale « des problèmes de recrutements » et du « manque d’attractivité » du secteur, a-t-il mis en exergue. Reste “la” planche de salut : le segment des travaux de réhabilitation de performance énergétique.
Si, pour la présidente de la FMDC, la conjoncture appelle à un « constat dur, brutal et sans concession », elle constate néanmoins « des signes d’embellie » sur le front « de la rénovation globale et de la rénovation énergétique » ; tout en rappelant « notre vigilance commune avec la Capeb et la FFB cet été pour le maintien du taux de TVA réduit » à 10 %.
N’empêche. Lors d’un point presse qui a suivi ce déjeuner, Marie Arnout a reconnu que « si la première partie de 2023 a été bonne pour les négoces, nous avons connu une chute de chiffre d’affaires d’environ 9 % en octobre. À fin septembre, l’activité était étale sur douze mois glissants ».
D’autant que « sur le segment de la rénovation énergétique, nous n’atteignons pas les chiffres d’activité que nous serions censés atteindre ! ». De là à dire que, sur le marché global du Bâtiment, la tendance baissière va se poursuivre, il pourrait n’y avoir qu’un pas…
“Coup de pouce” pour MaPrimeRénov’ dès 2024
Et de se projeter objectivement : « Avec la grave crise du neuf que nous traversons, ce qui ne se construit pas aujourd’hui ne sera pas rattrapable. À moyen-long terme, cela peut induire un manque à gagner pour le segment de la rénovation ».
Durant le déjeuner, Marie Arnout a aussi passé en revue les 40 Md€ d’investissements publics en faveur de la transition environnementale et les aides d’État fléchées entre autres vers MaPrimeRénov’.
La réforme de ce dispositif dès 2024 devrait toutefois accroître le nombre de rénovations globales à 200 000 logements par an. D’ailleurs aux 1,6 Md€ supplémentaires qui seront versés pour MaPrimeRénov’ – pour être portée à 4 Md€ annuels −, le gouvernement affectera une autre enveloppe de 600 M€ pour rénover les bâtiment de l’État et 500 M€ pour les écoles.
« Nous devons sortir de notre zone de confort et ne pas hésiter à opérer une mutation sans précédent ! »
Marie Arnout, présidente de la FDMC
Se saisir de la silver économie
Autre appel très combatif de Marie Arnout : « Ne pas hésiter à opérer une mutation » pour que les enseignes se saisissent de « tous les changements de la société ». À commencer par le vieillissement de la population. Selon des données de l’Insee, les plus de 60 ans représentaient un quart de la population française en 2016. En 2060, ils devraient être 23,6 millions – c’est-à-dire... un habitant sur trois.
Si dans les négoces l’offre PMR (personnes à mobilité réduite) s’est sensiblement enrichie ces dernières années, la présidente de la FDMC estime que la filière doit s’« impliquer dans cette feuille de route et montrer aux pouvoirs publics [son] volontarisme ».
Aujourd’hui, seuls 6 % à 7 % des logements privés seraient d’ores et déjà adaptés selon un récent rapport de la Cour des comptes. Les dernières mesures annoncées par le gouvernement (maintien du crédit d’impôt Autonomie jusqu’en 2025 et un budget global de 1,5 Md€) visent à atteindre le seuil des 680 000 logements occupés par des seniors et à adapter au cours des dix ans à venir, dont 250 000 d’ici à 2027 via MaPrimeAdapt’* – le pendant de MaPrimeRénov’ n’étant pas soumis à la qualification RGE des artisans.
Tandis que le volume de dossiers d’adaptation au vieillissement qu’ont validés l’Anah et la CNAV (Caisse nationale d’assurance vieillesse) a bondi de 40 % depuis 2019, le gisement, lui, est estimé à environ 1,7 millions de logements à adapter de manière globale. Actuellement, le coût moyen des travaux s’élève à 7 000 € pour un reste à charge évalué à 2 400 € pour une personne seule.
* Jean-Philippe Arnoux (directeur Silver économie & Accessibilité chez SGDB France) a co-piloté la rédaction du dispositif MaPrimeAdapt’ avec Luc Broussy (président de France Silver Éco depuis 2014).
« En l’absence de [répercussion et de visibilité de l’écocontribution], l’intégralité de la filière [REP] subira une inévitable hausse du coût de construction. »
Marie Arnout, présidente de la FDMC
REP PMCB : la crainte « des bennes à trois quart vides » !
En revanche, la REP Bâtiment continue de donner des sueurs froides à l’ensemble de la filière. Si le critère de seuil « absurde » des 4 000 m² cristallise toujours la colère de la fédération et des quelque 4 350 sociétés qu’elle représente, Marie Arnout a tenu à préciser qu’« après avoir absorbé et mis en place le versement de l’écocontribution [depuis le 1er mai 2023], voici venu le temps de l’échéance logistique et du rendez-vous de la collecte des déchets par les distributeurs ».
Avec une “peur” légitime : « Il ne faudrait pas qu’à compte de janvier [2024], des bennes au trois quart vides accueillent les reliquats de déchets issus de chantiers sur lesquels les éco-organismes auraient déjà fait passer un prestataire de collecte, comme cela est possible à partir de 50 m3 », met-elle en garde.
En outre, elle confie qu’actuellement « les distributeurs sont confrontés à des bennes qui n’arrivent pas dans leurs points de vente » ; les lignes de production de ce type d’équipements ne pouvant pas à faire face à l’explosion de la demande…
En attendant, la FDMC attend des éclaircissements à propos du montant des écocontributions appliquées par les quatre éco-organismes et de leur évolution dans les mois à venir. Le 27 novembre prochain, elle rencontre l’Ocab (l’Organisme certificateur de la REP Bâtiment agréé jusqu’à fin 2024) pour lever le flou sur « certains points d’interprétation et zones d’ombre ».
Autre inquiétude des enseignes ? « Les suspicions illégitimes de notre aval sur la hausse des marges chez les négoces liée à l’écocontribution », a souligné Marie Arnout lors de son point presse. Hasard du calendrier ? Ce 15 novembre, la FFB a fait part « de fortes inquiétudes » sur la mise en œuvre de la filière REP « qui se transforme progressivement en rejet massif du dispositif ».
Là encore, il est notamment question de « frustration » liée à « la complexité des modalités de reprise imposées qui diffèrent entre les éco-organismes ». La FFB réitére ainsi « sa demande d’une communication officielle des évolutions des écocontributions sous un préavis de neuf mois pour que les entreprises et artisans puissent les intégrer dans les devis [actuels] pour des chantiers qu’ils exécuteront en 2024 ».
Reste qu’avec la REP PMCB, la situation est inédite. Si pour certaines filières comme celle des éléments d’ameublement, le législateur a prévu l’obligation d’une écoparticipation visible, le Code de l’environnement (article R. 543-290-3) ne prévoit qu’une “visible fee” partielle et facultative.
Parmi les autres dossiers d’actualité abordés
• ENCORE À PROPOS DES REP. Outre la REP PMCB, le négoce Bâtiment est, comme les GSB, soumis à la REP ABJ (article de bricolage et de jardin) en vigueur depuis janvier 2022. Selon l’Ademe, environ 84 000 t/an de produits en fin de vie sont jetées dans les ordures ménagères résiduelles, les encombrants et en déchèteries.
Quant à la REP EIC (emballages industriels et commerciaux), le dispositif doit être effectif au 1er janvier 2025. La filière prend notamment en compte les plastiques (rigides, souples), fûts, bidons, big-bags, grands récipients vrac, films…
Pour l’essentiel, il s’agit de polyéthylène haute et basse densité, de polypropylène et de polystyrène – soit 1,2 million de tonnes/an à collecter. L’Ademe juge qu’aujourd’hui 73 % des volumes ne disposent pas de solution de régénération durable. Taux de recyclage fixé par l’UE ? 50 % en 2025. La FDMC devrait « prochainement » dresser un état des lieux.
• RÉNOVATION ÉNERGÉTIQUE & FORMATION. Selon Marie Arnout, « l’effort doit être intense et bien orienté » concernant le programme Oscar pour former les RAR (référents d’aide à la rénovation énergétique) au sein des agences.
• LA DÉCARBONATION DES ENSEIGNES. Obligations liées aux décrets tertiaires et BACS, panneaux photovoltaïques sur toitures et ombrières… : « Face aux impératifs de sobriété », Marie Arnout souligne qu’« il est de notre devoir de veiller à embarquer tous nos adhérents […] sur des chemins verts ».
Peu de temps avant le Déjeuner-Rencontre de la FDMC, la commission RSE de la fédération présidée par Cynthia Caroff consacrait d’ailleurs une réunion de travail liées aux questions d’efficacité énergétique, de contraintes règlementaires « sous l’angle de la valorisation du patrimoine immobilier des points de vente ».
• POUR SÉDUIRE LES JEUNES. À propos de la promotion des métiers du négoce, la convention triennale de coopération liant la FDMC à l’État (ministères de l’Éducation nationale et de l’Enseignement supérieure) et l’OPCO Constructys est prolongée d’un an.
La fédération s’apprête aussi à « déployer en région un réseau d’ambassadeurs des négoces qui peuvent s’appuyer sur un potentiel d’une trentaine de lycées professionnels Bâtiment ». But visé ? Attirer les futurs talents dans les enseignes et groupements d’indépendants.
• SUR LE VOLET RSE. Organisées par la FDMC en octobre 2023, la première édition des “Foulées du Négoce” s’est avéré un succès à en croire les multiples photos et commentaires postés sur les réseaux sociaux par les distributeurs participants et la fédération.
Résultats ? Cette « course connectée » a permis de « planter de 1 500 arbres » grâce aux « plus de 20 000 km » parcourus au total.