[ATLAS UE] Le négoce français appelle à « retrouver un peu de lumière » en 2025

Stéphane Vigliandi
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Agence Point.P sur la quai d'Ivry à Paris - Stock couvert.

Au carrefour de la filière du Bâtiment, les acteurs du négoce multispécialiste et généraliste poursuit ses actions pour renforcer son offre à destination des travaux de rénovation énergétique en dépit d’un contexte politique instable.

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En matière de réglementation environnementale, y a-t-il, là aussi, une exception culturelle française ? Cet automne, lors du Mondial du Bâtiment 2024 à Paris, les experts de tout bord ont répété au gré des workshops et tables rondes que la législation française était l’une des plus vertueuses d’Europe – si ce n’est « la plus stricte ». Au cœur de la filière, le négoce joue un rôle crucial dans cette course à la décarbonation. Il est en même le “poumon” commercial.

Début novembre, le gouvernement a d’ailleurs dévoilé une version encore plus ambitieuse de sa Stratégie nationale Bas-Carbone et de la Programmation pluriannuelle de l’énergie. Les objectifs ont été sensiblement réhaussés puisque l’État entend diminuer les émissions brutes de gaz à effet de serre de 50 % d’ici à 2030 par rapport à 1990 (-40 % précédemment).

Pour y parvenir, le pays devra réduire en moyenne ses émissions annuelles de 5 % au cours des années à venir contre les -2 % l’an consentis entre 2017 et 2022. L’effort est important. Sans doute, n’est-ce pas un luxe car la précarité énergétique touche 5,6 millions de foyers – soit 12 millions de personnes dont 60 % sont locataires.

Distributeurs engagés

Le négoce, lui, n’a pas à rougir sur sa capacité à répondre à tous ces défis. Depuis le Grenelle de l’environnement et sa loi d’août 2009, la profession n’a cessé de repenser avec son amont industriel l’offre (produits biosourcés, affichage du poids carbone, seconde main…) pour proposer des solutions à la hauteur des enjeux.

Dans les états-majors des enseignes, en agences, sur le terrain, chacun affûte ses outils et services au jour le jour : qu’il s’agisse d’optimiser les parcours client (libre-service, click & collect, intermédiation…) et services (webshops, applis mobiles, bureaux d’études, ateliers d’usinage…) ou d’endosser un rôle central dans la collecte des déchets de chantier.

Au gré des crises économiques des trente dernières années, le distribution tricolore en a profité pour se recomposer, se renforcer. À tel point qu’elle apparaît aujourd’hui peut-être comme l’une des plus structurées d’Europe. Supercentrales et groupements d’indépendants multispécialistes (le Club Altéral, BigMat, France Matériaux, Gedicoop, MatPlus, Nebopan, Starmat, Sylvalliance, Tout Faire…) et spécialistes (Batiman, Cardev, Caséo, Univerture…) se partagent assez équitablement le marché face aux intégrés.

Dans le Pop 3 hexagonal : l’éternel leader Point.P (environ 4,5 Md€ de CA en 2023 pour un réseau de plus de 1 000 agences), le groupe isérois Samse (2,27 Md€, et 439 agences en tenant compte de l’intégration mi-2024 du pôle Négoce repris au vendéen Hérige : VM Matériaux, LNTP et Cominex) et l’occitan Chausson Matériaux (1,43 Md€ et 470 agences).

En face ? Des structures comme CMEM et MCD, des sociétés familiales au rayonnement régional voire multirégional, mais aussi quelques rares acteurs étrangers – pour l’instant ? – à l’instar du britannique SIG qui détient Lariviere et LiTT, ou le néerlandais BME propriétaire de Raboni, Busca et Silix TP.

-10 %
C’est la baisse de CA 2024 estimée en négoce matériaux par la FDMC (Fédération des distributeurs de matériaux de construction).

Réarmer le “soldat Logement”

Des « chiffres calamiteux » à propos des mises en chantier de logements (-36 % en octobre 2024 par rapport à la moyenne d’avant-Covid), « la chute des permis de construire », les défaillances d’entreprises à un « taux historiquement haut », « la baisse de productivité », la crainte du « spectre de la récession »… 

À un an d’intervalle, c’est un discours fait d’inquiétudes qu’a tenu, fin novembre 2024, Marie Arnout lors du déjeuner annuel de la FDMC (Fédération des Distributeurs de Matériaux de Construction) qu’elle préside depuis janvier 2023. Sans intention pourtant de « broyer du noir plus que de raison ».

Dans un climat politique et économique sous haute tension, elle a emprunté au vocabulaire de la météo pour exprimer le ressenti de la profession devant 200 invités : « Un brouillard épais entoure nos entreprises depuis plusieurs semaines ». Avec un mot qui peut « résumer à lui seul ce smog inédit : incertitude ».

Si en 2023, cette cheffe d’entreprise francilienne appelait à « imaginer un nouveau monde » sur fond de crise dans le neuf, elle s’est fait cette année la porte-parole pour que la filière « retrouve un peu de lumière et un bol d’air ». L’issue passe par « la volonté gouvernementale de procéder par la simplification ». Et de « réarmer » le “soldat Logement”.

Tandis que pour l’exercice 2025 les incertitudes planent sur un marché toujours sous contraintes, des signaux positifs émergent toutefois comme la récente extension du PTZ  (prêt à taux zéro) sur tout le territoire pour l’achat de logements neufs. Barèmes 2025 de MaPrimeRénov’ enfin sécurisés et simplification du DPE entre autres : les acteurs de la rénovation énergétique, eux aussi, peuvent souffler un peu.

D’autant que ce marché demeure “le” principal pilier sur lequel s’appuie le négoce. Reste à savoir si le gouvernement Bayrou saura répondre aux attentes du marché. Au risque, sinon, de plonger un peu plus les acteurs du BTP dans… un épais “brouillard”. 

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Panneau de signalisation ZFE-m à Lyon.

Zones à faibles émissions (ZFE) • De nouvelles restrictions dès janvier 2025

Négoces et artisans vont devoir encore plus montrer patte blanche pour circuler et livrer les chantiers en ville. Dans le cadre des engagements de décarbonation, les ZFE-m (Zones à faibles émissions mobilité) de certaines agglomérations de plus de 150 000 habitants musclent leur dispositif.

Dès le 1er janvier 2025, la circulation des véhicules Crit’Air 3 en est bannie ; il s’agit des véhicules diesels immatriculés avant 2011 et des véhicules à essence d’avant 2006 – soit 21 % du parc automobile français.

À de rares dérogations près, les régions parisienne et lyonnaise imposent ces règles très strictes, tout comme la ville de Grenoble. En revanche, l’interdiction des Crit’Air 3 ne sera pas appliquée à Nice, Marseille, Rouen, Reims et Toulouse, par exemple. Motif ? La qualité de l’air a été jugée satisfaisante.

Le négoce Bois et Matériaux en 2023

• 21 Md€ HT de CA en 2023. Baisse évaluée à -10 % en 2024
• 4 325 sociétés (4 260 en 2022), dont 78,5 % de moins de 11 salariés
Plus de 5 500 agences
• 86 000 salariés (-4,8 % vs 2022) dont 3,5 % d’apprentis
(Source : FDMC)

Stéphane Vigliandi
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